Fouilles abusives dans les stades : quand sécurité devient agression

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Fouilles abusives dans les stades : quand sécurité devient agression

Sécurité ou répression ? Quand les stades deviennent des zones de non-droit pour les femmes

Dans les stades, la sécurité ne protège pas toujours, parfois elle agresse. Depuis des années, des supportrices dénoncent des fouilles à la limite de l’acceptable, qui ressemblent de plus en plus à des agressions sexuelles. Ce n’est plus un phénomène isolé : les témoignages se multiplient, les plaintes aussi, et toujours la même réponse des autorités : silence, déni ou classements sans suite.

Le 30 mars 2025, lors du derby Lille-Lens, plusieurs supportrices lensoises ont porté plainte après avoir subi des fouilles d’une violence inédite. L’une d’elles, interrogée dans le podcast Reporterter du Mouv’, raconte : “On a eu main sur la poitrine, main au-dessus de la culotte… certaines ont senti des doigts sur leur sexe.” (Dialectik Football, 21 avril 2025). Ce n’est plus de la sécurité, c’est une agression légalisée.

Mais ce genre d’abus ne date pas d’hier. À l’été 2023, quatorze supportrices de clubs visitant Le Havre ont dénoncé des gestes similaires au Stade Océane : mains sur les seins, entre les jambes, pressions intimes. Les plaintes ? Toutes classées sans suite. Le club s’est contenté de regretter “l’écho médiatique”, sans un mot pour les victimes.

Ce climat n’est pas neutre. Il s’inscrit dans une logique plus vaste de criminalisation du kop. Le moindre supporter est vu comme un suspect. Et les femmes, elles, sont perçues comme des planques à fumigènes. Cette vieille rumeur, que les femmes cacheraient des engins pyrotechniques dans leurs sous-vêtements, sert de justification à des fouilles toujours plus intrusives. L’Association Nationale des Supporters (ANS) parle d’une “légende urbaine”, une légende dangereusement vivante pour les supportrices.

D’autant plus choquant que cette idée a été reprise en réunion officielle. Lors de l’Instance Nationale du Supportérisme, la ministre des Sports Marie Barsacq aurait affirmé que les fouilles seraient “moins agressives si les supportrices ne cachaient pas de fumigènes dans leurs parties intimes”. L’ANS a dénoncé des propos sexistes et irresponsables. Même après clarification, le mal est fait.

Ce n’est pas de la sécurité, c’est de l’agression sexuelle

Au-delà de l’humiliation, c’est la banalisation. Ces femmes vivent des agressions sexuelles, dissimulées derrière un protocole de sécurité. Des gestes que la loi n’autorise nulle part ailleurs sont ici pratiqués au nom du “maintien de l’ordre”.

“Ce n’était pas normal”, insiste la supportrice lensoise. “C’était plus violent que d’habitude. Parfois, c’est déjà à la limite du supportable.” Ce n’était pas un incident isolé. C’est un système.

Que les fouilles soient faites par des femmes ne change rien. C’est une question de consentement, de limites, de respect du corps.Certaines tentatives de réponse existent pourtant. L’association HerGameToo, avec Colosse aux pieds d’argile, a lancé des formations sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) à destination des clubs, du personnel de sécurité, des joueurs. Le but : former au consentement, instaurer des dispositifs d’alerte dans les stades, généraliser ces pratiques à l’ensemble des clubs de Ligue 1 et Ligue 2.


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