Les étudiants étrangers soupçonnés, triés, exclus

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Les étudiants étrangers soupçonnés, triés, exclus

Chaque année, des milliers d’étudiants étrangers viennent étudier en France. Mais pour les ressortissants de pays hors Union européenne, l’obtention d’un visa ou d’un titre de séjour s’avère très difficile. En 2022-2023, la France comptait 430 000 étudiants, dont la majorité était issue de pays extra-européens, majoritairement d’Afrique. Ils doivent alors passer par des procédures longues, complexes et profondément inégalitaires.

La bataille du visa


De nombreux étudiants étrangers se heurtent chaque année à des refus de titre de séjour, reflet d’une politique administrative de plus en plus répressive.
Les préfectures invoquent le “détournement de l’objet” comme principale raison de refus de visa. Elles accusent les étudiants de venir en France pour d’autres raisons que leurs études, sur des bases bien souvent infondées. Les préfectures rejettent des dossiers pour défaut de documents. — des documents qui n’existent même pas dans leur pays d’origine.

Cette machine à broyer les aspirations des étudiants n’est pas le fruit de dysfonctionnements isolés : elle est l’expression d’une politique claire de tri social.

La loi immigration de 2023 a tenté de pousser cette logique encore plus loin. Elle prévoyait d’imposer aux étudiants étrangers de prouver le “caractère réel et sérieux” de leurs études pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle. Aussi, la première mouture de la loi prévoyait le versement obligatoire d’une caution, récupérable uniquement à leur départ définitif du territoire.

Si le Conseil constitutionnel a censuré ces mesures, la nouvelle loi immigration prévue pour 2025 pourrait bien les réintroduire.

Depuis 2020 et la dématérialisation des démarches administratives, le renouvellement des titres de séjour a encore aggravé la solitude des étudiants face aux procédures. Les universités, mises à distance, n’ont plus la possibilité d’intervenir pour soutenir leurs étudiants ni de suivre l’avancement des dossiers. Cette procédure déshumanisée renforce l’isolement et l’incertitude, notamment pour celles et ceux qui ne maîtrisent pas parfaitement le français.

Une précarité administrative permanente

Dans l’accueil des étudiants étrangers, la logique d’exclusion et la précarité administrative sont devenues la norme.

Dans l’attente de leur visa ou titre de séjour, les étudiants se trouvent dans une situation précaire et instable.
Ces retards ne se limitent pas à de simples contretemps administratifs : ce sont bien des facteurs majeurs de déscolarisation des étudiants.

Même si un étudiant arrache une inscription pédagogique à l’issue d’une sélection excluante, il peut être empêché d’accéder à sa formation, parfois pendant plusieurs mois. Ces retards répétés des préfectures dans le traitement des demandes créent une instabilité chronique.

Si, théoriquement, les étudiants peuvent engager un recours en cas de refus de visa, la procédure est longue. Elle plonge dans la précarité des étudiants qui ont dû engager de nombreux frais pour leur installation.
Ces difficultés maintiennent bon nombre d’étudiants dans une situation administrative précaire, pouvant aller jusqu’à l’irrégularité.

Une machine à produire de l’irrégularité


Même après une première obtention de titres, les étudiants étrangers restent sur la sellette administrative. Beaucoup basculent durant leurs études en situation irrégulière, faute de renouvellement de leur titre.

Cette précarisation découle notamment d’une ingérence croissante des préfectures dans leur trajectoire universitaire et leur vie personnelle. Du contrôle de l’assiduité dans les études à l’instabilité de la situation de logement, jusqu’au manque d’autonomie financière, la stabilisation des étudiants pendant un cursus complet relève de l’exploit.

L’université au service du tri social

À l’insécurité administrative s’ajoute une précarité économique profonde. Depuis le plan “Bienvenue en France” de 2019, les frais d’inscription pour les étudiants hors UE ont explosé : 2 770 euros pour les licences, 3 770 euros pour les masters ou doctorats.
L’accès aux bourses sur critères sociaux du CROUS reste massivement verrouillé pendant les premières années d’études, faute de documents attestant d’une habitation en France depuis suffisamment longtemps. Parallèlement, leur droit au travail est restreint, laissant beaucoup d’étudiants presque sans ressources.
Cette politique d’austérité ciblée conduit à des situations de grande pauvreté. En 2023, 59 % des bourses d’urgence délivrées par le CROUS l’ont été à des étudiants étrangers.

L’immigration étudiante est méthodiquement façonnée pour répondre aux critères de sélection sociale qui traversent toute l’université. Seuls les profils jugés rentables sont véritablement les bienvenus.


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