Qu’y a-t-il de fasciste dans le programme de Le Pen ?

publié le dans
Qu’y a-t-il de fasciste dans le programme de Le Pen ?

Face à Emmanuel Macron, la candidate d’extrême droite Le Pen se présente comme sociale et démocrate. La lecture de son programme suffit à lever cette imposture. Elle promet en fait une société de discriminations et d’exclusion, en cassant les droits et les contre-pouvoirs. Cela justifie pleinement de caractériser son programme comme fasciste.

Discriminations

Tout le programme de Marine Le Pen tourne autour de la discrimination entre les Français et les étrangers. C’est l’idée de « préférence nationale ». Comme c’est anticonstitutionnel, Marine Le Pen veut utiliser immédiatement un référendum contre l’immigration. 

Celui-ci contient tout à la fois la fin du regroupement familial, la suppression du droit du sol, celle des aides sociales aux étrangers, l’expulsion des travailleurs sans-papiers… Concrètement, on interdit aux familles de vivre ensemble, on trie entre les bons et les mauvais habitants, on exclut ceux qui n’ont pas la bonne nationalité, on refuse l’appartenance à la communauté nationale à une partie des enfants de France. Les conséquences humaines de telles mesures discriminatoires sont énormes : entre autres, réserver les logements sociaux aux citoyens français revient à expulser de nombreuses familles immigrées.

Comme en Pologne et en Hongrie, les demandes d’asiles se feront dorénavant uniquement depuis l’étranger. Ce qui est contraire à la Convention de Genève. De même l’expulsion des délinquants étrangers instaure une inégalité de traitement entre les justiciables. Pour mettre en place ce programme anti-immigration, l’extrême droite cesse de suivre les principes élémentaires du droit international et certains droits constitutionnels. Rappelons que donner au droit national la primauté sur le droit international est un véritable coup d’État constitutionnel.

Dans la même logique, la haine des musulmans se matérialise par des atteintes sans précédent à la laïcité. En effet, le Rassemblement national promet d’« éradiquer les idéologies islamistes et l’ensemble de leurs réseaux du territoire national ». Dans la proposition de loi du RN, l’islamisme a des contours flous. Sont visées entre autres les menaces sur l’unité de la nation ou le maintien de sa souveraineté et son indépendance. Toute organisation jugée islamiste par l’extrême droite pourrait être concernée, par exemple un syndicat étudiant. Derrière le discours nationaliste, il s’agit aussi d’interdire les signes de l’islam dans l’espace public, en particulier le voile. Ou encore, interdire les abattages rituels et la viande hallal ou casher. 

Réaction

Côté droit des femmes, le programme de Le Pen assigne les femmes au rôle reproductif. Avec eux, la place des femmes est à la maison. De nombreuses mesures fiscales incitent les femmes (françaises seulement) à procréer. Mais à condition qu’elles le fassent avec un seul mari. En lisant de telles propositions natalistes, il y a de quoi douter sur la remise en cause du droit d’interruption volontaire de grossesse.

Pour l’éducation, c’est le retour vers une école à l’ancienne idéalisée. Avec des contenus minimalistes : français, mathématiques et histoire. Par magie, l’autorité est rétablie avec l’obligation de porter un uniforme. C’est sûr qu’on n’aurait plus de polémique sur les tenues décentes… Des consignes seront données contre les méthodes pédagogiques modernes. En réponse au manque de personnels dans l’éducation nationale, le programme du RN propose surtout des suppressions de postes administratifs. Mais le plus grand recul promis est la fin du collège unique, afin de ne plus enseigner les mêmes savoirs dans tous les milieux sociaux et orienter encore plus tôt les élèves. Un recul de 50 ans.

C’est sans compter l’emprise sur les programmes scolaires au service de la propagande nationaliste. Comme Zemmour, l’extrême droite de Le Pen veut glorifier (réécrire) l’histoire de France en roman national. Les associations de lutte contre les discriminations anti-LGBT ne seront plus invitées à l’école, suspectées de propagande.

