Six ans après le grand succès public et critique de Parasite (2019), le réalisateur coréen Bong Joon-Ho revient aux manettes avec Mickey 17. Une superproduction américaine à 150 millions de dollars adaptée du roman de science-fiction Mickey7 d’Edward Ashton (2022).
À bord d’un vaisseau spatial destiné à coloniser la lointaine planète glaciale de Niflheim, Mickey Barnes, interprété par Robert Pattinson, est un « remplaçable ». Cet homme à tout faire a comme principale fonction de mourir dans le cadre de missions risquées ou d’expérimentations. Le protagoniste est à chaque fois « réimprimé », à l’identique, par une technologie de clonage interdite sur Terre, et limitée à un individu par mission spatiale.
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Après avoir survécu à une situation périlleuse sur la planète Niflheim, Mickey est confronté aux « Rampants », une espèce animale autochtone de la planète. Face à celle-ci, la 17e version de Mickey est laissée pour “mort”. Mais survivant à son sort, il se retrouve nez à nez avec sa 18e impression, une situation de « multiples » formellement proscrite par la loi.
Accompagnés de Nasha Barridge, jouée par Naomi Ackie, dans le rôle d’une agente de sécurité, les deux Mickey font face aux conséquences des négligences de leur système.
Fidèle à son style, Bong Joon-Ho profite ici de moyens hollywoodiens pour développer ses thèmes traditionnels dans un ton humoristique et exubérant.
Si le film est premier au box-office américain, il fait cependant l’objet de nombreuses critiques, souffrant de la comparaison avec le succès de Parasite qui a créé des attentes excessives quant au retour du réalisateur.
Mickey 17, Donald 25
L’histoire de Mickey 17 est une satire politique. Ce Sisyphe des temps modernes n’a pas choisi sa condition. C’est un parcours terrestre accidenté qui l’a contraint à fuir sa planète natale par tous les moyens, quitte à rejoindre le corps des « remplaçables », à peine considérés comme des êtres humains.
Éternel exploité, Mickey est au service d’un véritable couple de despotes, Kenneth Marshall (Mark Ruffalo) et Ylfa Marshall (Toni Collette). Ces derniers accumulent un culte de la personnalité, des privilèges économiques et le ridicule trumpien. L’auteur avoue lui-même qu’au-delà des parallèles évidents entre Kenneth et l’actuel occupant de la Maison Blanche, le dirigeant de la colonie est pour lui un archétype du dirigeant fasciste.
Soi et autrui, l’identité et l’émancipation
Cette satire politique nous mène à de profondes questions philosophiques. La principale est celle de l’identité, ranimant les craintes modernes qui avaient abouti à l’interdiction du clonage humain partout dans le monde.
Nous pouvons voir en Mickey la personnification de la frange la plus exploitée du prolétariat, corvéable jusqu’à la mort et parfaitement interchangeable. La rencontre des clones, supposément identiques mais pourtant bien différents, ouvre la question de l’émancipation et de l’épanouissement individuel étouffés par l’exploitation.
Si, dans notre labeur nous sommes tous des remplaçables, c’est bien parce que nous partageons une condition commune. C’est par la conscience de ce caractère semblable, que l’émancipation individuelle et collective peut advenir. Le « remplaçable » peut ainsi être lu comme une métaphore de l’essence du salariat.
Le rire au service de la gravité
Malgré ces perspectives, Mickey 17 est bien loin d’être un film plombant. Tout le métrage est traversé d’un sens de l’humour et du burlesque très bien travaillé. Si le caractère comique du film a fait l’objet de critiques, il reste maîtrisé et rythme avec fluidité un film de plus de deux heures. À mesure que les enjeux gagnent en sérieux, la comédie prend le pas sur la dystopie, jouant toujours plus avec les limites et la patience du spectateur.
Les attentes élevées et le manque de développement de certains enjeux ont provoqué des frustrations chez une partie du public. Mais l’exercice reste réussi pour Bong Joon-Ho, qui nous offre une comédie antifasciste alliant une réflexion sur l’humanité et le plaisir d’un humour bien senti, tournant en ridicule un despote bouffon.