À l’occasion de la mobilisation des étudiants belge contre le “décret paysage”, la rédaction d’Avant-Garde s’est entretenue avec Octave Daube, vice-président de Comac : l’organisation étudiante du Parti des Travailleurs Belges (PTB).
Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a intensifié ses attaques contre l’accès à l’enseignement supérieur. Comment s’y prend-il ?
Il faut d’abord savoir qu’en Belgique, les frais d’inscription, ou « minerval » ne peuvent pas dépasser 835 € peu importe l’université ou l’école, et ne sont pas indexés. Même si nous trouvons le montant encore trop élevé, ce fonctionnement permet une certaine ouverture des études supérieures, qui ne plaît évidemment pas aux libéraux.
Cela fait cinq-six ans que les libéraux ont la main sur l’enseignement supérieur. La mobilisation des étudiants pendant le Covid a empêché le gouvernement de durcir l’accès à l’enseignement supérieur. C’est pour cela qu’au sortir du Covid, la ministre Valérie Glatigny a engagé une réforme du décret Paysage.
Le décret Paysage est particulièrement ciblé par Comac. Concrètement, de quoi s’agit-il ?
À l’origine, le décret Paysage est une série de règles adoptées en 2013 dans la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est une réforme de ce décret qui a été engagée par les libéraux depuis, et contre lequel Comac se mobilise. Elle contient plusieurs mesures. La plus concrète impose aux étudiants de valider 60 crédits en deux ans maximum. Dans le cas contraire, l’étudiant est considéré comme n’étant plus « finançable », et se retrouve exclu des études supérieures.
Au prétexte de faire des économies pour l’enseignement supérieur et d’éviter aux jeunes de faire trop d’années d’études, le gouvernement entend sacrifier des milliers d’étudiants.
Demain, un jeune pourrait être exclu de l’enseignement supérieur pour un seul cours non validé. C’est une réforme élitiste, qui impactera d’abord les jeunes les plus précaires, notamment ceux contraints de « jobber » en parallèle de leurs études.
Nous savons que Comac et le PTB sont vent debout contre cette réforme. Comment se positionnent les autres forces politiques ?
Il faut rappeler que le PS et Écolo participaient au gouvernement qui a mené cette réforme du décret Paysage. Dans un premier temps, ils ont donc soutenu la réforme, au moins par solidarité gouvernementale.
Mais juste avant les élections de 2024, nous avons mené un grand mouvement contre cette réforme, qui a rencontré un grand succès : plusieurs mois de manifestations, et 500 000 signatures pour la pétition de la Fédération des étudiants francophones.
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La pression a été suffisante pour pousser le PS et Écolo à se joindre au PTB pour obtenir un report d’un an de l’application de la réforme du décret Paysage. C’est un traumatisme pour les libéraux, qui y voient encore aujourd’hui une revanche à prendre.
Quelles perspectives vois-tu pour le mouvement social ?
La bataille contre cette réforme est rude. Beaucoup d’étudiants sont un peu perdus, car le contenu de la réforme n’est pas clair et change souvent au gré des annonces du gouvernement, qui joue sur cette confusion.
Ce nouveau gouvernement, plus à droite, assume d’ailleurs beaucoup plus la logique libérale et élitiste de cette réforme. Ces derniers mois, les libéraux n’ont pas retenu leurs coups contre le mouvement social : on a vu dans les médias des attaques plus caricaturales les unes que les autres.
Et en même temps, je pense qu’on peut être optimistes. Des mois de mobilisation ont permis à beaucoup de jeunes de se former et de militer. Des manifestations ont encore eu lieu récemment, rassemblant des centaines d’étudiants, et même une grève à l’Université libre de Bruxelles.
Tout cela montre que le mouvement social vit encore. Il a d’ailleurs permis de montrer à beaucoup de gens la réalité de la condition étudiante ; même si la droite a aussi mené le débat, nous avons clairement marqué des points.