Le 10 août 2007 était promulguée la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) ou dite « loi Pécresse ». Un texte qui a profondément modifié le système universitaire français, et ce, notamment au sujet de sa gouvernance. Un thème qui pose un débat important sur la question de l’autonomie des facultés.
Libéraliser l’Université : Une priorité de l’agenda sarkozyste
Première loi du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la LRU répond avant tout à la volonté politique affichée à l’époque de rendre l’université française plus attractive, d’améliorer l’efficacité de sa gouvernance et d’augmenter la visibilité internationale de sa recherche. Tout ceci dans le sillage du processus européen de Bologne qui vise à uniformiser l’Enseignement supérieur au sein de l’UE.
Dans sa lettre de mission du 5 juillet 2007 adressée à Valérie Pécresse, à ce moment ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sarkozy énonce qu’il est “impératif que la France réforme son système d’Enseignement supérieur et de Recherche pour le porter au meilleur niveau mondial” et que la ministre a pour objectif de “mettre fin à l’inacceptable gâchis que représentent l’échec universitaire et l’inadéquation de nombreuses filières d’enseignement supérieur aux besoins du marché du travail”. On comprend vite, à travers les éléments de langage de Sarkozy, une volonté de libéralisation du paysage universitaire.
Le contenu de la loi LRU-Pécresse
Nouvelle section apposée au Code de l’éducation de 2000, le terme de “gouvernance” fait son apparition, obligeant les universités à modifier ou à adopter de nouveaux statuts. Les universités peuvent se doter de nouvelles responsabilités et compétences, notamment sur le plan budgétaire. Désormais, elle aura la possibilité de gérer l’intégralité de son budget, y compris la part destinée aux salaires. Effectivement, jusqu’à cette loi, l’université ne gérait que 25 % de son budget de manière autonome, les 75 % restants étant alloués par l’État. Ainsi, plane dorénavant sur le monde universitaire l’ombre de la logique de marché et de la concurrence.
Pour pouvoir légiférer de manière autonome, il faut bien évidemment accaparer les espaces de décisions. La loi prévoit dans ce sens de limiter la démocratie universitaire en réduisant le nombre de membres des Conseils qui régissent le fonctionnement des établissements. L’article L712-3 du Code de l’éducation prévoit de doter les CA de “vingt-quatre à trente-six membres”, et ce, alors qu’avant le nombre de membres oscillait entre 30 et 60. Sur ce sujet, l’UEC dénonçait un “affaiblissement de la démocratie universitaire”. La place du président se voit aussi transformée. Ce dernier est désormais élu à la majorité absolue par les membres élus du conseil d’administration, et non plus par l’ensemble des trois conseils statutaires. D’autre part, il dispose de nouvelles capacités directionnelles, telles que l’attribution de primes au personnel ou la possibilité d’embaucher en CDD ou en CDI du personnel pour des fonctions purement universitaire (enseignement, recherche). En outre, les contrats précaires, évidemment préférés par les directeurs d’établissement, remplaceront à terme le statut de la fonction publique.
Quel bilan ?
Le 31 août 2017, la CGT FERC Sup publiée une notice pour les 10 ans de la loi qui présentait un bilan “assez mitigé” de cette dernière. La loi LRU, en figeant les budgets des universités sans tenir compte ni du glissement vieillesse-technicité ni de l’accroissement du nombre d’étudiant-es, a créé une machine qui étrangle et asphyxie les universités, les amenant à geler leurs postes pour fonctionner. Paramètre qui favorise, sans aucun doute, la précarisation de plus en plus forte des étudiant-es.
De plus, en accordant une autonomie budgétaire aux universités, ces dernières ont la possibilité de lever des fonds privés. Les entreprises ont un droit de regard sur le contenu des diplômes. Les programmes se voient être de plus en plus orientés vers les besoins immédiats du marché du travail. Les critères pédagogiques des entreprises étant restrictifs, celles-ci auront tendance à ne financer que les filières directement rentables pour elles. À l’image des programmes universitaires en Économie qui sont presque exclusivement tournés vers la gestion d’entreprise et le management, laissant de côté toute remise en question du système de production actuel. Cela provoque, et on le voit, le désengagement financier progressif de l’État, ce qui favorise la concurrence entre les universités, les filières et, par conséquent, entre les étudiant-es.