Nommée ministre de la Culture le 11 janvier 2024, Rachida Dati prend les commandes d’une nouvelle attaque dirigée contre le secteur de l’audiovisuel français, pourtant déjà fragilisé.
Pour ce faire, la ministre s’appuie sur une proposition de loi du sénateur UDI du Val-de-Marne Laurent Lafon. Cette proposition, adoptée au Sénat en juin 2023, vise à créer une holding (un regroupement) de l’audio-visuel public (radio, télévision) c’est-à-dire France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et France Médias Monde.
Rachida Dati peut compter sur le soutien de la directrice générale de France Télévisions Delphine Ernotte, ainsi que des députés Jean-Jacques Gaultier de LR et Quentin Bataillon de Renaissance pour porter à l’Assemblée nationale la proposition d’un simili ORTF, ou plutôt d’une « BBC à la française ».
Ce projet ne date pas d’hier. Dès 2000, le regroupement de France 2, France 3 et France 5 est engagé, créant une holding de l’audiovisuel public et Nicolas Sarkozy transforme l’essai avec la loi du 5 mars 2009. France Télévisions devient alors une entreprise commune et en 2010, la quarantaine de sociétés qui composaient France Télévisions fusionnent en direction unique.
Le « besoin d’un audiovisuel public fort »
La ministre de la Culture se targue de protéger l’audiovisuel français et déclare que : « L’audiovisuel public, dans un État de droit, dans une démocratie, il faut le préserver […] il faut rassembler les forces. »
Qu’en est-il vraiment ?
Ne soyons pas dupes, cette fusion médiatique cache la volonté de réduire le budget alloué à ce secteur. La ministre reconnait elle-même que la manœuvre va permettre « de faire des économies ».
Moins de moyens dans l’audiovisuel… ce n’est pas ce qu’on appelle un « audiovisuel public fort » car ces ruptures de budget impliquent une chute de la quantité et de la qualité des contenus d’information, et impliquent indubitablement une suppression d’emplois.
De plus, cette attaque dirigée vers les médias publics constitue une véritable atteinte à la pluralité médiatique. Nous constatons que la privatisation des médias impacte les lignes éditoriales et le secteur de l’information est devenu un marché très prisé par les grandes fortunes. L’actionnaire Vincent Bolloré à la tête de Vivendi (un véritable empire) qui contrôle entre autres Canal+, C8, CNews, Europe1, RFM et Le Journal du Dimanche, passait le 13 mars en audition devant la commission d’enquête parlementaire sur les fréquences TNT.
La question de son influence sur la ligne éditoriale était largement pointée du doigt. À l’heure où l’on tire la sonnette d’alarme quant à la concentration des canaux d’informations aux mains d’un petit nombre d’actionnaires, la CGT alerte sur l’inévitable uniformisation des lignes éditoriales par cette fusion des médias publiques. La pluralité médiatique est aujourd’hui plus que nécessaire !
L’urgence d’un investissement dans un réel pôle public de l’audiovisuel
Face à cette détérioration de l’information, la nécessité d’un pôle public de la communication devient urgente. Mais pour cela, l’audiovisuel et la presse ont besoin d’un investissement massif à travers un pôle public de l’information garant du débat d’idées, d’une information de qualité et accessible au plus grand nombre ; conditions indispensables pour garantir la démocratie.
Plus largement, le secteur de la culture nécessite un réel investissement. Les écoles publiques d’audiovisuels sont encore trop peu nombreuses sur le territoire et le personnel du secteur s’inquiète de l’essor massif des écoles privées dans le domaine. Ces dernières sont assujetties aux pratiques et demandes mercantiles de l’industrie et n’engagent aucune réflexion sur la pratique. Un investissement massif permettrait à la France une pleine souveraineté pour une industrie audiovisuelle de qualité et plurielle.