Pour le 1ᵉʳ mai, Avant-garde est allé donner la parole à des travailleuses et travailleurs que l’on entend peu. Ceux du monde la culture. Tous les trois travaillent dans le spectacle vivant, mais dans des corps de métiers différents.
La culture comme vocation
Lorsque l’on parle des personnes qui travaillent dans le monde de la culture, la première chose que l’on entend, c’est le “métier passion”.
“Le théâtre est un mélange entre le travail artisanal et intellectuel qui me permet d’être toujours en contact avec la réalité et en même temps dans l’exploration de nouveaux mondes possibles”, nous partage Salvatore, intermittent du spectacle, comédien.
Cette passion, ces trois jeunes la partagent à différentes échelles. Par exemple, Ariane, intermittente dans la régie des spectacles, nous raconte cette envie “de participer à rendre accessible le théâtre et d’autres formes de spectacles à tous ceux que ça pourrait intéresser.”
“La culture par passion, mais aussi par raison, guidée par cette urgence de la rendre accessible à tous et toutes et se sentir utile” Voilà ce que nous décrit Chloé, en CDD dans un théâtre aux relations avec les publics.
Des conditions de travail précaire
Une passion justifie-t-elle des conditions de travail indignes ? En effet, il ressort de nos entretiens une précarité grandissante.
Des contrats pluriels
La pluralité des contrats induit différentes conditions de travail.
En effet, pour un seul métier, il peut y avoir jusqu’à cinq statuts différents. Par exemple, Chloé nous raconte que “On peut se retrouver sous cette convention, être contractuelle, fonctionnaire, en CDI, en CDD ou même intermittent dans certains cas.”
L’intermittence est le régime le plus connu pour le secteur du spectacle vivant. Il est aussi le plus précaire pour les comédiens et les compagnies. “Il y a encore un gros travail à faire à niveau de sécurisation de l’emploi et de système de financement pour rendre les conditions de travail des compagnies moins agressives”, témoigne Salvatore.
“S’il permet aux comédiens de souffler, sa remise en question perpétuelle par le gouvernement ajoute une grande insécurité”, complète-t-il.
Des rémunérations faibles et un temps de travail élevé
La rémunération est un vrai sujet de tension dans le secteur. “Le plancher pour mon groupe et mon échelle dans la grille salariale, c’est 1810 € brut, donc 1412 € net et les structures ont rarement les moyens d’aller au-dessus.” nous raconte Chloé.
Par ailleurs, le compteur d’heure explose quel que soit le corps de métier. De plus, “Le besoin de personnel est grandissant, mais les salaires et les conditions de travail ne suivent pas. “, raconte avec désarroi Ariane.
Des conditions de travail qui deviennent dangereuses
Ariane voit dans son travail les différences flagrantes entre le privé et le public.
Dans le privé, “les spectacles s’enchaînent toute la soirée, c’est la course pour installer les décors et la direction n’embauche pas assez de monde, les problèmes techniques s’accumulent, la sécurité du personnel n’est pas assurée”
Alors que dans le public qui n’a pas les mêmes enjeux économiques, “le travail technique y est beaucoup plus encadré, moins stressant et finalement beaucoup plus efficace.”
Aussi, nous observons beaucoup de départs du secteur ou de burn out à cause des conditions de travail inacceptables.
“Dans tous les autres secteurs, on aurait déjà eu des grèves massives, mais parce que c’est un métier passion et qu’il y a une forme de culpabilisation, rien ne bouge”. Rapporte avec colère Chloé.
Un horizon peu rassurant
Avec l’arrivée de Rachida Dati à la culture, nos trois travailleurs et travailleuses craignent une dégradation de la situation. “Les coupes budgétaires étaient déjà bien en cours dans la culture, mais cela semble s’accélérer depuis l’arrivée de Rachida Dati. J’entends autour de moi une grande inquiétude, que je partage, sur l’avenir de notre secteur.” témoigne avec crainte Ariane.
L’effet est boule de neige sur le secteur et les théâtres ne sont pas les seuls impactés selon Chloé, “On en demande toujours plus pour le moins de frais possible. Par exemple, on va négocier à fond avec les compagnies pour qu’elles baissent le coût de leur spectacle ou programmer que des formes plus petites et donc moins chères.”
Pour Salvatore, ces coupes sont un affront et une attaque perpétuelle à un secteur déjà en souffrance.
Pour toutes et tous, les perspectives sont troubles. Pourtant l’enjeu est grand. Alors que notre société semble se fracturer de tous les côtés, la culture populaire, accessible, est souvent une partie de la solution. Les MJC, les centres de loisirs et toutes les structures de proximité sont des moteurs de créations de lien social dont nous avons tant besoin.