Cela fait près d’un mois que le Soudan connaît à nouveau un conflit armé sur son territoire. Les troupes de l’armée soudanaise et les milices des Forces de soutien rapide (FSR) s’affrontent jusque dans la capitale du pays, Khartoum, désormais le théâtre d’une véritable guerre urbaine.
L’affrontement entre l’armée et les FSR révèle la place des militaires dans un pays ayant connu une succession de coups d’État depuis son indépendance en 1956. Dès l’indépendance du Soudan, l’armée s’est perçue comme le pilier central des institutions, et cela aux dépens des grandes organisations politiques, religieuses et syndicales du pays.
Très marquée par les modèles britannique et égyptien, l’armée soudanaise constitue un groupe social et politique à part entière, contrôlant des pans entiers de l’économie et où les différents réseaux d’officiers rivalisent pour exploiter cette rente d’État.
Espoirs de changement en 2019
L’année 2019 avait pourtant été marquée par un bouleversement majeur : à l’issue d’une longue contestation sociale initiée en décembre 2018, le précédent régime d’Omar el-Béchir avait été renversé au profit d’un gouvernement de transition. Ce nouveau régime hybride, issu d’un rapport de force entre militaires et forces politiques et syndicales, avait progressivement pris la forme d’une nouvelle junte dirigée de facto par Abdel Fattah al-Burhan et son vice-président Mohamed Hamdan Dogolo.
Le vice-président Hamdan Dogolo avait déjà été remarqué pour sa direction des Janjawid, milices issues des populations les plus arabisées du Nord et mobilisées dans la très sanglante Guerre du Darfour. C’est sur les bases de ces Janjawid que se sont constituées les FSR aujourd’hui au cœur de la guerre : longtemps utilisées comme appui du gouvernement face à la contestation sociale et aux groupes séparatistes des périphéries, les FSR ont pu être mobilisées en appui aux troupes saoudo-émiriennes dans la Guerre du Yémen et gagner toujours plus d’influence.
Alors que le conflit yéménite semble désormais se calmer du fait d’un nouveau dialogue irano-saoudien, les FSR, massivement rentrées au Soudan, sont au sommet de leur puissance : celles-ci sont mieux formées et bénéficient d’un contrôle direct des ressources aurifères du pays acquises lors de la Guerre du Darfour.
Rivalités entre puissances
C’est dans ce contexte d’ascension des FSR, tentant un coup d’État en avril, que les hostilités démarrent autour de Khartoum face à l’armée soudanaise et le Président Abdel Fattah al-Burhan.
Ce conflit est aussi directement le résultat des rivalités entre la Russie, puissance montante dans le Sahel, les États-Unis et leurs alliés au Moyen-Orient : tandis que les États-Unis accusent la Russie de se servir du Soudan comme plateforme de financement pour le Groupe Wagner via l’or des FSR, Russes et Émiriens tentent de développer leur influence autour de la mer Rouge en soutenant Hamdan Dogolo.
La population civile soudanaise est la première victime de cette nouvelle guerre entre l’armée et les FSR.
Puissante organisation active durant tout le mouvement de 2018-2019, le Parti communiste soudanais appelle à refuser la dichotomie entre deux armées désireuses d’imposer un nouveau régime militaire avec le soutien de puissances étrangères.
Le Comité central du PCS a ainsi appelé au rassemblement des forces d’opposition, espérant ainsi réaliser à nouveau le mouvement ayant fait chuter le régime d’Omar el-Béchir.