Dans un article publié dans La Repubblica le 27 février, l’écrivain et journaliste Michele Serra, a appelé les Italiens à se rassembler pour “la liberté et l’unité de l’Europe” avec le souhait de n’y voir “aucuns drapeaux de partis, uniquement des drapeaux européens”. Très vite, l’article fait le tour des réseaux sociaux et des associations, ainsi que des partis s’entendent pour se rassembler le 15 mars à la Piazza del Popolo à Rome.
Cependant, le rassemblement de Michele Serra ayant réuni près de 30 000 personnes n’était pas le seul à avoir lieu dans la ville éternelle. Les communistes et plusieurs associations et syndicats progressistes ont appelé à une autre mobilisation. Quelle place a réellement défendu la paix ?
Le réarmement fracture les européistes
L’image de la Piazza del Popolo bondée de drapeaux européens est à la fois forte et intrigante. En effet, la première interrogation est de quelle Europe parle-t-on ? Celle de Von Der Leyen ou celle de la paix ? Dans son article, Michele Serra ne parle pas de paix.
Quelques jours après Serra, l’écrivain voyageur Paolo Rumiz a, encore dans La Repubblica, signé un papier intitulé “Merci Trump de nous avoir forcé à redécouvrir l’idée de l’Europe”. Un vent de Printemps des peuples semble souffler sur l’Italie, mais à quel prix ? Au prix d’une Europe complice des velléités bellicistes de l’OTAN, dont les institutions, sous couvert d’unité, servent moins les peuples que les intérêts géostratégiques du capital transatlantique. L’antitrumpisme de circonstance n’est d’ailleurs qu’une posture confuse, car sous couvert de fétichisme du bleu étoilé, les pacifistes et les bellicistes s’unissent. Par conséquent, certes, il y a une unité, mais une chose est sûre : elle n’est pas pour la paix.
Cette manifestation, au lieu d’afficher “l’unité de l’Europe” a démontré les différences idéologiques et philosophiques des formations politiques présentes à la Piazza del Popolo. Dès le lendemain de la publication de Serra, la secrétaire du Parti démocrate (PD), Elly Schlein a répondu positivement à l’invitation du journaliste. Une réponse, qui a encore plus ravivé les tensions autour de la paix au sein du PD. En effet, la frange sociale-libérale et les catholiques du parti, se sont exprimés en faveur du soutien au réarmement contre la jeune secrétaire. Une posture courageuse dans un parti où cette position fait difficilement l’unanimité.
Manifestation ou contre-manifestation ?
Alors que la Piazza del Popolo vibrait sous les drapeaux européens, une voix reste marginalisée dans le débat public : celle des communistes. Divisés en plusieurs partis (principalement le Parti communiste Italien et le Parti de la refondation communiste) les voix communistes restent claires et unies. Ainsi, le débat n’est pas aussi stérile que l’on pourrait le croire et des voix progressistes et anti-impérialistes se font entendre malgré la surmédiatisation des défenseurs ambigus de l’Union européenne.
La décision a été de faire une manifestation au sein de la capitale et de finir par un rassemblement Place Barberini. Près de 10 000 personnes se sont massées à l’appel de plusieurs composantes progressistes ayant pour souhait de se distinguer clairement du rassemblement de Serra. Rien de plus équivoque que le slogan de l’ancien président socialiste Sandro Pertini : « Vider les arsenaux, remplir les greniers ». Effectivement, les communistes n’ont pas hésité à dénoncer la résolution du Parlement européen, d’investir, dans la dette, 800 milliards d’euros de dépenses militaires sur quatre ans. « L’Union européenne est coresponsable de trois années de guerre en Ukraine, du génocide à Gaza, et maintenant avec le plan ReArm elle déclare la guerre aux peuples européens eux-mêmes. ” a déclaré le secrétaire de Rifondazione Maurizio Acerbo au quotidien Il manifesto.
Cette situation n’est pas sans rappelé le rôle de nombreux communistes italiens dans la construction européenne après la Seconde Guerre mondiale. Le Manifeste de Ventotene, rédigé par les antifascistes Ernesto Rossi et Altiero Spinelli, qui ont théorisé la révolution européenne socialiste à visée fédératrice. Les idées en faveur d’une Europe fédérale ont vite été reprises par des démocrates-chrétiens et des libéraux dans la construction des institutions européennes. Il est malheureux de constater que l’objectif initial du manifeste, qui était de faire de la paix une mission politique majeure, a été oublié…