En janvier, le premier ministre Bayrou a chargé les syndicats de travailleurs et de patrons de retravailler la réforme des retraites de 2023, qui a relevé l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Cette réforme, contestée par un mouvement social d’une ampleur inédite depuis 1995, est passée en force à l’Assemblée nationale en mars 2023. Finalement, le mouvement s’éteint en juin, mais la contre-réforme reste très largement désapprouvée par la population. La discussion, qui devait se faire “sans totem ni tabou”, des mots-mêmes de Bayrou, tourne court, face à l’impossibilité de revenir sur l’âge légal du départ en retraite.
Des positions de classes marquées
D’autres sujets que l’âge légal sont sur la table, notamment la pénibilité. Il s’agit, pour les organisations des travailleurs, de permettre aux salariés exerçant des métiers pénibles de partir plus tôt en retraite, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Par ailleurs, 4 des 10 critères de pénibilité ont été supprimés. La CGT exige le retour de ces critères, le patronat et le gouvernement, eux, sont contre.
Par ailleurs, la réforme des retraites a impacté plus durement les femmes, dont les carrières sont souvent hachées et orientées vers des situations précaires. La CGT propose donc une contribution technique visant les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale entre femmes et hommes. Le but est de d’obliger financièrement les entreprises à rémunérer les femmes autant que les hommes.
Les organisations de travailleurs souhaitent enfin une meilleure prise en compte des seniors, pour qui trouver un emploi est extrêmement compliqué passé 55 ans. Il s’agit donc d’inciter les entreprises à embaucher des salariés en fin de carrière via une cotisation séniors, c’est en tout cas la revendication de la CFDT.
Le patronat, lui, s’attaque au système de retraite par répartition. Il veut en effet introduire une part de capitalisation dans les pensions. Les salariés vont devoir cotiser pour eux-mêmes plutôt que pour la génération de travailleurs précédente. En définitive, les salariés les mieux payés pourront partir en retraite tôt alors que les travailleurs précaires et aux métiers peu rémunérateurs devront travailler jusqu’à la fin de leurs jours.
Des négociations perdues d’avance ?
D’entrée de jeu, l’abrogation de la réforme s’annonçait compliquée. En effet, le cadre était clair : faute de consensus, la réforme actuelle serait maintenue. Les organisations patronales avaient donc tout intérêt à proposer des mesures toutes plus inacceptables les unes que les autres. C’est pour cela, en plus de leur intérêt matériel immédiat, qu’elles ont proposé l’introduction d’une part de capitalisation. En effet, sur ce point les syndicats de travailleurs sont clairs : la retraite, c’est par répartition.
De plus, alors que les négociations suivaient leur cours, Bayrou a annoncé son opposition au retour de l’âge légal à 62 ans. Pour torpiller les négociations, on ne s’y serait pas pris autrement. Eric Lombard, ministre de l’économie, a toutefois nuancé. S’en tenant au cadre originel de ce conclave, il ne s’est pas prononcé contre l’abrogation du critère d’âge dans la réforme actuelle. Mais de fait, avec cette prise de position du Premier ministre, les négociations ne peuvent plus se tenir. C’est pourquoi Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a annoncé ce jeudi 20 mars se retirer des négociations. Quelle que soit l’issue de ce conclave, rien n’en ressortira de positif pour les millions de travailleurs.
L’arnaque de la guerre
Pour justifier de ne pas revenir sur cette réforme, le gouvernement invoque l’économie de guerre. Nous aurions besoin de toujours plus d’argent pour produire canons, obus et autres fusils, il faut donc travailler plus. Hier, c’était au prétexte frauduleux d’un déficit temporaire de la caisse de retraite qu’il fallait travailler plus longtemps. Une fois la guerre finie, quelle sera la nouvelle excuse ?