Tous les indicateurs sont au rouge. Depuis quelques années, la crainte de vagues caniculaires graves s’est concrétisée. La situation météorologique de l’été 2023 est déjà largement inquiétante, et certaines études ont chiffré l’ampleur des dommages en 2022.
L’Hémisphère Nord touché de plein fouet par les vagues de chaleur
Le mois de juillet 2023 est particulièrement compliqué dans l’Hémisphère Nord. En France, le mercure a approché les 40 °C de façon très localisée, dans le Sud-Est du pays. Cette vague de chaleur frappe globalement la moitié sud de l’Hexagone, avec des températures environnant les 30 à 35 °C.
Cette situation contraste avec la moitié nord du pays, qui n’est pas exposée à la masse d’air chaud centrée sur le bassin méditerranéen. Le sud de la France a toutefois un aperçu de ce que vivent actuellement l’Espagne et l’Italie. Les deux pays traversent des canicules très fortes.
Dans la péninsule ibérique, des alertes ont été lancées pour des températures allant de 38 à 44 °C dans certaines régions. L’Andalousie, la Catalogne, l’Aragon et Majorque sont touchées, et des incendies aux Canaries ont détruit plus de 5 000 hectares à ce jour.
L’Italie connaît, elle aussi, une période de chaleurs historique. Le dimanche 16 juillet, les températures moyennes de nombreuses villes étaient situées entre 36 et 38 °C, aussi bien dans le Nord que dans le Sud. Vers Naples, deux hommes de 48 et 51 ans sont morts suite à des malaises pendant un match de foot amateur. Quatre autres décès sont à déplorer.
Ailleurs, en Allemagne, en Roumanie, au Maroc, en Grèce ou en Chine, le mercure stagne entre ce week-end et le début de la semaine aux alentours de 35-40 °C. Aux États-Unis, des pics de températures historiques sont attendus : les 40 °C sont largement dépassés en Californie et en Arizona, et la chaleur dans la Vallée de la Mort pourrait dépasser les 54 °C enregistrés en 2020.
Au Canada, les incendies qui ont ravagé plus de 10 millions d’hectares cette année font toujours rage. Sur 906 feux encore actifs, 570 sont considérés hors de contrôle. Deux pompiers sont déjà morts en luttant contre les flammes.
Le jour le plus chaud de l’Histoire relevé début juillet
L’été 2023 est déjà celui de tous les records. En raison de l’anticyclone “Cerbère”, l’Agence spatiale européenne considère que le thermomètre pourrait atteindre les 49 °C en Italie, soit la température la plus élevée jamais enregistrée en Europe.
Toutefois, la journée du 4 juillet se distingue particulièrement. L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique a indiqué que l’humanité n’avait jamais enregistré de jour plus chaud dans toute son histoire. Tous mois confondus, la température moyenne du globe a atteint 17,18 °C.
Ce relevé concorde avec celui du service Copernicus, qui avait déjà indiqué que le 3 juillet était le premier jour auquel la température mondiale moyenne avait excédé les 17 °C. La séquence s’explique par le retour d’El Niño, un phénomène climatique périodique qui se caractérise par une hausse généralisée des températures mondiales.
D’origine océanique, El Niño interroge par ailleurs sur les conséquences de telles chaleurs sur la biodiversité marine. Dans l’Atlantique, on retrouve le même type de “vagues caniculaires” que sur les terres : les coraux sont très largement touchés par ces hausses de températures en mer. L’Organisation des Nations unies a récemment adopté un traité pour protéger les espèces marines en haute mer.
En 2022, des chaleurs record et meurtrières
La situation actuelle doit être mise en lien avec la récente étude publiée à propos de l’été 2022. Celui-ci avait durement touché la France, à la fois par des températures supérieures à 40 °C dans le Sud, par la sécheresse inédite, et surtout par les nombreux incendies.
La revue Nature Medicine a partagé un rapport établissant à 60 000 le nombre de morts dû à la chaleur l’été dernier en Europe. Ce chiffre est proche des 70 000 personnes décédées durant la difficile canicule de 2003. En 2022, la situation est d’autant plus inquiétante que les températures étaient supérieures à la moyenne chaque semaine de la période estivale.
