Le bilan national de l’éducation à la vie sexuelle et affective dans les collèges et lycées

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Le bilan national de l’éducation à la vie sexuelle et affective dans les collèges et lycées

En 2001, la loi Aubry rendait pour la première fois l’éducation sexuelle obligatoire à l’école, au collège et au lycée. Elle prévoyait 3 séances annuelles à partir du CP. 

Pour renforcer cette décision, en 2017 a été lancée une Stratégie Nationale de Santé Sexuelle 2017-2030. Cette stratégie définie les orientations nationales prises par le gouvernement. Elles ont notamment pour but de « promouvoir la santé sexuelle chez les jeunes » ou « d’améliorer la santé reproductive et le parcours de santé en matière d’IST ». 

Concrètement, depuis 2018, la présence d’un « référent égalité » est obligatoire dans tous les lycées. En 2023, 100 % des jeunes devraient avoir reçu, tout au long de leur scolarité, une éducation de qualité à la vie affective et sexuelle et aux risques. Du côté des professionnels de santé, en 2030, 100 % d’entre eux doivent pouvoir être formés à ces questions. 

Fin 2023, où en sommes-nous ? 

Malgré le développement de formations initiales et continues et la mise à disposition de « fiches ressources », ce nouveau domaine d’éducation s’avère encore mal encadré. 

Le plus souvent, les cours sont dispensés par les professeurs de SVT, habitués à aborder les questions biologiques, mais pas à traiter des sujets tels que les violences sexistes et sexuelles ou encore de l’orientation sexuelle. 

Cette nouvelle exigence représente donc une charge supplémentaire pour les professeurs, alors que 40 % des enseignants du secondaire avouent se sentir délaissés par leur hiérarchie, d’après SOSEducation. 

Face à cette mauvaise organisation, les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’UNICEF France, en 2020, 65 % des 15-19 ans déclarent n’avoir eu aucune séance au cours de l’année scolaire précédente. La même année, le collectif #NousToutes révélait les résultats d’une grande enquête sur le sujet. 

En moyenne, les jeunes ayant fini leur scolarité n’ont eu que 2,7 séances d’éducation sur les 21 minimum prévues entre le collège et le lycée. Enfin, 7 jeunes femmes sur 10 indiquent que la notion de consentement n’a pas été abordée durant leur scolarité. Vis-à-vis des référents égalité, plus de deux lycées sur trois n’en avaient pas nommé. 

En mars dernier, le collectif Cas d’école(s), qui réunit le Planning familial, SOS homophobie et Sidaction, ont saisi le tribunal administratif de Paris pour « faire reconnaître la responsabilité de l’État dans le défaut de mise en œuvre » de la loi Aubry.

Pourquoi l’éducation sexuelle est-elle si importante ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous offre cette définition : « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en matière de sexualité, ce n’est pas seulement l’absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité. La santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sécuritaires, sans coercition, ni discrimination et ni violence ». 

Certes, l’éducation sexuelle permet de s’assurer que les jeunes sachent se protéger correctement, afin d’éviter la transmission de maladies et les grossesses non désirées. Mais au-delà de ces enjeux hygiénistes, l’éducation sexuelle est l’occasion d’apprendre à réellement connaître son corps et celui de l’autre sous un angle différent de celui de la pornographie, juchée de stéréotypes et de préjugés. Ces séances peuvent d’ailleurs permettre aux jeunes de se libérer des injonctions qui conditionnent leurs comportements. 

Alors que l’exposition des mineurs aux vidéos pornographiques a augmenté de 36 % ces 5 dernières années, et qu’on estime que 51 % des garçons de moins de 12 ans accèdent régulièrement à ces contenus, seulement la moitié des hommes de 15-24 estime que l’image des femmes véhiculée par la pornographie est problématique. Il est donc urgent que l’école devienne un lieu d’apprentissage des notions telles que la communication, l’écoute, le désir ou le consentement. 

Toujours selon #NousToutes, « aborder le consentement lors d’au moins une séance fait passer de 15 à 82 % la part des personnes qui disent connaître sa définition ». Loin d’être négligeable, l’éducation sexuelle se révèle être un levier essentiel de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, bien présentes chez les jeunes. 

En 2000, l’Enquête Nationale sur les Violences envers les Femmes en France a signalé que 20 % des violences qui apparaissent au sein du couple concernent les 20-24 ans. Selon une enquête d’En Avant Toutes, 9 femmes sur 10 déclarent avoir fait l’objet d’une pression pour avoir un rapport sexuel. 

Une stratégie nationale à revoir ?

En France, l’école représente un lieu majeur de l’apprentissage de la vie en société. Le système éducatif a un rôle déterminant à jouer pour prévenir les violences sexistes et sexuelles. 

Selon Cas d’école(s), l’éducation sexuelle offre « des compétences psychosociales essentielles pour développer l’autonomie, la confiance en soi, l’empathie et des relations saines et équilibrées avec autrui ». 

Pourtant, l’Éducation comme l’éducation sexuelle manque cruellement de moyens. 

Investir dans ce domaine se révèle de plus en plus urgent et pertinent. Le corps enseignant doit être mieux préparé à prévenir et à accueillir les difficultés des jeunes, mais ce n’est pas à lui que doit incomber la responsabilité de l’éducation sexuelle. 

Il est aujourd’hui nécessaire de former un personnel éducatif spécifique, capable de prendre le relais et d’apporter une éducation complète et inclusive, qui réponde aux attentes de notre génération.  


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