Depuis 2018, Parcoursup est le dispositif en ligne de préinscription en première année de l’enseignement supérieur. Sa mise en place a accompagné la généralisation de la sélection dans de nombreuses filières. C’est un passage obligé pour toute personne voulant commencer une formation dans l’enseignement supérieur.
Cela concerne donc des néo-bacheliers, mais aussi des étudiants souhaitant se réorienter et des salariés qui veulent retourner en formation. Pour ces deux derniers profils, le dispositif est très largement inadapté.
L’Avant-Garde est allé à la rencontre de Mathieu, Adèle, Patricia et Ignacio.
Mathieu vient de Paris et après un début de formation à l’Institut d’Études Politiques, il arrête et devient salarié dans le domaine du commerce. Ne souhaitant pas rester dans le secteur, il a voulu reprendre des études en électronique.
Adèle, après son bac, intègre une classe préparatoire MPSI (Mathématiques, Physique et Sciences de l’Ingénieur). Elle s’aperçoit que la formation ne lui plaît pas et a envie d’étudier les sciences humaines à l’université.
Patricia a 56 ans. Elle est éducatrice de jeunes enfants et exerce depuis une quinzaine d’années. Elle souhaite changer de public et faire la formation d’éducatrice spécialisée pour se tourner vers le handicap. Dans son département, le seul lieu de formation public est l’IRTS de Pau, à 2h de route de chez elle. Elle choisit donc une école privée du travail social.
Ignacio après son bac, intègre une licence d’histoire à l’université d’Angers, sans objectif professionnel, mais par intérêt pour la discipline. Il perd la motivation pour cette formation au fil des années, mais découvre grâce à son engagement militant le design graphique et il réalise que c’est le métier qu’il voudrait exercer. Il veut donc se former pour être diplômé en tant que designer.
Tous ont rencontré des difficultés, voire de complets blocages dans leur accès à la formation de leur choix via Parcoursup.
Inadéquation des renseignements demandés
Les mêmes renseignements sont demandés à tous les candidats. Ainsi, selon les profils, cela crée des absurdités. Par exemple, les notes obtenues les trois dernières années sont demandées : dans le cas des réorientations, cela peut être inadapté quand le domaine change radicalement (Adèle a dû mettre ses notes de prépa MPSI pour candidater en licence de sociologie). Quant à Mathieu, il a dû raconter son expérience professionnelle dans le commerce, sans lien avec sa volonté de se former à l’électronique.
“Tu sens bien que Parcoursup est fait pour les étudiants”, Patricia
Il en va de même pour la question sur le baccalauréat obtenu. Patricia n’a pas le bac, en revanche grâce à un examen de niveau de la DRASS (ancienne direction régionale des affaires sanitaires et sociales), elle a pu faire la formation d’Éducatrice de Jeunes Enfants. Elle a donc maintenant un niveau bac +3. Dans Parcoursup, aucune case ne lui permettait de l’expliquer.
Impossibilité de faire valoir l’expérience professionnelle
Les salariés voulant reprendre des études sont forts d’expériences qui leur ont donné du savoir et du savoir-faire, pouvant appuyer le fait qu’ils ont les prérequis pour entrer dans une formation correspondante. Or, Parcoursup laisse très peu de place à la présentation des expériences professionnelles (Mathieu signale qu’il disposait de 1500 caractères).
Absence d’accompagnement et incompétence des structures de formation
En dehors des classes de Terminale au lycée où l’accompagnement est déjà bâclé, il n’existe aucun mécanisme d’aide à la formulation des vœux pour les reprises d’études.
Adèle, pour sa réorientation de classe prépa vers l’université, n’a pas eu d’aide de ses enseignants et a dû s’appuyer uniquement sur sa famille. Ignacio, lui, ne disposait d’aucune indication sur la constitution du portfolio demandé pour toutes les filières artistiques.
Enfin, l’école privée du travail social que Patricia voulait intégrer l’a obligé à attendre un an pour passer par Parcoursup et se rendre aux entretiens de sélection avant de s’apercevoir qu’en tant qu’alternante, elle n’avait pas à suivre le processus de sélection…
Des efforts pour jouer le jeu qui s’avèrent inutiles
Un sentiment partagé par les personnes interrogées est l’impuissance. En effet, ceux qui ont reçu des refus et se sont retrouvés sans formation disent n’avoir aucune piste pour améliorer leur candidature et postuler à nouveau l’année suivante. Les refus ne sont pas motivés mais formulés en trois lignes dans un courrier, notamment par les écoles.
Ignacio s’est rendu aux journées portes ouvertes d’une école pour préparer sa deuxième année de candidature, et il lui a été dit expressément que les écoles d’art ne prenaient pas son profil, car il n’était pas néo-bachelier et qu’il avait de l’expérience personnelle dans le design.
Mathieu dit également qu’après avoir été refusé dans tous les BTS et BUT auxquels il avait postulé, il ne voyait pas comment faire une meilleure candidature l’année suivante pour être pris.
Tous deux ont donc abandonné leur volonté de formation. Ignacio conclut ainsi : “Ce que je ressens, c’est que je suis puni de ne pas avoir su, à 18 ans, ce que je voulais faire plus tard.”
Ainsi, la plateforme Parcoursup écarte particulièrement les personnes en reprise d’études, mais la situation n’est pas plus enviable pour les néo-bacheliers, qui sont aussi nombreux chaque année à se retrouver sans formation.
En effet, la volonté du gouvernement français depuis des années est de réduire l’offre de formation dans l’enseignement supérieur, alors même que le nombre de personnes souhaitant se former augmente. Les libéraux présentent la plateforme comme un simple outil pour rationaliser les affectations, mais il est nécessaire de comprendre qu’elle sert à appuyer la réduction de l’offre de formation.