Vendredi 13 : la FDJ, la plus honnête des marchands d’illusions

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Vendredi 13 : la FDJ, la plus honnête des marchands d’illusions

Comme chaque vendredi 13, la FDJ constate une hausse massive des dépenses des Français dans les jeux de hasard. Un sondage CSA pour la FDJ démontre d’ailleurs une augmentation des superstitions chez les Français. L’occasion de voir fleurir dans l’ensemble de la presse une analyse matérialiste, attribuant cette dynamique à l’affaissement économique et à la grande incertitude géopolitique. Une analyse salutaire, mais qui interroge lorsqu’elle prend place dans le journal, entre l’horoscope et un entretien avec un responsable religieux. Encore un effort !

Les jeunes de plus en plus irrationnels

57 % des moins de 35 ans se disent superstitieux, contre 41 % de la population générale. En 2022, les Français n’étaient que 34 % à se déclarer superstitieux. Dans plusieurs journaux, cette hausse est très justement attribuée à l’angoisse que provoque un monde en plein bouleversement, entre crises économiques et tensions géopolitiques. Le Parisien consacre même plusieurs lignes à la dynamique de cristallisation d’une tradition irrationnelle, à l’inertie qui s’installe dans une société entre la peur originelle, l’émergence d’une réponse irrationnelle rassurante, puis la perpétuation d’une croyance dont plus personne ne comprend vraiment l’origine.

L’encadrement des jeux de hasard : un exemple d’alerte sur l’irrationnel ?

Sans dénigrer les superstitieux, mais sans concessions sur l’irrationalité de leurs croyances, la presse française remplit globalement très bien son rôle de documentation et de prévention en ce vendredi 13. Elle est bien aidée par la loi, qui oblige la Française des Jeux et toutes les sociétés de jeux de hasard à mentionner que “jouer comporte des risques”. Difficile de trouver aujourd’hui un article incitant les Français à miser leur Livret A au loto ce jour-là. Ce constat de l’existence d’une croyance, combiné à l’explication de son origine irrationnelle et à l’alerte sur les risques encourus, est un exemple de politique publique.

Encadrer les autres vendeurs d’illusions ?

Si les jeux de hasard représentent un marché immense, estimé à 14 milliards d’euros en France en 2024, les entreprises de loterie ne sont pas les seules à faire leur beurre sur des croyances irrationnelles, nourries par les angoisses d’un monde en crise. Elles sont pourtant bien les seules que la loi oblige à faire de la prévention et à expliquer que les lois de la statistique ne changent pas le vendredi 13.

Si nous avons décidé collectivement que la Française des Jeux devait expliquer les risques d’un pari le vendredi 13, pourquoi n’oblige-t-on pas les astrologues à prévenir que “suivre ces recommandations comporte des risques” ?

Si nous pouvons lire dans la presse l’origine irrationnelle de la charge mystique du nombre 13, pourquoi ne lit-on jamais d’explications rationnelles sur les prétendus miracles religieux, qui représentent eux aussi un marché juteux — des fioles d’eau bénite aux gri-gris, amulettes et autres ex-voto ?

Si nous lisons que le vendredi 13 relève d’une superstition irrationnelle rassurante en réponse à des crises économiques et géopolitiques, pourquoi la hausse des croyances religieuses n’est-elle pas expliquée de la même façon ? En termes de chiffre d’affaires, les différentes religions n’ont pourtant pas à rougir devant la FDJ.


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