Samedi 25 novembre aura lieu la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Instaurée par l’ONU le 25 novembre 1999, cette date fut choisie en hommage à l’assassinat des trois sœurs Mirabal, des militantes féministes dominicaines condamnées par le chef d’État Rafael Trujillo.
Marquée par des manifestations et des ateliers de sensibilisation, cette journée vise à rappeler que les violences faites aux femmes résultent de la persistance de discriminations et d’inégalités entre les genres et représentent une violation des droits de l’Homme.
Ces violences s’expriment dans toutes les sphères de la société
Le 25 novembre 2017, le président E. Macron affirmait que les premières mesures de son gouvernement porteraient sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, afin de faire de l’égalité entre les hommes et les femmes « la grande cause du quinquennat ». Une volonté renouvelée lors de son second mandat. Pourtant, les dernières études officielles (Ministère de l’Intérieur, Ministère de la Justice, INED, INSEE) publiées entre 2022 et 2023 rapportent une augmentation nette des victimes de violences sexistes et sexuelles.
Six ans après cette promesse, quel bilan pour la lutte contre les violences faites aux femmes ?
À l’école, au collège et au lycée, l’un des principaux leviers dans la lutte contre les discriminations et les violences est l’éducation à la vie sexuelle et affective. Au-delà des enjeux hygiénistes (contraception, santé en matière d’IST), la découverte du respect, du consentement et la lutte contre les stéréotypes ont un impact important. Cette éducation permet de réduire les cas de harcèlement sexuel au sein des établissements, mais également de prévenir les violences tout au long de la vie des individus.
Elle donne des clefs pour ne pas reproduire de comportements violents, mais aussi pour savoir les reconnaître et s’en protéger. Alors qu’en primaire, 2 à 3 enfants pas classe sont victimes d’inceste, ces séances revêtent une importance évidente.
Fixées en 2001 à 21 séances obligatoires tout au long de scolarité, fin 2023, ce sont en moyenne 2,7 séances qui sont proposées au cours d’un cursus complet. Un chiffre alarmant qui s’explique par un manque cruel de moyens déployés pour former et accompagner un personnel spécialisé.
Le harcèlement sous toutes ses formes
Chaque femme a déjà subit une situation de harcèlement sexuel dans la rue. Sous couvert de drague, il peut prendre la forme de propos insistants, d’insultes, voire d’attouchements et représente une véritable violence. Même s’il peut paraître anodin, le harcèlement représente une négation du consentement de l’autre.
Une étude publiée par l’INED en 2017 révèle qu’en France, 100 % des utilisatrices de transports en commun ont déjà été victimes au moins une fois de harcèlement. Dans la rue, c’est 82 % des femmes de moins de 17 ans et 65 % des moins de 15 ans qui ont déjà été exposées à cette situation. Des chiffres loin de reculer.
Cette violence n’épargne pas le monde du travail. Encore très tabou il y a une quinzaine d’années, la parole se libère sur les situations de harcèlement au travail. En 2022, selon une enquête d’IPSOS, 62 % des Français interrogés jugeaient que le harcèlement au travail était plus répandu qu’il y a une dizaine d’années.
D’après l’Organisation International du Travail, en France, 52 % des femmes ont été victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu d’exercice. Un chiffre soupçonné d’être largement sous-évalué. Troubles du sommeil, anxiété, augmentation de la consommation de tabac et d’alcool, ces situations ont des conséquences directes sur la santé mentale et physique des salarié.e.s.
D’inégalités et inégalités
Au travail, le harcèlement sexuel s’ajoute à d’autres discriminations. Les femmes subissent toujours des inégalités salariales et des conditions différentes d’accès à l’emploi. Selon le Haut Conseil à l’Égalité, en 2022, 37 % des Françaises affirmaient avoir déjà vécu des discriminations sexistes dans leurs choix d’orientation professionnelle. Les femmes sont également deux fois plus nombreuses en sous-emploi que les hommes. 78 % des temps partiels sont occupés par des femmes.