Ordre

En même temps, l’ordre capitaliste est sauvegardé. Toutes les mesures du programme allant dans le sens des intérêts capitalistes sont trompeusement décrites comme des mesures sociales. C’est un héritage du fascisme qui a toujours su être socialiste en paroles et nationaliste en actes.

Le RN propose notamment la suppression de l’impôt sur les sociétés pendant 5 ans et la suppression des impôts de production. Mais aussi la suppression des cotisations patronales pour inciter illusoirement à 10 % de hausse des salaires nets. Cet immense cadeau au capital tarit le financement de la sécurité sociale et rend impossible le maintien des pensions. Et hors de question de donner la main aux syndicats de salariés !

D’autres allègements fiscaux comme la fin de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans ne bénéficient qu’aux plus favorisés qui paient cet impôt. Même le remplacement de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), que Macron a substitué à celui sur la fortune (ISF), par l’impôt sur la fortune financière n’a rien d’une mesure socialiste. En effet, il ne fait que choisir le camp des propriétaires fonciers face aux détenteurs de capitaux. Capital national contre capital financier.

Autre arnaque : la drague envers les jeunes. Le complément de salaire pour les étudiants ne fait qu’entériner le salariat étudiant fait en concurrence des études par les moins favorisés. Seule mesure de soutien, mais peu ambitieuse : la gratuité des transports aux heures creuses seulement. Parfois c’est de la pure provocation, comme la promesse de créer 100 000 nouveaux logements étudiants sur 5 ans, mais surtout pas pour les étudiants étrangers. Le populisme du programme se voit dans la reprise de mesures de gauche très consensuelles (mais peu coûteuses). Comme la déconjugalisation l’allocation adulte hancipé (AAH). En bref, cela fait une belle jambe de bénéficier de quelques mesurettes vaguement sociales quand la domination du capital est garantie et les droits humains sont attaqués.

Répression

En matière de répression, le RN n’y va pas de main morte. D’abord, pas question de « violences policières », on crée une présomption de légitime défense pour les policiers. On rétablit un délit pour enfermer les organisateurs de manifestations dans lesquelles des violences se produisent. Quitte à aggraver le surpeuplement carcéral, c’est la mise en place de peines planchers, de la fin des remises de peine, et de la perpétuité réelle. Un fort durcissement judiciaire pour à peine 20 000 nouvelles places en prison.

Pour la liberté de la presse, ce n’est pas mieux. Le pouvoir choisit qui est journaliste et avec qui discuter. L’audiovisuel public est liquidé au profit de toujours plus de médias privés. C’est vrai que le patron Vincent Bolloré a été un appui de taille pour l’extrême droite pendant l’avant-campagne présidentielle…

Le Pen a beau jeu de proposer un référendum d’initiative citoyenne (RIC) et des élections proportionnelles si les institutions de la cinquième République sont instrumentalisées pour organiser des plébiscites et écraser les oppositions. Ce qu’elle entend par « proportionnelle », c’est en vérité la garantie pour le premier parti d’obtenir plus de la moitié de tous les sièges. Un pur mensonge pour capitaliser sur l’opposition à Macron.

En plus de faire passer le droit international derrière les lois promulguées par son pouvoir fasciste, Le Pen souhaite augmenter d’un quart le budget de la défense. C’est beaucoup plus que ce qui est demandé par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Pourtant la surenchère dans l’armement ne conduira qu’à des coupes dans les dépenses sociales et non à une plus forte indépendance. La France de Le Pen est une France qui tourne le dos délibérément au multilatéralisme, pour s’allier avec les nationalistes de tous poils.

Discriminations contre les étrangers et les musulmans, renvoi des femmes à la maison, école à deux vitesses et autoritaire, maintien des intérêts capitalistes nationaux, antisyndicalisme, durcissement de la répression, médias mis au pas, régime plébiscitaire, surenchère guerrière nationaliste… Le programme de Le Pen a toutes les caractéristiques du fascisme.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques