Philippe Martinez était dans le département de la Vienne ce jeudi 29 novembre, en pleine période de campagne des élections de la fonction publique.
Un agenda chargé pour cette journée : visite de l’usine des fonderies fontes du Poitou, menacée d’un plan de licenciement par Renault, visite du CHU de Poitiers, rencontre avec les territoriaux de Châtellerault, échanges avec les syndiqués dans le cadre d’une journée de formation, rencontre avec les syndiqués du centre pénitentiaire de Vivonne, et enfin débat public sur «Mieux vivre dans la Vienne». Il a toutefois trouvé le temps de répondre à quelques questions.
Votre syndicat rencontre souvent des difficultés à faire adhérer les jeunes travailleurs, est-ce lié à leurs conditions d’emploi souvent plus précaire ?
Pour les jeunes comme les moins jeunes la cgt, pour l’apprécier il faut la connaître.
Malheureusement pour diverses raisons, la CGT est mal connue. Souvent dénigrée, image ringarde alors que malgré notre grand âge (123 ans!) on a des idées très modernes. Après on a des difficultés pour s’adresser à des jeunes qui ont aujourd’hui une entrée dans la vie active avec des conditions très différentes d’avant. Ils font tous les sales boulots, ils ont tous les contrat pourris. Or, comme ce n’est pas la réalité d’un certain nombre de militants de la CGT, il y a une sorte de mur artificiel qui s’est créé.
Alors moi je dis aux militants de la CGT, et aux jeunes : si on veut changer ça, les jeunes doivent venir nous bousculer, et les militants de la CGT doivent être présents dans les entreprises et les services, où les jeunes sont présents. On est contre le travail le dimanche, et on a raison, car ce n’est pas le symbole d’une société moderne, mais on est pas contre ceux qui travaillent le dimanche. Et en majorité, ceux qui travaillent le dimanche, ce sont des jeunes, ce sont des étudiants.
Quand t’es étudiant salarié, à la fac tu peux te syndiquer au syndicats de ton choix, mais au travail aussi il faut se syndiquer, à la CGT c’est mieux. Or si les militants de la CGT ne sont pas là, quand les jeunes sont au boulot, on n’a aucune chance de les rencontrer. Trop souvent, dans les collectivités territoriales, mais c’est valable dans le privé aussi, trop souvent les jeunes sont précarisés, contractuels, intérimaires. La dernière fois je suis allé dans une entreprise, il y avait un groupe de jeunes en gilets jaunes, avec écrit derrière “visiteurs”. J’ai demandé s’il y avait un lycée qui visitait l’entreprise et si on pouvait leur dire bonjour. On m’a répondu : non ce sont des intérimaires. Leur symbole c’est “visiteurs”, ils ne font que passer dans l’entreprise, du fait de leur statut. Imaginez le coup au moral.
C’est ça qu’il faut transformer à la CGT, il y a une vraie responsabilité des militants de la CGT de se dire « à partir du moment ou on travaille, on a sa place à la CGT, quelque soit son contrat » et je pense que on a avancé sur les travailleurs sans contrats, les deliveroo, les uber, etc. On considère que comme ils travaillent, on doit s’intéresser à eux, et on vient de faire qualifier en contrat de travail, donc salarié, un jeune qui livrait sur une de ces plateforme en montrant qu’il y avait un vrai lien de subordination, avec un employeur indirect qui lui donnait du travail par une appli sur son smartphone. Voilà une CGT moderne qui donne de vrais signes à la jeunesse.
Sur la question des services civiques, qui est montrée comme la seule forme d’engagement possible, alors que se sont des contrats précaires, qui sont souvent utilisés pour remplacer, à moindre coût, ce qu’un CDD faisait avant. Quelles sont les propositions de la CGT sur le sujet ?
C’est exactement ce que je disais sur le travail du dimanche, c’est pas une solution. On a critiqué les emplois jeunes, etc. Ceci dit ces contrats ils existent. Donc il faut des droits, les mêmes que n’importe quel salarié. Donc des cotisations retraites et chômage, un salaire correspondant aux qualifications et au temps de travail, des cotisations sociale qui leur permet d’assurer la retraite et faire face à une privation d’emploi.
A partir du moment où on a un pied dans le monde du travail, il ne peut pas y avoir des droits à plusieurs vitesses. Donc pour cette jeunesse là, on travaille, on doit avoir les mêmes droits que les autres.
On doit se battre pour les jeunes précaires. J’étais à la Poste mardi dernier, un jeune qui a fait 4 ans de CDD s’est fait viré. Je suis désolé mais un salarié, s’il est mauvais aux yeux de l’employeur, c’est dans les débuts qu’on le vire, pas au bout de 4 ans quand il faut requalifier en CDI. Ça aussi c’est une bataille, de plus longue haleine, le CDI doit être la norme d’embauche, partout. C’est valable partout. Le CDI est le seul contrat qui devrait exister dans le monde du travail.
Récemment le gouvernement a lancé la loi avenir professionnel qui touche les jeunes, particulièrement les apprentis. Elle comprend notamment le transfert de l’apprentissage, des régions, aux branches. Qu’avez vous à en dire ?
La CGT elle propose que les apprentis aient des droits, et notamment réévaluer le salaire des apprentis, avec comme point de référence le SMIC. Y compris, que les apprentis qui travaillent dans les entreprises aient des représentants comme les salariés. Après on est confronté avec ce gouvernement, en lien avec le patronat, à ne plus faire de l’apprentissage mais de la spécialisation. C’est l’objectif de payer au poste, donc de spécialiser de plus en plus pour qu’ils puissent s’occuper de postes précis mais qu’il n’aient plus de qualification comme on l’entendait avant, c’est à dire validée par un diplôme, qui permet, quelque soit l’entreprise où on va bosser, d’avoir un salaire correspondant. Et donc on commence à formater les apprentis dès leur plus jeune âge à cette idée qu’ils pourraient changer de salaire, en fonction du poste qu’ils occupent.
Le patronat détermine les formations à suivre, donc les jeunes n’ont plus le choix de leur formation, et donc on va spécialiser des formations en fonction des territoires et surtout en fonction des industries qui sont sur le territoire. Et un jeune qui voudra faire un apprentissage sur un métier qui ne correspond pas aux industries présentes sur son territoire, et bien il n’aura pas d’autre choix que de déménager parce que le centre de formation sera ailleurs. C’est la négation des valeurs de la république sur l’égalité, et puis on voit bien les contraintes que ça va être pour financer sa formation parce qu’il faudra déménager pour faire la formation de son choix. C’est le Medef qui prend la main sur la formation, en fonction de ses besoins à lui et non plus en fonction du principe d’égalité de l’éducation nationale et du contenu des formations. On peut faire de l’apprentissage, tout en continuant de faire du français, pourquoi pas de la philo, de l’histoire géo, parce que la culture générale ça n’a jamais fait de mal, quelque soit la formation. Mais c’est aussi une volonté de remettre en cause l’émancipation par la formation.
Au MJCF nous portons la revendication de la création d’un service public de l’orientation, qu’est-ce qu’en pense la CGT ?
On est tout à fait d’accord sur cette proposition. Et il y a une remise en cause de tous les fonctionnaires spécialisés dans les Centre d’information et d’orientations, y compris dans les bahuts, donc évidemment, un service public de l’orientation, qui écoute, qui aide les jeunes dans leurs choix de formation ou d’études supérieures, mais pas en fonction d’intérêts particuliers, plus du côté patronal que régionale, c’est pour ça que certaines régions gueulent parce qu’elles perdent la main. C’est le MEDEF qui fait la formation.