Chaque année, des milliers d’étudiantes et d’étudiants peinent à se loger. Entre l’explosion des loyers, la saturation des résidences universitaires et l’insalubrité du parc locatif, trouver un toit relève aujourd’hui du véritable parcours du combattant. Pendant que les bailleurs s’enrichissent sur le dos de la précarité étudiante, l’État multiplie les promesses creuses et réduit toujours plus les aides au logement.
Derrière cette crise qui s’aggrave depuis 2023, une réalité brutale : le droit au logement est sacrifié sur l’autel des logiques de marché.
La semaine dernière, Le Monde publiait une enquête alarmante sur la situation à Lille, où des étudiants sont contraints d’accepter des logements insalubres faute d’alternatives abordables. Entre studios exigus aux loyers exorbitants, logements sans chauffage, infestés de nuisibles, et propriétaires peu scrupuleux, les témoignages recueillis dressent un tableau accablant.
Un marché verrouillé par la pénurie et la spéculation
Depuis 2023, la crise du logement en France s’est particulièrement enlisée. La pénurie de logements locatifs et l’explosion des loyers touchent particulièrement les grandes villes universitaires. Paris, qui compte près de 400 000 étudiants, est l’une des villes les plus chères d’Europe, avec un loyer moyen dépassant les 30 € par m². Lyon, deuxième ville universitaire du pays avec près de 200 000 étudiants, affiche un prix moyen au m² d’environ 17 €.
La saturation des résidences universitaires pousse les jeunes vers un parc privé hors de prix. Censées accueillir les étudiants boursiers à des loyers abordables (200 à 500 € par mois), les résidences du CROUS ne proposent aujourd’hui que 174 000 places, pour un total de 3 millions d’étudiants, dont 679 000 boursiers.
Cette crise, liée à la pénurie de logements universitaires et à l’explosion des loyers dans le parc privé, oblige de plus en plus d’étudiants à rester chez leurs parents après l’obtention du baccalauréat ou à se loger loin des centres-villes, donc souvent loin de leurs lieux d’études. La hausse du coût de la vie étudiante, à laquelle l’augmentation des loyers contribue largement, pousse aussi de nombreux étudiants à travailler en parallèle de leurs études. Or, le salariat reste aujourd’hui la principale cause d’échec et d’abandon universitaire.
Insalubrité et exploitation : la double peine des étudiants
L’enquête du Monde met en lumière un problème récurrent : que ce soit dans le parc locatif privé ou dans les cités-U, l’insalubrité est devenue monnaie courante. Les témoignages sont édifiants : moisissures dues à l’humidité, présence de nuisibles (rongeurs, cafards…), chambres mal isolées thermiquement… Les conditions de vie des étudiants français, pourtant garants de l’avenir du pays, rappellent des époques que l’on croyait révolues.
Malgré cette insalubrité, les loyers restent exorbitants. Même l’encadrement, en vigueur à Lille depuis 2020, semble inefficace face aux marchands de sommeil, bailleurs voyous et spéculateurs en tout genre qui contournent la loi impunément.
Une complicité de l’État : promesses creuses et régression sociale
Face à cette situation inédite, le gouvernement de François Bayrou a promis la construction de 15 000 logements étudiants par an. Si cette annonce est plus ambitieuse que celles des années passées et semble enfin témoigner d’une prise de conscience étatique de l’ampleur de la crise, plusieurs questions subsistent.
Les budgets alloués à l’enseignement supérieur et à la vie étudiante restent largement insuffisants pour concrétiser ces promesses. Le projet de loi de finances a entériné une coupe budgétaire inédite de près de 1,2 milliard d’euros dans l’enseignement supérieur et la recherche. De plus, l’instabilité politique actuelle rend l’avenir de ce projet incertain. Le CNOUS a récemment annoncé la création de 10 000 logements supplémentaires d’ici 2027, attestant donc d’une divergence avec les chiffres avancés par le gouvernement, qui interroge sur la réelle nature des futurs logements : seront-ils publics et gérés par le CROUS ou confiés au secteur privé, renforçant ainsi la spéculation immobilière ?
Il y a sept ans, Emmanuel Macron promettait déjà la construction de 60 000 logements étudiants durant son premier quinquennat. Résultat : à peine la moitié a été réalisée à ce jour. En 2021, son gouvernement a réduit les Aides Personnalisées au Logement (APL) pour environ six millions de foyers. Plus récemment, un amendement visant à couper 540 millions d’euros des APL a été proposé au Sénat, heureusement sans succès.
Pourtant, des solutions existent…
Malgré les promesses vides et les coupes budgétaires, des solutions existent : nationalisation massive du logement étudiant, encadrement strict des loyers, augmentation des APL, garantie d’un revenu minimum pour les jeunes. Ces mesures sont aujourd’hui essentielles pour pallier la précarité extrême du logement étudiant.
À Paris, l’adjoint communiste chargé du logement, Jacques Baudrier, propose d’imposer une taxe visant à récupérer 5 millions de m² de bureaux vides en Île-de-France. Pour un investissement de « seulement » 2,5 milliards d’euros, il serait possible de construire 100 000 nouveaux logements étudiants dans la région. Une solution concrète et applicable immédiatement.
Face à l’inaction des pouvoirs publics et à la logique spéculative qui aggrave la crise, il devient urgent de repenser en profondeur le modèle du logement étudiant. Des solutions existent, mais elles nécessitent une volonté politique forte et des investissements conséquents. Sans cela, la précarité étudiante continuera de s’aggraver, compromettant l’avenir de toute une génération et d’une nation.