Ces données prennent de l’avance sur les prévisions que l’Agence européenne de l’environnement a rappelées en novembre 2022. Selon un rapport de 2020, 90 000 personnes devraient mourir chaque année de la chaleur en Europe, à l’horizon 2100, si les températures augmentent de 3 °C. Avec les 60 000 morts décomptés pour 2022 en 2023, la réalité a pris le pas sur les projections et nous rapproche des scénarios les plus alarmants.
Mais, depuis 2003, de nombreux pays se sont dotés de plans de prévention et de gestion des vagues caniculaires. Les niveaux de vigilance sont accompagnés de recommandations et de dispositifs plus poussés qu’à l’époque. Toutefois, le recours aux urgences est toujours la grande inconnue, compte tenu de la dégradation des conditions d’accueil en services hospitaliers.
L’Europe deux fois plus touchée par le réchauffement que le reste du monde
Cumulant des vagues de chaleur intenses, des températures marines élevées, des feux de forêts et des fontes des glaciers, l’Europe est le continent le plus touché par le réchauffement climatique.
Un rapport de l’Organisation météorologique mondiale dresse l’état des lieux de cette hausse des températures sur le Vieux Continent. L’Europe de l’Ouest est spécifiquement touchée depuis 1990, la moitié sud de la France est en première ligne. En moyenne, la température annuelle est supérieure de 2,3 °C à la période préindustrielle.
De très nombreux pays ont connu leurs records de chaleur l’année dernière : Allemagne, Espagne, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Portugal, Suisse… Cela a provoqué un “stress thermique” inédit pour les Européens, c’est-à-dire que notre capacité de gestion de la chaleur corporelle a été plus mise à l’épreuve que jamais.
Les vagues caniculaires alimentent un cercle vicieux avec le cycle de l’eau. La fonte exceptionnelle des glaciers depuis 1990 (-34 mètres environ) couplée aux chaleurs extrêmes ont contribué à l’assèchement prématuré des nappes phréatiques. Sans précipitations normales, le manque d’eau n’a fait que renforcer les effets de la sécheresse sur les populations, l’agriculture et la production énergétique.
Même la Commission européenne l’admet, le problème réside en grande partie dans les émissions carbonées résultant de la production énergétique. Le charbon, le pétrole et le gaz, habituellement considérés comme des énergies de transition en appoint du renouvelable, doivent donc être abandonnés le plus rapidement au profit du nucléaire, dont le déploiement est encore peu accompagné par Bruxelles.
Peut-on réellement agir contre les vagues caniculaires ?
La situation est-elle irréversible ? De nombreuses solutions sont proposées pour maintenir le cap de l’Accord de Paris sur le climat, qui fixe à 1,5 °C la hausse maximale des températures pour la seconde moitié du XXIe siècle. S’il faut en croire Christophe Béchu, il faudrait déjà se préparer à une hausse de 4 °C en France en 2100.
Les scientifiques du GIEC pensent toutefois que rien n’est perdu. Dans le troisième volet du rapport, paru en 2022 et consacré aux solutions, les experts dressent les pistes d’une sortie de la crise climatique que nous rencontrons.
Les grandes puissances ne sont aujourd’hui pas à la hauteur, bien que des réponses rapides soient attendues à l’horizon 2030. Deux axes sont indispensables pour éviter le pire : une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, et une coopération renforcée avec les pays du Sud.
S’agissant du premier objectif, il convient de porter une réflexion à la fois sur les émissions, mais aussi sur l’absorption des gaz à effet de serre. L’électrification de notre modèle énergétique, à l’aide de sources décarbonées, doit être une priorité pour diminuer notre consommation et réduire les pollutions. Des études prouvent également que la restauration des écosystèmes contribuerait à hauteur de 37 % à l’atténuation des changements climatiques.
Enfin, l’aide et la coopération avec les pays du Sud est essentielle afin de réduire les effets du réchauffement pour toute la population mondiale. Des grands projets, comme la Grande Muraille verte du Sahara, peuvent être accompagnés pour prévenir la désertification, et compenser la déforestation dans le monde.
Plus encore, les Nations unies doivent prendre leurs responsabilités et établir un programme de développement pour les pays du Sud, très durement touchés par les vagues caniculaires et les catastrophes naturelles. Seule une meilleure répartition des ressources planétaires, uniquement possible en sortant du système capitaliste, permettra de résoudre les graves inégalités qui existent face au réchauffement climatique.