Les fusillés de Souge, reste leur souvenir encore brûlant

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Les fusillés de Souge, reste leur souvenir encore brûlant

Voilà 80 ans que la France a retrouvé sa liberté face à l’ignominie et la violence de l’occupation nazie. 80 ans que 102 résistants ont perdu la vie, au camp de Souge, en cette année 1944, sous les balles de plomb et de haine des troupes du Troisième Reich.

Le philosophe allemand Hegel affirmait en 1847 : « Un pâle souvenir n’a pas de force contre la vitalité et la liberté du présent ». Pourtant, en ce dimanche 27 octobre, nous étions 15 militants jeunes communistes à nous rassembler pour honorer la mémoire de ces résistants. Plus d’une dizaine de militaires, de nombreux représentants préfectoraux, municipaux, associatifs, plusieurs élus ainsi que des familles étaient réunis en souvenir de ces 256 fusillés morts pour la France. Simplement des Hommes unis pour refuser d’oublier ces autres Hommes, qui avaient donné leur cœur et leur vie, afin que la liberté ne soit plus un combat, mais un droit. 

Refuser d’oublier

Emprunter à nouveau le sol humide et boueux, foulé durant quatre longues années par un nombre terrible d’hommes condamnés à être exécutés, c’est refuser d’oublier. 

Et comment oublier les noms, les visages et les âges -douze d’entre eux n’avaient même pas dix-huit ans – guidant chacun de nos pas à mesure que nous nous dirigions vers la cérémonie ?

Claude Mellier, conseillère municipale et dirigeante du Parti communiste à Mérignac, vice-présidente à la métropole de Bordeaux, partage cette idée alors qu’elle explique : « Ce qui est impressionnant quand on écoute, les âges, ils sont différents, mais beaucoup de jeunes. Essentiellement, ils sont jeunes. » Par ailleurs, comme tous rassemblés ce jour-là, elle appuie la formule prononcée par Gérard Vignacq, membre de l’association du souvenir des fusillés de Souge, lors de son émouvant discours : « Oublier… jamais ». Elle affirme en effet : « C’est un lieu de pèlerinage aussi, de commémoration pour se souvenir qu’ils ont donné leur vie pour qu’on soit libre. »

Ainsi, plus que jamais, il est nécessaire de raviver le souvenir de ceux qui ont lutté pour que renaisse la liberté en France. Car notre liberté du présent est bien née de ce « pâle souvenir ». 

Malgré tout, l’espoir

Entourés de hauts arbres verts, on ne peut qu’être bouleversé en observant cette même couleur d’espoir, qui aura animé les résistants jusqu’à leur dernier souffle. « Ceux qui ont été fusillés, ils espéraient que ce qui allait leur survivre [soit] un monde de paix et de bonheur » assure Jean-Jacques Crespo, membre de l’association les amis de l’Ormée, animateur de la revue de l’Ormée et militant communiste. 

Le souvenir des fusillés de Souge possède une force impressionnante, résidant notamment dans la capacité de chacun de ces hommes à garder espoir. Ces 256 hommes, si différents (en âge, milieux, professions, religions et idées), pris pour cible par les nazis, auront, comme d’autres en France et au-delà, par leur croyance inébranlable en leurs idéaux, leur courage et intégrité, incarné la célèbre formule du romain Cicéron “Dum spiro, spero” (Tant que je respire, j’espère). 

Nous devons nous imprégner de l’espoir dont ils ont fait leur loi, pour comme eux, ne jamais renoncer à la liberté, le respect, la dignité et l’égalité entre tous.

Ce que Souge nous enseigne

À la lumière des tensions, voire violences qui s’immiscent et s’accentuent, dans le débat public en France, ainsi que des guerres par-delà nos frontières, il est urgent de souligner le sens de cette commémoration. 

Jacques Padie, qui a quant à lui perdu un membre de sa famille fusillé à Souge, membre de l’association du souvenir des fusillés de Souge, dix-neuf ans élu communiste à Blanquefort et à la métropole Bordelaise confie : « je suis un peu inquiet […] de voir le débat qui est très confus actuellement en France, la politique devient très violente. On ne peut pas agir dans un débat, en intelligence, sans que les gens s’emportent. »

Souge doit servir de témoignage de ce à quoi peut conduire la perte de raison dans les discours et les échanges, mais aussi la nécessité de débattre calmement et de façon constructive, de tenter de se comprendre, se respecter mutuellement pour construire une société vivable pour toutes et tous.

Le danger de l’intolérance 

S’il faut retenir une autre leçon des fusillades de Souge, c’est le péril que constitue tout courant de pensée reposant sur une volonté de marginalisation. « Les nazis […] avaient une idéologie d’exclusion, exclure ceux qui racialement n’étaient pas convenables, ceux qui ne pensaient pas convenablement […] ceux qui avaient des façons de vivre qui ne correspondaient pas aux critères nazis […] tous ceux qui ne pensaient pas dans leur ligne à eux il fallait les éliminer » rappelle Dominique Mazon, membre et chargée de recherches de l’association du souvenir des fusillés de Souge. Elle ajoute : « ceux qui veulent promouvoir des idéologies d’exclusion, ils sont plus que dangereux, ils sont à combattre ».

Réaffirmer la tolérance, comme valeur et condition essentielle pour permettre l’épanouissement de chaque individu ainsi que la vie collective, s’impose donc en un devoir de tous les jours. Parce qu’une société aux idées et façons de vivre uniformes, lisses et plates comme un lac n’existe pas, ce n’est que dans le respect de l’autre, dans ce qui nous sépare et ce qui nous unit, que nous pouvons faire émerger la démocratie.

Toujours résister

80 ans plus tard, la France est présentée comme terre de liberté. Ce n’est pas pour autant que cette dernière n’est pas menacée. Selon Jean-Jacques Crespo, « les Allemands étaient un peuple cultivé, c’était un peuple de savants, un peuple d’écrivains, de poètes, ce qui veut dire qu’aucun peuple n’est à l’abri de cette oppression… » 

Il est impératif de renoncer à la passivité et de conserver un esprit libre et éclairé pour lutter contre les discriminations (sexisme, racisme, homophobie, xénophobie…) et combattre toute institutionnalisation de la marginalisation qui pourrait revoir le jour.

Cependant, la lutte contre les idées fascistes et les politiques de haine ne doit pas seulement prendre racine en France, mais se tourner de même vers les peuples étrangers, victimes en ce moment même d’oppression. « C’est la mémoire, mais c’est aussi l’action aujourd’hui pour qu’il en soit autrement. C’est grave la situation aujourd’hui sur la planète […] ce n’est pas parce que c’est un peu loin de nous géographiquement qu’on n’est pas menacé » renchérit Michel, également militant communiste.

D’après lui, « faire élargir ces cérémonies pour engager les gens à lutter contre les événements [qui menacent les libertés] » est une des manières de combattre ces idéologies. Il y a une forte volonté de faire reconnaître Souge au-delà des milieux communistes, de la résistance. Ainsi, le musée d’Aquitaine, par exemple, avait organisé aux côtés de l’association du souvenir des fusillés de Souge une visite du mémorial le 20 octobre.

Alors, écoutons, évoquons, écrivons, chantons (tel que le fit la chorale de l’Ormée en ce jour) la mémoire des 256 fusillés de Souge et des autres millions d’hommes et femmes dont la vie fut injustement anéantie par l’idéologie nazie, de haine et de rejet de l’autre. Efforçons-nous de garder allumée la flamme de leur souvenir pour qu’elle éclaire notre présent. 


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