Avant-Garde a été à la rencontre de Cécile Cukierman, sénatrice communiste de la Loire, afin d’avoir son point de vue sur la situation économique du pays.
Comment le gouvernement envisage-t-il la crise économique actuelle ? La crise sanitaire est-elle la seule coupable retenue par le gouvernement ?
Le gouvernement semble justifier la crise économique actuelle uniquement comme une conséquence de la crise sanitaire. Cependant, la difficulté structurelle de nombreuses entreprises aujourd’hui est la conséquence de choix économiques des dernières décennies. La mondialisation, encouragée ces trois dernières décennies, accélère, aggrave la crise économique issue de cette crise sanitaire.
Les mesures de chômage partiel ont largement atténué le choc de l’arrêt de l’économie, peuvent-elles réellement sauver des emplois ou ne font-elles qu’étaler dans le temps une montée inéluctable du chômage ?
Le chômage partiel est là pour pallier une difficulté temporaire, mais en effet il ne sauvera pas les emplois si demain de nombreuses entreprises doivent fermer. Certaines entreprises vont au nom de la crise justifiée des restructurations pour accroître leur compétitivité et donc réduire leur masse salariale. D’autres vont très certainement fermer, faute de commandes. De très nombreuses entreprises vivent de la sous-traitance, elles sont les premières fragilisées si aucun plan de relance industrielle, de grands travaux, de relocalisation n’est mis en place.
Le « retour à la normale » d’un point de vue sanitaire s’accompagnera-t-il nécessairement d’une « reprise » économique ?
L’avenir le dira, mais il y a fort à craindre que ce ne soit pas le cas. En tout premier lieu, il est plus rapide de mettre à l’arrêt que de relancer une dynamique économique, quel que soit d’ailleurs le système de production. La reprise n’est pas liée à la situation sanitaire, mais à une volonté politique. Nous avons subi plusieurs crises économiques au cours du XXe siècle et au début du XXIe siècle sans subir de crise sanitaire. Si effectivement la crise sanitaire à plonger notre pays dans une situation économique et sociale catastrophique, il serait donc naïf de croire que l’amélioration sanitaire sonnera seule la fin de la crise économique.
Que pensez-vous des mesures de prêts garantis et de facilités sur les dettes sociales et fiscales à destination des entreprises ?
Dans la situation actuelle, il y a besoin d’aide. Sauver les entreprises c’est sauver les emplois. Cela ne doit pas être fait à l’aveugle. L’argent public doit être conditionné. Ainsi toute mesure peut être acceptable dès lors que cette aide est conditionnée à la relocalisation, au maintien et à la création d’emplois, au besoin de relever les défis de demain tant sociaux qu’environnementaux. Cependant, soyons attentif, l’étalement des prêts ne fait que repousser le problème. La difficulté pour les plus petites entreprises ne va pas se résoudre dès cet été.
Quelles mesures portez-vous pour relancer l’économie ?
Relancer l’économie oui, mais pour quoi faire ? C’est en répondant à cette question que nous devons porter nos mesures de relance. Nous voulons relancer l’économie au service de l’humain, de la planète. Les salariés ne peuvent pas être les victimes. Nous devons donc être exigeants oui aux aides publiques exceptionnelles, oui au report des échéances, en les conditionnant. Au-delà même de la conditionnalité, les mesures exceptionnelles doivent être débattues, au sein même des entreprises par les salariés et leurs organisations. Elles doivent réellement s’inscrire dans un plan de relance, de relocalisation, de développement du fret ferroviaire et fluvial, des services publics. Enfin, elles ne peuvent s’envisager sans poser les conditions de travail et des salaires. N’opposons pas reprise économique et exigence sociale. Travaillons ces deux exigences ensemble, pour justement remettre les activités économiques au service de notre pays, des populations et des territoires.
Est-ce pour vous l’occasion de repenser l’organisation économique du pays ?
L’organisation économique doit être repensée. Impossible de résumer en quelques lignes ici les propositions des communistes en la matière. Mais actons, que cette crise a fait surgir le besoin de services publics, le besoin d’industrie stratégique et d’entreprise de proximité, l’enjeu des circuits courts et pas uniquement en matière agricole, l’urgence à démondialiser. Nous avons vu ces dernières semaines que faire dépendre notre pays en terme sanitaire par exemple (masque, tests, médicaments) nous plonge dans l’incapacité à réagir face à l’urgence. Nous avons toute notre place à prendre, amplifions le débat dans notre pays, faisons la démonstration que d’autres choix sont possibles, sortons de ce fatalisme qui laisse s’installer dans notre pays que la seule alternative serait de réduire nos droits sociaux demain. Sachons porter les alternatives et donner un autre espoir !