Il y a 5 ans, Wes Anderson était enfin révélé au grand public avec The Grand Budapest Hostel. Pour son 9ème film, il revient avec une technique qu’il avait déjà expérimentée (et réussie) en 2010 avec Fantastic Mr. Fox : l’animé.
Récompensé de l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin, Wes Anderson surprend et impose l’animation comme un genre cinématographique à part entière.
Synopsis
L’île aux chiens prend place dans un futur dystopique, au Japon dans 20 ans dans la ville fictive de Megasaki. La grippe canine se propage et tous les chiens sont affectés. Le maire autoritaire de la ville, Kobayashi, décide d’envoyer tous les chiens sur une “île poubelle” qui deviendra l’île aux chiens. Le jeune Atari, 12 ans, prend un avion et se rend sur l’île pour retrouver Spots, son fidèle canidé. Il fera la connaissance de 5 chiens attachants et vaillants pour l’aider à retrouver Spots.
Quel public ?
Une question se pose naturellement quand il s’agit d’un film animé: est-ce pour les enfants ? La où Fantastic Mr. Fox (adapté du roman de Roald Dahl) avait plusieurs niveaux de lecture, L’île aux chiens adopte un sujet très politique mais arrive tout de même à nous émerveiller.
En effet, si le film s’adresse à un public plutôt adulte, Wes Anderson fait appel à des sentiments d’enfants de part ses plans, sa musique et ses dialogues toujours très drôles.
Un film en écho à l’histoire et la culture japonaise
Politique, oui et c’est surement le film le plus engagé qu’il ait fait. Il n’hésite pas à utiliser des termes comme “déportation” et il est difficile de ne pas penser à une certaine période du milieu de XXème siècle, notamment aussi quand est montré un camp de transition entre Megasaki et l’île aux chiens. Mais plus que les événements de la seconde guerre mondiale, l’île aux chiens s’ancre dans le passé, le présent et le futur, c’est une chronique du monde contemporain qui raconte le drame d’une population en exil.
Qu’on aime ou pas les chiens, il est impossible de ne pas être ému quand Watanabe, scientifique et opposant à Kobayashi à la mairie de Megasaki conclut son discours par “Ne dit on pas le meilleur ami de l’homme”. Et cette phrase, pourtant bateau, prend tout son sens grâce aux choix de Wes Anderson.
Les humains s’expriment en japonais, rarement traduit, quand les chiens parlent en anglais ou en français (suivant si l’on regarde le film en VO ou VF). Il installe donc une distance entre les humains et les spectateurs quand il rapproche les spectateurs et les chiens.
L’île aux chiens est aussi rempli de référence à la culture japonaise, que ce soit à travers les estampes d’Hokuzai, au cinéma d’animation de l’inimitable Miyazaki ou encore au théâtre Kabuki (forme de théâtre japonais traditionnel, centré sur un jeu d’acteur à la fois spectaculaire et codifié).
Une technique maîtrisée
Techniquement, on ne peut rien reprocher à l’ile aux chiens tant le stop motion est maîtrisé. Comme dans ses films live, on retrouve chez Wes Anderson un sens du cadre et de la symétrie qui fonctionne tout le temps. Car tout est précis chez Wes Anderson que ce soit aussi bien le placement des chiens que le placement d’un éternuement canin dans le dialogue.
Aussi, le doublage, qui est plus que ça, est impressionnant. Chaque personnage est construit en fonction de l’acteur qui va le doubler. On retrouve alors des comédiens chers à Anderson comme Bill Murray ou Edward Norton. Mais derrière chaque personnage, c’est une réelle construction vocale car chaque voix correspond à la personnalité des chiens.
Et ce qui est rare, c’est que l’île aux chiens se regarde aussi bien en version original qu’en version française puisque c’est Wes Anderson lui même qui a choisi le casting vocal français. Ca tombe bien, parce que l’île aux chiens mérite et nécessite plusieurs visionnage.
Une poursuite d’un univers sans tomber dans la redite
Ce qu’on admire chez Anderson, c’est sa capacité à créer un univers cinématographique qui lui est propre et qui permet de l’identifier aux premières images tout en se renouvelant à chaque film. Il se renouvelle sans cesse et surprend aussi bien son spectateur que son équipe technique. Et l’île aux chiens, fable politique et poétique, n’y manque pas.
On sait à quel point la musique est chère à Wes Anderson, elle rythme toujours ses films, si cette fois ci pas de Rolling Stones, mais une bande originale signée Alexandre Desplat (c’est leur 3eme collaboration ensemble) qui colle parfaitement à l’univers. Cet univers est aussi dû à sa créativité artistique qui est complètement libre puisque sa production est totalement indépendante, notamment d’Hollywood. Et ça fait du bien de voir un cinéma américain à contre-courant de celui qu’on à l’habitude de voir, tout en s’adressant à un public universel.
L’île aux chiens n’est pas un film qui se repose sur son scénario, ses acteurs ou sa technique mais représente bien un tout, car chacun de ses éléments sont indispensables à sa réussite.