Malvoyance : un point aveugle des politiques publiques

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Malvoyance : un point aveugle des politiques publiques

Ce samedi 4 janvier, nous célébrerons la journée mondiale du braille, 200 ans après son invention par l’enseignant et musicien éponyme. Ce système d’écriture de points en relief permet aux aveugles et malvoyants de lire avec leurs doigts. Alors que 1,139 million de personnes sont  déficientes visuelles dont 207 000 aveugles, où en sommes-nous de leur accès à la culture et à la santé ?

L’usage de l’audiodescription en progression, mais on part de loin

Depuis le 1er janvier 2020, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) oblige celles et ceux qui postulent à ses financements d’audio-décrire leurs productions. L’idée est d’inciter le monde du cinéma à progresser en la matière. Néanmoins, ces financements ne concernent pas les grosses productions hollywoodiennes, limitant de fait l’accès des malvoyants au cinéma. Ainsi, sur 500 films qui sortent en salle tous les ans, seuls 20% sont audiodécrits.

Côté télé, seul le service public fait des efforts. En 2016, 53% des programmes audio-décrits étaient répartis entre les 5 chaînes du service public, le reste étant réparti entre les 13 autres chaînes de la TNT. Cependant, cela ne concerne que 4% des émissions de télé.

L’accès des personnes aveugles et malvoyantes aux médias audiovisuels demeure donc dérisoire, bien que les instances publiques s’emparent de la question depuis quelques années. Le privé en revanche, par appât du gain, fait peu, voire pas d’efforts.

Trop peu et trop cher à produire

Depuis le 4 janvier 2023, les livres en braille sont passés à la tarification unique et standard. Aujourd’hui, un livre en braille coûte entre 11 et 30 euros… mais 700 à produire. À titre de comparaison, un livre standard coûte en moyenne 11,49€ à l’achat et 6,07€ à produire. Or, puisque ça ne peut pas être rentable au vu des coûts de production actuels, les entreprises privées n’ont aucune espèce d’intérêt à produire des livres en braille. Ce d’autant plus que seules 70 000 personnes le lisent. Or, avec plus d’un million de personnes concernées, la question de l’accessibilité même du braille se pose. Le problème sous-jacent est donc celui d’enseigner massivement la lecture du braille aux personnes aveugles et malvoyantes.

Les médicaments, un exemple palpable mais limité

Depuis 2004, l’étiquetage en braille des médicaments est obligatoire. Les fabricants doivent indiquer le nom de la molécule active et la concentration. Selon Euroblind, cela augmente l’autonomie des personnes malvoyantes dans leurs traitements, car elles n’ont pas besoin de demander de l’aide à un tiers. Cela diminue également le risque d’erreurs dans la prise de traitement, notamment les overdoses accidentelles.

Néanmoins, les notices indiquant entre autres les effets secondaires ne sont pas accessibles aux personnes malvoyantes, ne serait-ce que parce qu’elles sont écrites en tout petits caractères. Aussi, et comme vu plus haut, le braille n’est pas encore assez diffusé auprès des malvoyants. Si le cas des médicaments est un bon exemple quant à la faisabilité de l’impression massive de braille, cela ne résout pas le problème de l’accessibilité-même de ce système d’écriture.

Diffusons massivement le braille et l’audiodescription

Il apparaît donc que le braille reste encore marginal 200 ans après sa mise au point. Or des solutions existent pour que ce million de Français puisse avoir accès à la santé et à la culture. Il existe déjà des structures d’enseignement pour les personnes en situation de handicap où elles bénéficient d’un enseignement adapté à ce qu’elles peuvent faire. En apprenant massivement le braille dans ces établissements, mais aussi auprès des malvoyants dans les établissements classiques, on donnerait accès à la lecture à des centaines de milliers de personnes. On peut également rembourser à 100 % les séances d’orthophonie nécessaires à l’apprentissage du braille. Enfin, on pourrait conditionner les subventions publiques aux chaînes de télévision au fait que plus de 50% de leurs programmes soient audiodécrits et faire un audiovisuel public 100% accessible à toutes et tous.


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