32 ans après son assassinat, retour historique sur l’empreinte que le Capitaine Thomas Sankara aura laissé en Afrique.
Le 15 octobre 2019, nous commémorions les 32 ans de l’assassinat du président du Burkina Faso, Thomas Sankara. Cette figure politique incontournable sur le continent africain et plus particulièrement au Burkina Faso est assassinée brutalement le 15 octobre 1987, dans des circonstances qui n’ont jamais été élucidées. Néanmoins, très rapidement les regards se tournent vers son bras droit, Blaise Compaoré qui prendra le jour même le poste de président du Burkina Faso. Il occupera cette place durant 27 années au cours desquelles régneront corruption et brutalité dictatoriale.
4 août 1983, prise de pouvoir de Thomas Sankara :
Thomas Sankara, jeune officier de Haute-Volta, âgé de 34 ans, prendra alors le pouvoir accompagné du soutien populaire dans la journée du 4 août 1983. Auparavant, le Capitaine Sankara se fait connaître en Haute-Volta en arrachant le poste de Premier ministre lors du coup d’État instigué par Jean-Baptiste Ouédraogo : le rapport de force du camp progressiste au sein de l’armée voltaïque est favorable et lui permet d’occuper cette place.
Le Capitaine Sankara va dès lors porter un discours anticolonial au sein du Conseil du Salut du Peuple. Il dénoncera notamment les relations néocoloniales entre la Haute-Volta et la France, en opposition au président Ouédraogo. Il invitera notamment le président libyen Mouammar Kadhafi ; Sankara voit en lui le moyen de travailler à une réelle émancipation des pays d’Afrique de l’emprise des états impérialistes, la France en tête. Peu de temps après cette invitation, Sankara se fait arrêter le 17 mai 1987 sur ordre du président. On soupçonne à l’époque Guy Penne, le conseiller de François Mitterrand pour les Affaires africaines d’avoir demandé l’enfermement de Sankara, alors qu’il s’était rendu en Haute-Volta.
Ce mauvais calcul du président Ouédraogo causera sa perte puisque Sankara bénéficiait d’une réelle assise populaire dans le pays. À travers toute la Haute-Volta, des manifestations de soutien sont organisées jusqu’à ce que le 4 août. Blaise Compaoré qui avait échappé aux précédentes arrestations emmène ses troupes sur Ouagadougou, capitale du pays, afin d’obtenir la libération de Sankara et la démission du président en place. C’est ensuite par la radio que le peuple voltaïque apprendra par la voix de Thomas Sankara la prise de pouvoir par le Conseil National de la Révolution.
Une révolution démocratique, anti-impérialiste et sociale :
Le jour de sa prise de pouvoir, Thomas Sankara renomme la République de Haute-Volta qui sera désormais nommée Burkina Faso qui se traduit par « Patrie des hommes intègres ». Derrière ce symbole fort, les objectifs de Thomas Sankara sont clairs : il veut faire de la Haute-Volta un pays libéré de l’emprise néocoloniale, au sein duquel il veut développer un véritable projet collectif et démocratique qui aidera le Burkina Faso à fonder une autonomie politique et économique.
Lors de son discours à l’ONU le 4 octobre 1984, il déclare qu’elle est son ambition pour le Burkina Faso :
« Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. »
Le bilan de 4 ans de révolution
De 1983 à 1987, cette ambition sera menée avec une grande exigence de la part de Sankara, demandant également de grands efforts envers le peuple burkinabé. En 4 ans, le taux de scolarisation sera multiplié par deux (12 % à plus de 23 %), chaque village aura son poste de santé primaire, de nombreux travaux seront effectués pour obtenir de l’eau potable et irriguer les champs. En 1987, l’économie burkinabé était devenue totalement indépendante du FMI.
Sankara aura également consacré la révolution burkinabé à un bouleversement des esprits afin d’impliquer chaque Burkinabé dans le progrès qu’il voulait insuffler au pays. Il joue un rôle important sur la défense et la promotion des droits des femmes. Fustigeant les « maris réactionnaires », il déclarait alors « Si nous perdons le combat pour la libération des femmes, nous aurons perdu tout droit d’espérer une transformation positive de la société ».
Malheureusement, l’aventure de la révolution sankariste stoppera brutalement le 15 octobre 1987. Son bras droit, Blaise Compaoré accompagné d’un commando d’élite, va faire irruption au palais présidentiel et va faire assassiner Sankara et douze de ses collaborateurs. Depuis plusieurs semaines, les relations entre les deux frères d’armes s’étaient fortement détériorées, l’un soupçonnant l’autre de vouloir préparer un coup.
Les maigres avancées de l’enquête.
Il aura fallu attendre la fuite de Blaise Compaoré, réfugié en Côte d’Ivoire depuis 2014 pour enfin lever l’omerta sur le dossier Sankara. En décembre et janvier 2016, la justice militaire burkinabé lance 18 mandats d’arrêt internationaux à l’encontre de Blaise Compaoré. En 2017, le président Macron avait promis la déclassification des archives françaises lors d’un discours à l’Université de Ouagadougou. Une partie a été transmise aux autorités burkinabés un an plus tard. Jusqu’à maintenant, les avocats ne peuvent affirmer une quelconque ingérence de la France ou d’autres puissances extérieures, même si les archives ont permis de faire émerger plusieurs pistes.Lors d’une conférence de presse tenue la veille du 32e anniversaire de la mort du Capitaine Sankara, les avocats de la famille maintenaient leur demande d’extradition de Blaise Compaoré, afin de connaître enfin la vérité sur son assassinat.