Le 11 juin 2024, après l’annonce par Éric Ciotti de l’alliance entre Les Républicains et le Rassemblement national, Jonas Haddad déclarait que jamais, il n’y aurait d’alliance entre les deux partis. La raison ? Au-delà des divergences programmatiques, l’histoire fasciste du RN et notamment le passé collaborationniste de plusieurs de ses fondateurs qui entre en contradiction avec l’histoire du parti gaulliste. Depuis que Jean-Marie Le Pen a passé la main, le parti s’est modernisé, dédiabolisé, et occupe désormais une place médiatique et politique de premier plan. Le RN, d’abord FN, provient bien de l’extrême-droite la plus dure, mais qu’en est-il aujourd’hui ?
La préférence nationale
L’extrême-droite fait de la rupture d’égalité un mantra politique et de l’exploitation des minorités un incontournable. Ces critères se retrouvent chez le Rassemblement national. Le concept de « préférence nationale » est développé par Jean-Yves Le Gallou dans les années 80 et infuse dès cette époque dans le Front National grâce à Bruno Mégret.
On voit là une continuité nette entre le Front National de Jean-Marie Le Pen, qui l’inscrit dans son programme, et le Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui le renomme « priorité nationale ». Ce concept introduit l’idée d’une différence de traitement entre les habitants d’un pays en fonction de leur origine, en dissonance totale avec les valeurs universalistes de la République, que ce soit sur l’accès à l’emploi, aux prestations sociales, etc.
Le sexisme
À l’extrême-droite, la question du contrôle du corps des femmes et de leurs droits est primordiale. Là aussi, le Rassemblement national s’inscrit dans cette politique. En complément de la préférence nationale, le RN développe un discours nataliste et anti-avortement à mille lieues des dizaines d’années de lutte d’émancipation des féministes. En proposant un crédit immobilier de 100 000€ annulé au troisième enfant, le RN trouve un moyen de marchander le corps des femmes ainsi que leur progéniture. Encore un marqueur de l’extrême-droite dans ce parti.
Une extrême-droite présentable ?
Fondé sur les cendres des nostalgiques de la guerre d’Algérie, le Front National a toujours eu des liens étroits avec les groupuscules violents fascistes. En témoigne la « GUD connection ». Le GUD, Groupe Union Défense, est un de ces groupuscules réputé pour son racisme et la violence extrême de ses membres. Plusieurs d’entre eux ont dernièrement été impliqués dans une affaire de torture en 2016 et dans le meurtre du rugbyman Martin Aramburu en 2022.
L’extrême-droite la plus violente a donc ses entrées et sa place dans le Rassemblement national : « GUD connection » est le nom donné aux échanges, politiques et financiers, entre le GUD et le Rassemblement National. Cela passe par des proches de Marine Le Pen : Axel Lousteau et Frédéric Chatillon, ainsi que par leurs entreprises qui se font rémunérer plusieurs centaines de milliers d’euros lors de campagnes, etc. Au soir de l’annonce de la « victoire » de Jordan Bardella, le GUD est d’ailleurs sorti dans les rues pour de violentes maraudes homophobes en rappelant que les choses allaient bien changer pour eux avec ces législatives.
La quête d’identité
Un terme aujourd’hui installé dans le débat public est pourtant un des marqueurs de l’extrême-droite. C’est celui d’« identité. » C’est un des piliers du discours du Rassemblement national, l’identité à préserver. La généalogie de ce terme est intéressante puisqu’elle provient d’un prototype de think tank fasciste des années 1970 et d’un de ses fondateurs, Dominique Venner et le GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne), d’où provenait également Jean-Yves Le Gallou cité précédemment.
Le concept d’« identité européenne », également à l’origine de la théorie du complot qu’est le Grand Remplacement, a créé une opposition entre l’ailleurs, l’autre, et l’européen. Ce concept sied particulièrement bien à une extrême-droite à la limite du pan-européisme culturel, blanc, chrétien et raciste. Dans la vulgate xénophobe et raciste du Rassemblement national, on retrouve ce marqueur fort de l’extrême-droite la plus rance pour structurer un discours précisément xénophobe et raciste. Et ce malgré la communication déployée ces dernières années pour dédiaboliser le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella.