Retour sur les honteuses politiques européennes en terme d’immigration et le scandale des événements survenus ces derniers jours en Méditerranée.
Dans la nuit du samedi 9 juin au dimanche 10 juin, l’Aquarius navire de sauvetage de sauvetage de SOS Méditerranée, est intervenu pour prendre en charge 229 migrants en perdition à la demande du Centre de coordination des secours maritime italien (IMRCC).Cette même nuit, le navire a transbordé 400 migrants naufragés depuis trois navires des gardes côtes et navire marchand italiens. Ce sont donc 629 migrants, dont 123 mineurs non accompagnés et 7 femmes enceintes, qui se trouvent à son bord dimanche matin, alors que le bateau a une capacité d’accueil maximal de 500 personnes.
Conformément aux indications de l’IMRCC, l’Aquarius a fait route vers le nord afin de rejoindre un port of safety (port sûr) en Sicile, afin de pouvoir débarquer les migrants, conformément au droit international maritime. Cependant dimanche au soir il a été demandé au navire de s’arrêter à un point équidistant entre Malte et l’Italie. Au même moment, le nouveau ministre de l’intérieur italien, Mattéo Salvini, et responsable du parti d’extrême droite La Ligue du Nord, annonçait le blocage de ses ports à l’Aquarius. La presse annonçait alors qu’il était demandé à Malte de prendre en charge le débarquement sans que l’équipage de l’Aquarius n’ait reçu d’information allant en ce sens :
« Si l’information a été relayée par la presse, aucune instruction formelle de débarquement à Malte n’a été directement communiquée aux équipes à bord par les autorités maritimes italiennes, ni par les autorités maritimes maltaises “
L’Aquarius se retrouve alors bloqué, dans une situation de détresse humanitaire, quasiment à court de vivre et en surcapacité ce qui ne permet pas à l’équipage d’assurer le suivi médical des 629 personnes à bord.
“La sécurité et les soins des rescapés à bord ne pourront pas être assurés au-delà de quelques heures. Nous ne pouvons pas imaginer que des préoccupations politiques prévalent sur la situation humanitaire de ces centaines de personnes tout juste sauvées d’une noyade certaine, et qui viennent de quitter l’enfer libyen ».
Heureusement, lundi après-midi, le nouveau gouvernement espagnol de Pedro SANCHEZ a annoncé accepter que le port de Valence serve de port sûr pour le débarquement de l’Aquarius, dans le même temps Malte envoyait un navire de sa marine pour le ravitailler en eau et nourriture. De son côté Salvini criait « VITTORIA » se félicitant d’avoir refusé l’Aquarius et les exilés.
La décision de Matteo Salvini est en contradiction totale avec le droit maritime qui impose aux états de trouver une place sûre pour débarquer des migrants secourus dans leur zone SAR (Search and Rescue). Les sauvetages de l’Aquarius ont été menés dans une zone SAR conjointe à Rome et La Valette [Ndlr : la capitale de Malte], sous coordination italienne. SOS Méditerranée rappelle d’ailleurs que 400 des 629 migrants à son bord proviennent de transbordement depuis des navires italiens.
Au-delà de la question du droit c’est ici un positionnement politique du nouveau gouvernement italien. Salvini a réalisé une grande partie de sa campagne législative sur une rhétorique xénophobe, anti migrant et raciste, il annonçait déjà le 3 juin que « Le bon temps pour les clandestins est fini : préparez-vous à faire les valises ». A l’instar de la Hongrie ou de l’Autriche, c’est maintenant l’Italie qui s’engage dans une politique ouvertement d’extrême droite., ou « populisme antisystème » rime clairement avec xénophobie racisme et inhumanité. Heureusement les maires de Naples, Palerme et Messine ont annoncé qu’ils étaient prêts à accepter l’Aquarius en désaccord avec Salvini, c’est finalement l’Espagne qui accueillera les migrants, dans son port de Valence.
Cette situation, qui risque fort de se reproduire, met aussi en avant les contradictions, les errements et l’ambiguïté de l’Union Européenne, dont les pays « du Nord » refusent d’accueillir les migrants débarqués en Italie ou à Malte et ne donnent aucun moyen financier et humain à leurs partenaires pour faire face. Le sommet européen sur la « gestion des migrants » de la semaine dernière n’a d’ailleurs abouti à aucune décision. La réaction de la Commission européenne est d’ailleurs restée bien timide, comme celle de l’Allemagne, elle qui pour de nombreux autres sujets, comme la dépense publique des Etats, n’hésite pas à taper du poing sur la table et à menacer.
La France et Emmanuel Macron sont quant à eux resté complètement silencieux les premières heures de ce scandal, alors même que SOS Méditerranée qui affrète l’Aquarius est une association française, et ne se sont pas inquiéter de la situation humanitaire désastreuse. Par ce silence, la France s’est rendu complice de Malte et l’Italie, et continue de pratiquer une politique migratoire indigne et inhumaine.
Les déclarations suivantes de la France ne l’ont pas grandi non plus. Le président de la République s’est permie de dénoncer le “cynisme” des autorités italiennes, alors même que le comportement des policiers français à la frontière italienne n’est guère plus humaniste… Le premier ministre a cru bon de souligner le “non-respect” par l’Italie du droit maritime, et s’est déclaré “heureux” de la décision espagnol. Curieux quand on sait que contrairement à ce qu’a déclaré le ministre des affaires étrangères, les ports d’Ajaccio et de Marseille étant pourtant plus proches que celui de Valence.
Cet événement illustre clairement la violence politique de l’UE et le danger que représente le nouveau gouvernement d’extrême droite italien. Désormais les exilés deviennent une monnaie d’échange diplomatique, dans un jeu de pingpong inhumain.