A Châtellerault, les fonderies du Poitou sont seules face à la rapacité de Renault. L’Etat une fois de plus s’illustre par son absence de stratégie réelle de long terme.
Un site historique dans une ville ouvrière.
Les Fonderies du Poitou ont été créées par le groupe Renault en 1978 afin de produire des carters. Implantées en banlieue de Châtellerault, à Ingrandes dans la Vienne (86) elles font parties d’un tissu industriel du bassin châtelleraudais spécialisé dans la production de pièces pour l’industrie automobile employant plus de 2000 personnes.
En 1998 les Fonderies intègrent le groupe Teksid (branche sidérurgique de Fiat-Chrysler) qui devient alors le plus grand groupe de fonderies du monde. En 2002 Teksid vend la partie aluminium, les Fonderies sont alors scindées en deux : Fonderies du Poitou Fonte et Fonderie du Poitou Alu. En 2008, la crise financière du capitalisme impacte très durement le secteur automobile et plus particulièrement le bassin châtelleraudais, de nombreux emplois sont détruits, des entreprises ferment, dont New Fabris (autre sous-traitant de Renault) où les 366 ouvriers mèneront un long combat particulièrement médiatisé au moment où ils menacèrent de faire sauter l’usine piégées avec des bombonnes de gaz.
En 2011, les Fonderies Alu connaissent un conflit social d’une ampleur rare. Le groupe Montupet propriétaire de l’usine souhaite diminuer les salaires de 25%. Une bataille de 8 mois, qui aboutira à la reprise des Fonderies par l’actuel propriétaire Saint-Jean Industries. Une grève emblématique du mouvement ouvrier français qui a mobilisé toute une ville. Pendant des mois, un an avant les élections présidentielles, toutes les personnalités politiques françaises possibles se sont rendus aux Fonderies, à l’exception du FN dont les ouvriers refusaient le soutien. Pendant près de deux l’ensemble des commerçants du bassin châtelleraudais se sont mobilisés pour nourrir les 400 ouvriers et leurs familles, une caisse de solidarité de plusieurs centaines de milliers d’euros, même les banques ont accepté de différer les échéances des emprunts comme le raconte Yves Gaonac’h dans son documentaire « Tête haute : 8 mois de bagarre » qui retrace le conflit.
2018 : nouvelle menace
Depuis 2011 la vie des Fonderies n’est cependant pas de tout repos, les ouvriers devant régulièrement batailler pour défendre l’existence de leur site régulièrement menacé de fermeture.
En Septembre 2018 Renault, donneur d’ordre à 98% du site, prétextant une baisse de ventes des véhicules diésel, annonce une importante baisse des volumes de production. Baisse qui menace directement le site et ses 400 emplois. Le 29 novembre, lors du déplacement de Philippe Martinez sur le site venu soutenir les ouvriers en grève, le couperet tombe au tribunal de commerce de Lyon. L’entreprise est placée en redressement judiciaire jusqu’à février 2019, deux petits mois pour retrouver un repreneur.
Les Fonderies du Poitou : symbole de l’absence de politique industrielle française
La situation des Fonderies est, malheureusement, symptomatique des errements en terme de politique industrielle des gouvernements successifs, mais aussi la conséquence directe de la recherche perpétuelle du profit maximum par les grand les grandes multinationales du secteur.
Renault, donneur d’ordre à 98% et dont l’Etat est l’actionnaire principal a dégagé plus de 15 milliards d’euros de bénéfices. Son (ex)patron Carlos Ghosn, incarcéré au Japon pour fraude fiscale et détournement de fonds, touche plus de 15 millions d’euros par an soit l’équivalent d’un salaire de 3125€ par mois pour les 400 ouvriers d’Ingrandes. La production de pièces des Fonderies est nécessaire pour le groupe Renault, mais ce dernier préfère détruire l’emploi industriel français en asphyxiant la production pour ensuite la délocaliser et s’assurer des bénéfices toujours plus importants le tout sous le regard complice de Bruno Le Maire et de ses collègues du gouvernement Macron.
Face au désastre social qui s’annonce et qui va plonger encore plus le bassin châtelleraudais dans la précarité, il est grand temps d’amorcer une nouvelle politique industrielle dans le pays. Tout d’abord en en finissant avec la stratégie d’éclatement des grands groupes qui profitent de la filialisation et de la sous-traitance à outrance pour rendre déficitaires des sites industriels et ensuite les fermer. Les Fonderies dépendent exclusivement de Renault depuis leur création elles doivent être réintégrées pleinement dans le groupe !
A l’heure où les enjeux climatiques n’ont jamais été aussi importants, il est urgent de réinterroger notre vision de la production industrielle. Préserver des sites comme celui d’Ingrandes c’est garantir la possibilité de produire au plus proche et donc éviter l’éclatement au quatre coins du monde de la production de pièces engendrant une forte augmentation des distances de transport et donc des émissions de gaz à effet de serre. Mais préserver une industrie française c’est aussi se doter des moyens et des compétences pour amorcer la nécessaire transformation de la production tout en préservant de très nombreux emplois. En effet les emplois industriels étant ceux qui engendrent ensuite le plus d’emploi indirect sur un territoire.
Face aux logiques financières et la vision court-termiste des industriels et du gouvernement toutes les forces de progrès doivent converger pour opposer un contre-projet industriel crédible et solide. Un contre-projet promoteur du contrôle, de l’organisation et de la planification de la production de manière démocratique dans le but premier de satisfaire les besoins et aspirations des travailleurs.