Après la révocation du droit fédéral à l’avortement par la Cour suprême des États-Unis, les réactionnaires américains semblent vouloir s’attaquer aux relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe en revenant sur l’arrêt Lawrence vs Texas de 2003. Si la Cour en venait à révoquer cet arrêt, les homosexuel.le.s et bisexuel.le.s Américains ont de sérieuses raisons d’avoir peur…
Après le droit à l’avortement, les droits des homosexuel.le.s et bisexuel.le.s ?
Vendredi 24 juin dernier, la Cour suprême des États-Unis est revenue sur l’arrêt Roe vs Wade de 1973. Cet arrêt protégeait au niveau fédéral le droit à l’avortement, il devient une prérogative des États fédérés désormais.
La décision de la Cour suprême énonce que « rien dans cette décision ne saurait remettre en question les décisions précédentes qui ne concernent pas l’avortement ». Parmi ces précédents : l’arrêt Lawrence vs Texas de 2003. Jusqu’à cet arrêt, les États américains pouvaient à leur guise interdire les relations homosexuelles consenties. L’arrêt Lawrence vs Texas a interdit aux 50 États d’appliquer de telles lois, en utilisant le même argumentaire que l’arrêt Roe vs Wade.
Cette similitude entre les deux arrêts inquiète les trois juges démocrates de la Cour : ils redoutaient un revirement de jurisprudence sur Roe vs Wade et s’inquiètent maintenant des prochains droits que les conservateurs de la Cour vont mettre en danger. À l’inverse, le très conservateur juge Clarence Thomas invite la Cour à étudier de nouveau Roe vs Wade, espérant sans doute abroger le droit fédéral aux relations homosexuelles consenties.
Alors, la Cour suprême va-t-elle remettre en question le droit d’avoir des relations homosexuelles ?
Des interdictions prêtes à entrer en vigueur
Interrogés sur la question de l’avortement devant le Sénat lors de leur audition, les six juges conservateurs ont tous avancé le même argument : ils sont ouvert à rediscuter quelque sujet que ce soit qui leur est soumis. Le procureur général (l’équivalent du ministre de la Justice) du Texas a annoncé qu’il se tenait prêt à appliquer de nouveau les lois dites anti-sodomie, permettant d’incarcérer toute personne se prêtant à des relations sexuelles « contre-nature ». Ainsi, si le Texas décide d’arrêter quelqu’un sur ce motif, la personne incarcérée ferait vraisemblablement appel et l’affaire remonterait à la Cour suprême qui serait finalement obligée de se prononcer sur l’affaire.
Texas inclus, 14 États américains (totalisant près de 38 % de la population américaine) ont encore des lois interdisant les pratiques sexuelles « contre-nature » ou interdisant ouvertement les pratiques homosexuelles. Ces lois ne peuvent actuellement pas être mises en application en raison de l’arrêt Lawrence vs Texas, mais une fois ce bouclier tombé, les relations consenties entre personnes de même sexe redeviendront illégales en Caroline du Nord, en Caroline du Sud, en Floride, en Géorgie, dans le Kansas, dans le Kentucky, en Louisiane, dans le Maryland, dans le Massachusetts, dans le Michigan, dans le Minnesota, dans le Mississippi, dans l’Oklahoma et dans le Texas.
Une lueur d’espoir peut-être : certains de ces États sont aujourd’hui des bastions démocrates comme le Massachusetts, le Michigan ou le Maryland (des États qui par ailleurs n’ont pas interdit l’avortement suite à la décision de la Cour suprême de vendredi dernier).
Quels risques pour les gays, bi et lesbiennes américain.e.s ?
La France a définitivement décriminalisé et dépathologisé l’homosexualité en 1982, si bien que les jeunes Français ont eu la chance de grandir dans un pays où ils ne pouvaient pas être inquiétés pour leur orientation sexuelle.
C’est le cas aussi pour la plupart des jeunes Américains, qui ne peuvent être poursuivis pour actes homosexuels depuis 2003.
Mais au-delà des amendes, incarcérations et autres peines prévues par les lois des 14 États américains mentionnés plus haut, l’interdiction des relations homosexuelles fait peser d’autres menaces sur les gays, bisexuels et lesbiennes vivant aux États-Unis. En effet, dans tous les pays où de telles lois sont actuellement en vigueur (l’Égypte par exemple), les services de police et de justice s’en servent souvent pour mettre la pression ou faire du chantage, plus souvent que pour emprisonner d’ailleurs.
Par ailleurs, le risque pèse plus fortement sur les homosexuel.le.s et bisexuel.le.s pauvres et précaires, qui n’auront pas les moyens de changer de lieu de vie.
Enfin, et sans même que la Cour suprême n’ait à revenir sur l’arrêt Lawrence vs Texas, il faut se rendre compte de l’inquiétude des homosexuel.le.s et bisexuel.le.s américain.e.s qui voient débattus et contestés leur droit même d’avoir des relations intimes…