Pourtant, des moyens existent. La mise en place de cellules de veille et d’information fonctionnelles, des campagnes de sensibilisation ainsi qu’une politique d’écoute des victimes doivent être instaurées.
Chez-soi n’est toujours pas synonyme de sécurité
Au cœur de la question des violences sexistes et sexuelles, se trouvent les violences domestiques. En effet, dans la sphère familiale non plus, les violences, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles, n’ont pas diminuées. Le Haut Conseil à l’égalité enregistrait entre 2020 et 2021 une augmentation de 21 % du nombre de victimes de violences conjugales. Dans son rapport de 2023, 15 % des femmes avaient déjà subi des coups portés par leur partenaire ou ex-partenaire.
Cette année, également, 37 % des Françaises déclarent avoir déjà subi une situation de non-consentement dans leurs rapports sexuels. Pour rappel, le consentement doit être libre et éclairé et l’insistance, le chantage ou la consommation de drogue ou d’alcool y représente une entrave.
Autre chiffre qui ne connaît pas de diminution, le nombre de féminicides. Avec 118 cas recensés en 2022, une femme continue de tomber tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. En août 2022, le Ministère de l’Intérieur témoignait d’une hausse de 14 % des « morts violentes au sein du couple » entre 2020 et 2021.
Une fois encore, on observe un manque de moyens financiers et humains. Afin de lutter efficacement contre ces violences, il est nécessaire d’améliorer les réponses du service judiciaire ainsi que de mettre en place une véritable prise en charge des femmes et de leurs enfants. Pour cela, l’État doit développer des hébergements publics et des centres d’accueil pour accompagner les victimes.
Prostitution, pornographie, des chiffres alarmants
L’abolition de l’industrie pornographique et de la prostitution constitue également un enjeu majeur. En France et dans le monde, ces phénomènes se basent sur la traite d’êtres humains et sur l’exploitation sexuelle. Cette industrie est aujourd’hui largement favorisée par les plateformes en ligne. En France, entre 30 000 à 44 000 femmes sont victimes de prostitution, dont 93 % d’étrangères. Parmi toutes ces victimes, 10 000 sont mineurs. Dans son rapport sur la prostitution, l’Inspection Générale des Affaires Sociales alertait sur l’« essor important » de nombres de mineur.e.s victimes de prostitution. En 2020, elles seraient quatre fois plus nombreuses qu’en 2016.
Afin de lutter contre la marchandisation des corps et la banalisation des violences sexuelles et au nom de la dignité humaine, des moyens importants doivent ici aussi être mis en place. Un véritable parcours de sortie et de réinsertion doit être financé, proposant un accompagnement médical, un logement social et la régularisation des sans-papiers. Aujourd’hui, le budget lié à la question est encore une fois amputé.
Des changements difficiles
Depuis la vague #MeToo, de plus en plus de mobilisations féministes voient le jour. Dans le monde politique aussi, le tabou autour des violences sexistes et sexuelles recule doucement, notamment grâce à la publication d’instructions et de rapports sur la question, de la parité en politique (HCE) au secteur de la pornographie (Sénat). Cependant, cette évolution est terriblement lente et les violences continuent de persister dans toutes les sphères de la société.
À l’étranger aussi, les droits des femmes connaissent un recul alarmant. Le recul historique du droit l’avortement aux États-Unis et en Europe constitue une menace pour la santé et la liberté des femmes. Dans le monde entier, les femmes sont les premières victimes des conséquences du changement climatique et des déséquilibres géopolitiques.
En France comme ailleurs, les pouvoirs publics peinent à se tenir à la hauteur des enjeux d’information, de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Des politiques adaptées doivent être instaurées afin de protéger efficacement les femmes, d’améliorer la performance des pouvoirs publics et agir durablement sur les mentalités.
Pour trouver des informations et de l’aide sur les violences sexistes et sexuelles.