Ce dimanche 23 février 2025, les Allemands se rendront aux urnes pour des élections législatives anticipées. Ce scrutin, provoqué par l’effondrement de la coalition « feu tricolore » menée par le chancelier Olaf Scholz, pourrait marquer un tournant pour l’Allemagne, longtemps considérée comme le moteur économique de l’Europe.
Entre désindustrialisation, tensions énergétiques et montée de l’extrême droite, les enjeux sont colossaux.
Une économie en berne
L’Allemagne, autrefois symbole de stabilité et de prospérité, traverse une crise existentielle. Pour la deuxième année consécutive, le pays est en récession, avec une contraction du PIB de 0,3 % en 2023 et de 0,2 % en 2024. Les prévisions pour 2025 restent incertaines : le gouvernement table sur une timide reprise de 1,1 %, tandis que certains instituts économiques prévoient une stagnation.
Cette crise économique se traduit par une hausse du chômage, avec 170 000 emplois perdus entre décembre 2023 et décembre 2024, et une flambée des prix de l’énergie. Lors des pics de consommation, le prix gaz a augmenté de 81 % par rapport à 2019. Dans ce contexte, l’économie est devenue la priorité numéro un des électeurs, selon un sondage de l’institut INSA pour le journal Bild. La lutte contre l’inflation, la protection des retraites et le coût du logement dominent les débats.
L’industrie allemande, pilier de l’économie nationale, est particulièrement touchée. Le climat des affaires dans le secteur manufacturier a atteint un niveau historiquement bas, comparable aux pires récessions des dernières décennies. Le secteur automobile, fleuron de l’industrie allemande, est en chute libre, avec une baisse de la production de 8,1 % en 2024. Les annonces de licenciements massifs chez Volkswagen, ZF et Bosch ont choqué l’opinion publique, symbolisant l’effritement du modèle industriel allemand.
La crise économique a plongé le pays dans une instabilité politique inédite. Le Parti social-démocrate (SPD) du chancelier Olaf Scholz, au pouvoir depuis 2021, est en chute libre dans les sondages, crédité de seulement 15,5 % des intentions de vote. Il est devancé par l’AfD (extrême droite) et la CDU (démocrate-chrétienne).
Pour tenter de redresser la barre, Olaf Scholz a mis en avant une mesure choc : un « bonus made in Germany », inspiré de « l’Inflation Reduction Act » américain. Ce dispositif prévoit un remboursement de 10 % sous forme de crédits d’impôts pour les entreprises investissant dans la production industrielle allemande. Une initiative qui risque d’aggraver les tensions commerciales avec les partenaires européens, notamment la France.
La France, spectatrice inquiète
La crise allemande n’est pas sans conséquences pour ses voisins. La France, dont l’Allemagne est à la fois le premier fournisseur et le premier client, redoute un effet domino. La désindustrialisation allemande et la hausse des coûts de production pourraient peser sur les échanges commerciaux et fragiliser l’économie française.
Ces élections pourraient également marquer un tournant dans la politique étrangère allemande. La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, notamment la crise énergétique, ont profondément divisé l’opinion publique. Les partis traditionnels, comme la CDU et le SPD, défendent un soutien ferme à l’Ukraine, tandis que, sur le reste du spectre politique, les partis appellent à une résolution rapide du conflit.
Très clairement, c’est tout le « modèle allemand » qui est remis en cause. Longtemps vanté pour sa stabilité, son industrie performante et son énergie bon marché, ce modèle semble aujourd’hui à bout de souffle. La dépendance au gaz russe, la désindustrialisation et le vieillissement démographique ont exposé les failles de ce système.
Le résultat du scrutin du 23 février 2025 déterminera non seulement l’avenir de l’Allemagne, mais aussi celui de l’Europe.