Entretien avec Eric Mansencal, secrétaire général adjoint du SNUPDEN FSU (Syndicat national unitaire des personnels de direction). Eric Mansencal a participé à la rédaction d’une des dernières publications du SNES Nouveau management public & éducation, le reconnaître, le comprendre, y résister.
L’actualité a mis le projecteur sur les phénomènes de violence à l’école. En est-on vraiment au point qui nous est décrit ? L’école est-elle de plus en plus le théâtre de violence ?
Tous les lieux où il y a rassemblement peuvent être sources de conflit. Les cours de récré ne sont jamais simple à gérer. Dans cette situation, on a un un geste inacceptable de la part d’un élève avec un de ses amis qui filme. Mais c’est une situation relativement rare qui peut arriver n’importe où. Il n’y a pas plus de violence aujourd’hui et aucun établissement n’est à l’abris.
Prenons l’exemple de Grasse, c’était un établissement plutôt serein où un élève a pris un fusil et blessé quatre personnes. On voit ici qu’aucun établissement n’est à l’abri. Pour revenir à l’actualité, le geste de l’élève est inacceptable et c’est une réaction saine que de le dénoncer.
Les directions des établissement tendent-elles à minimiser les faits de violences rapportés par les professeurs ?
Les Académies et les Rectorats nous disent qu’il y a trop de conseils de discipline. Mais si on les limite cela veut dire qu’il n’y a plus d’action de la démocratie au sein des établissements puisque la démocratie émane de ces conseils. Ces derniers sont composés de professeurs, d’élèves, et de parents d’élèves.
Si les chefs d’établissements prennent la décision de ne pas faire de conseil de discipline, ils répondent à la demande institutionnelle et il faut que les conseils puissent être réunis pour veiller à un cadre sain. Lors de ces conseils, les chefs d’établissements mettent au vote la sanction de la plus élevée à la moins élevée jusqu’à qu’il y ait vote à l’unanimité. Les votes se font à bulletins secrets.
Les professeurs en signalant ces incidents, expriment leur malaise. Et quand il ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie c’est difficile, ils sont atteints dans leur dignité. Enseigner, ce n’est pas facile. Quand un incident grave se produit, ils veulent une réaction éducative, même l’exclusion. Il s’agit de régler le problème de la communauté dans laquelle ils évoluent.
L’école dispose-t-elle déjà de tous les dispositifs nécessaires contre les violences scolaires ?
Non ! On ne peut pas se prémunir contre la violence, aucun établissement ne peut. Les violences sont imprévisibles.
En revanche, il y a une nécessité d’avoir un suivi des élèves aux comportements “anormaux”. On a besoin de psychologues pour suivre ces élèves. Aujourd’hui ceux qu’on appelle psychologues dans les établissements, ne font surtout que du conseil d’orientation. Il y a aussi un déficit d’encadrement de la vie scolaire. On a besoin d’accompagnants d’éducation et pas seulement de surveillants.
Plus d’adultes impliquent plus de communication entre professeurs et élèves, entre parents et enfants car aujourd’hui il n’y a pas assez de communication. Mais aussi pour favoriser le dialogue il faut réduire le nombre d’élèves par classe. Ces réductions peuvent limiter les phénomènes de violences.
Il faut un suivi pour les élèves qui commettent des actes graves. Les élèves sont en souffrance, mais la réalité aujourd’hui c’est qu’on se partage les psychologues entre établissements.
De nombreux établissements scolaires ont recours à des systèmes de vidéosurveillance ou des portiques de sécurité, même en maternelle, ces mesures sont-elles justifiées et réellement efficaces ?
Ces dispositifs ne règlent pas le problème. On a 1000 élèves à faire rentrer en 15 minutes, si on installe des portiques c’est simplement pas possible de tous les faire rentrer.
La réelle question est comment fait-on pour mieux vivre ensemble ? Comment faire pour qu’un élève ne se sente pas exclu ? Pour cela, il faut que tous les élèves aient les mêmes chances de réussite. Si les élèves sont en situation de réussite, il n’y a pas de menace.
Qu’attendez-vous comme mesures du gouvernement vis-à-vis de ces violences ?
On ne veut pas de la poudre aux yeux. Il ne faut pas que la solution soit que le chef d’établissement accompagne le professeur porter plainte. On a besoin de moyens d’accompagnement mais aussi que la scolarité ne soit pas une contrainte. S’il y a contrainte, l’élève n’a pas envie d’apprendre et c’est là que naissent les violences. Il faut mettre les élèves en position de réussite.
La solution n’est pas non plus de mettre la police dans les établissements. Cela ne règle aucun problème. La police n’est une option seulement qu’en cas de problèmes particuliers. On doit travailler en bonne intelligence avec eux. Mais c’est illusoire de penser que la police dans les écoles va régler le problème.