La mise en concurrence des étudiants comme nouvelle philosophie pour l’enseignement supérieur
Le 26 février commençait la phase de dépôt des candidatures sur la plateforme “MonMaster” qui ouvre sa deuxième édition. Cette plateforme s’inscrit dans la même philosophie de mise en concurrence des étudiants pour l’accès à la poursuite de leurs études que sa grande sœur “Parcoursup”.
La réforme de 2017, qui a instauré la sélection à l’entrée en Master, avait créé le très conditionné “droit à la poursuite d’études”. Mais ce n’était qu’une façade, en pratique, de très nombreux étudiants n’ont pas reçu d’affectations. En 2021, c’est 12 050 étudiants qui ont même saisi leur rectorat faute de réponses positives, dont 7 013 qui ont été considérés comme recevables. Seulement 2 845 ont donné lieu à une proposition d’admission dont le contenu du master n’était nullement assuré de correspondre avec les aspirations de l’étudiant. Depuis l’instauration de la réforme, les saisines des rectorats ont augmenté de 129 % faute de réponses positives pour des étudiants qui avaient pourtant bel et bien validé leur licence.
En témoignent les présidents d’université et les directeurs de master, la plateforme semble avoir grandement accru le nombre de candidatures en institutionnalisant toujours plus la philosophie de mise en concurrence des étudiants sur le nouveau marché de l’enseignement supérieur. Cela a poussé les étudiants à multiplier les candidatures pour tenter d’augmenter leurs chances d’accéder à une poursuite d’études. Cette situation a fortement dégradé la capacité des établissements à évaluer les dossiers des candidats, toujours plus nombreux malgré les annonces de désinvestissement dans l’université qu’enchaîne le gouvernement.
Une communication faussement rassurante du ministère
Comme lors de la dernière phase de candidature, le ministère de l’Enseignement supérieur se veut rassurant. Il présente la nouvelle plateforme aux étudiants comme un “outil pour leur simplifier la vie”, et aux établissements comme un moyen de s’assurer d’avoir des classes pleines à la rentrée.
L’ergonomie de la plateforme et la communication visuelle bien étudiées constituent l’arbre qui cache la forêt. En effet, malgré les berceuses du gouvernement, ce n’est pas cela qui aidera les dizaines de milliers de jeunes étudiants à accéder au master de leurs souhaits.
Des critères de sélection flous, porte ouverte à une véritable sélection sociale des étudiants
Les très nombreuses candidatures vont être étudiées et classées par les directeurs de formation en large sous effectifs. Chaque responsable de master fixe les critères d’admission dans sa formation comme il le souhaite.
Malgré la communication du ministère qui annonce que “Notes, cohérence du projet professionnel, motivation sont regardées de près”, cette large liberté donnée aux directeurs de formation est la porte ouverte à de nombreux abus.
En effet, de nombreux étudiants témoignent avoir été questionnés lors d’entretiens de sélection sur leur besoin d’avoir recours à un job alimentaire en parallèle de leurs études. Une pratique souvent considérée par les établissements comme “incompatible avec le bon déroulé de la formation”. Par la mise en concurrence des étudiants, leur situation sociale devient un véritable critère de sélection. Les établissements préféreront toujours l’assurance de l’étudiant qui pourra seulement se soucier de ses études à celui, plus précaire, qui devra subir le salariat étudiant pour les poursuivre.
Plus directement, ce système de mise en concurrence nationale des étudiants nécessite d’avoir les moyens d’aller dans les grandes villes pour suivre le master qui correspond à ses aspirations.
Malgré le vernis de communication autour d’une plateforme réputée plus fonctionnelle, c’est la philosophie libérale bourgeoise tout entière que le gouvernement d’Emmanuel Macron s’évertue à imprimer dans l’éducation supérieure qui condamne la jeunesse étudiante à un déterminisme social toujours plus fort.