Comment le RN tape sur les pauvres

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Comment le RN tape sur les pauvres

Selon un rapport de la Fondation Jean Jaurès, près de 53 % du socle ouvrier a choisi la liste conduite par Jordan Bardella le 9 juin dernier, soit une augmentation de 13 points depuis les dernières élections. Cette évolution est également observable chez les personnes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat. 47 % d’entre elles ont voté en faveur du RN, soit +14 points par rapport aux dernières élections.

Pour séduire et conserver cet électorat populaire, le RN tente de maintenir le flou sur son programme économique. Et pour cause : quand on s’y penche, on découvre un projet dangereux et incohérent.

Le grand renoncement des retraites

Le 11 juin dernier, Éric Ciotti, président des Républicains (LR), a annoncé vouloir construire avec le parti de Marine Le Pen une coalition lors de ces législatives. Cette alliance, fruit de la tentative de Jordan Bardella d’absorber la droite dite “classique”, ne fait que souligner les points d’entente entre les deux partis.

Dans son programme pour la présidentielle de 2021, Éric Ciotti défendait des mesures ultralibérales telles que la retraite à 65 ans, la fin des 35 h ou encore une coupe de 100 milliards d’euros dans les dépenses publiques.

Le rapprochement des deux forces politiques s’est traduit immédiatement après la déclaration de Ciotti par le retournement de veste de Bardella sur la réforme des retraites. Alors qu’il avait fait de la suppression de cette réforme de 2023 un argument de campagne, il a balayé la question d’un journaliste sur le sujet avec un “nous verrons”, rappelant une situation économique “compliquée”, quelques instants avant l’annonce du président LR.

Augmenter les salaires en diminuant les retraites

Pour augmenter les salaires, la principale proposition du RN consiste à supprimer une partie des cotisations sociales, de manière à ce que l’augmentation des rémunérations ne représente pas de coûts supplémentaires pour les employeurs. Une mesure ultralibérale qui s’inscrit dans le prolongement de la casse de notre système de protection sociale amorcée par Macron.

Les économistes de l’Institut Montaigne chiffrent à 10 milliards le manque de recettes de la Sécurité sociale qui résulteraient de cette réforme, alors qu’elle peine déjà à répondre aux besoins de la population. Pour accéder aux soins, il faudra alors payer une assurance complémentaire de sa poche. Cela entraînerait une baisse globale du pouvoir d’achat, particulièrement violente pour les petits salaires.

Les maladies sont sans frontières

Autre proposition qui concerne la santé : la suppression de l’Aide Médicale d’État, inscrite dans le programme de Marine Le Pen depuis 2022. Le RN lui reproche d’être trop coûteuse et d’alimenter les flux migratoires. Pourtant, un grand nombre de spécialistes considèrent que cette solution n’est pas viable. Yann Bourgueil, ancien directeur de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé affirme que “le coût risque au contraire d’augmenter, car ses bénéficiaires, sans accès à la prévention et au médecin traitant, se présenteraient dans les hôpitaux avec des pathologies plus lourdes que s’ils avaient pu être soignés plus tôt”.

Parce que les microbes n’ont pas de nationalité, cette mesure soulève également des enjeux de santé publique. En Espagne, où l’accès gratuit aux soins pour les étrangers a été supprimé en 2012, on observe une hausse des maladies infectieuses et une augmentation de la mortalité dans la population.

Pas de nouvelle répartition des richesses

En 2023, pour la troisième année consécutive, les entreprises du CAC 40 ont dépassé les 140 milliards d’euros de profits. En France, en 2011, les 10 % les mieux dotés possédaient 40 % du patrimoine total brut des français. En 2021, ce chiffre est passé à 47 %. Sur la même période, la part détenue par les 10 % les plus pauvres est passée de 9,4 % à 7 %.

L’argent ne manque pas : il est inégalement réparti. Pour augmenter les salaires, le pouvoir d’achat et disposer de services publics de qualité, il faut mettre à contribution les grandes entreprises et les Français les plus riches, dont le patrimoine économique et financier augmente chaque année. C’est ce que le RN refuse de faire, tout comme Emmanuel Macron refuse de le faire depuis 2017.

Préserver le patrimoine des plus riches

À son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron avait supprimé l’impôt sur la fortune (ISF) pour le remplacer par l’impôt sur la fortune immobilière. Il s’agit d’une taxe de 0,5 % sur les biens immobiliers de 1,3 million d’euros. Elle s’élève, au maximum, à 1,5 % pour les patrimoines immobiliers de plus de 10 millions d’euros. Un impôt minime au regard de l’augmentation des plus grandes fortunes du pays sur les dernières années.

Pourtant, en 2023, il a permis de rapporter 1,9 milliards d’euros aux caisses de l’État. Cet impôt, le Rassemblement national souhaite le supprimer depuis 2022. Marine Le Pen s’était justifiée dans Le Parisien, accusant un impôt qui taxe “le fait pour les français d’être propriétaires du patrimoine immobilier Français”. Pourtant, l’Observatoire des Inégalités montre que moins d’1 % des Français détiennent un patrimoine supérieur à 1,3 millions d’euros. 

En somme, le Rassemblement national, qui se fait défenseur du pouvoir d’achat, ne serait au pouvoir que le prolongement de la politique macroniste. La misère continuera à prospérer, et la bourgeoisie à se gaver. Merci patron !


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