Les députés ont examiné deux textes sur la fin de vie et l’aide à mourir. Alors que le premier texte sur les soins palliatifs a été adopté sans heurts, les débats concernant l’aide à mourir ont en revanche été nettement plus conflictuels. Interrogé sur la question, Emmanuel Macron a agité l’idée, le mardi 13 mai sur TF1, de recourir au référendum en cas d’enlisement des débats au Parlement.
En quoi consiste la loi ?
En mars 2024, Emmanuel Macron avait accordé un entretien à La Croix et à Libération au sujet du projet de loi sur la fin de vie, dans lequel il présentait les grandes lignes du texte. Cependant, les premiers débats ont été invisibilisés par les élections européennes, et la dissolution a mis fin au projet.
Deux gouvernements plus tard, le premier ministre François Bayrou a appelé à “une loi d’équilibre”, bien qu’il s’y soit opposé auparavant. C’est en ce sens qu’il a scindé en deux la proposition de loi. La première partie porte sur les soins palliatifs. Elle propose de développer une nouvelle notion de “soins palliatifs et d’accompagnement”. La loi prévoit de créer un “droit de visite inconditionnel” pour les patients, la création de “maisons d’accompagnement et de soins palliatifs”, et le déploiement d’accompagnants bénévoles au chevet des personnes en fin de vie à domicile.
De l’autre côté, pour ce qui est de la proposition de loi sur l’aide à mourir, un certain nombre de critères sont définis pour y accéder. Celle-ci est rendue accessible uniquement aux personnes majeures, aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée, atteintes d’une maladie grave et incurable, engageant le pronostic vital, en phase avancée ou terminale, et victimes de souffrances réfractaires aux traitements ou jugées insupportables.
Un flou inquiétant
En France, un cadre légal existe déjà : il est issu des lois Claeys-Leonetti de 2005 et 2016. Celles-ci offrent une première réponse aux besoins des malades en fin de vie : refus de l’acharnement thérapeutique, sédation profonde jusqu’au décès, et directives anticipées. Cette nouvelle proposition de loi prévoit donc de franchir un cap supplémentaire.
L’avocate et militante pour les droits des personnes handicapées, Elisa Rojas, a alerté dans une tribune accordée au Mondesur la potentielle pente eugéniste et validiste du projet de loi. Face aux défenseurs du texte qui insistent sur une « mort digne », elle questionne ce qui définit la dignité ou l’indignité dans la mort. La militante met en garde contre une conception de la souffrance indigne attribuée au handicap.
Le texte de loi prévoit de s’appuyer sur le bénévolat pour accompagner les patients. L’État se déleste ainsi d’une partie des frais engendrés par cette loi sur la fin de vie, reléguant la dignité des patients au second plan.
La question des économies dans la mort fait forcément écho à la mise en place du suicide assisté au Canada. En cinq ans, le pays a radicalement transformé sa législation sur la fin de vie. L’accès à l’aide médicale à mourir, d’abord réservé aux malades en phase terminale, a été étendu aux personnes souffrant de pathologies chroniques graves ou de handicaps lourds. Les décès liés à cette pratique ont doublé entre 2019 (2 %) et 2022 (4,1 %). Une évolution qui a permis aux pouvoirs publics de faire des économies sur les dépenses de santé.
L’importance d’un débat
Et si le débat était plus large ? En effet, à l’heure où l’hôpital public français se meurt et où l’accès aux soins palliatifs est saturé, la priorité ne devrait-elle pas être donnée à l’accès aux soins pour toutes et tous ? Le projet de loi ne garantit cependant pas un accès équitable aux soins palliatifs selon les régions.
Par ailleurs, la bonne application des lois Claeys-Leonetti soulève encore le débat. La sédation profonde et continue n’est autorisée que pour les patients dont le pronostic vital est engagé à court terme. Le texte de loi à l’étude étend ces critères à un pronostic vital engagé à moyen terme et aux pathologies psychiques. Pourtant, peut-on vraiment toujours distinguer les souffrances psychiques liées à la maladie de celles liées à l’insertion des patients dans la société ? N’y aurait-il pas un moyen de prévenir ces souffrances plutôt que de les traiter en dernier recours ?
Le débat est indéniablement nécessaire, mais une attention particulière doit être portée sur les risques de ce projet de loi. Les personnes souhaitant mettre fin à leurs jours méritent, avant de prendre cette lourde décision, un véritable service public de l’accompagnement médical.