C’est quoi l’État de droit ? 

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C’est quoi l’État de droit ? 

Depuis sa condamnation pour détournement de fonds publics, Marine Le Pen multiplie les attaques, dans la presse, sur les réseaux sociaux et désormais dans la rue, contre une prétendue « tyrannie des juges ». La rhétorique complotiste du RN trouve un parfait écho outre-atlantique. Elle consiste à opposer à la souveraineté populaire, un hypothétique « gouvernement des juges ». 

Qualifiant cette décision de « politique », la présidente du RN affirme que les juges ont « bafoué l’État de droit ». Cela, sans prendre la peine de définir cette notion désormais omniprésente dans le discours politique.

Une garantie démocratique

La notion d’État de droit est classiquement résumée par une formule : la soumission de la puissance publique au droit. Un tel énoncé permet d’emblée de comprendre dans quelle logique s’inscrit l’État de droit : la protection de tous et de chacun contre l’arbitraire du pouvoir, a fortiori du pouvoir politique. 

L’origine doctrinale de l’État de droit, en Occident, renvoie à la fois aux travaux des juristes allemands de la fin du XIXe siècle et aux valeurs héritées de la Révolution française. Il repose sur plusieurs piliers, qui constituent un véritable socle de valeurs démocratiques.

Même s’il ne s’y résume pas, l’État de droit suppose le respect de la hiérarchie des normes. C’est-à-dire que la conformité de chaque norme juridique vis-à-vis des normes qui lui sont supérieures doit être assurée. Ainsi, un acte préfectoral ne peut pas violer la loi, qui elle-même ne peut pas violer la Constitution. 

L’État de droit implique également le respect de la séparation des pouvoirs. C’est ce qui permet, selon les termes de Montesquieu, que « le pouvoir arrête le pouvoir ». Ce principe va de pair avec l’indépendance de la justice. 

Mais l’État de droit ne saurait se résumer à ces deux aspects, puisqu’il a évolué vers une prise en compte accrue des droits et libertés fondamentaux des individus. Il revêt donc à la fois une dimension formelle et une dimension substantielle, indissociables.

L’État de droit repose donc à la fois sur un rapport entre l’État et les individus qu’il « gouverne », un rapport dans lequel l’État se soumet à un régime de droit, et sur le nécessaire respect des droits et libertés fondamentaux et de l’égalité de tous devant la loi. La soumission de l’État au droit est justement l’une des conditions du respect desdits droits et de l’égalité devant la loi. 

Opposer l’action des juges à la souveraineté populaire revient donc précisément à nier l’indéfectible lien entre la soumission de la puissance publique au droit et la souveraineté du peuple. Au-delà du fait que les juges exercent les missions qui leur ont été confiées par les représentants du peuple, ils sont également garants de l’égale application de la loi à tous. Si les juges ne peuvent plus veiller à l’application du droit, comment garantir que la loi votée démocratiquement sera respectée ? 

Le RN, mensonges et faux-semblants 

Les juges qui ont condamné Marine Le Pen ont entendu toutes les parties et respecté les peines prévues par la loi concernant le délit de détournement de biens publics. Ils ont également motivé leur jugement, que la présidente du RN est par ailleurs libre de contester par voie d’appel. 

En s’attaquant à l’indépendance de la justice, à l’impartialité des juges et à leur capacité à appliquer la loi votée, l’extrême droite révèle une fois encore sa véritable nature. Une nature loin des réelles préoccupations des défenseurs de l’État de droit et de la démocratie populaire. 

Certes, toute critique du fonctionnement de la justice n’est pas illégitime. La réalisation concrète de l’État de droit dépend en effet en grande partie de l’état d’un service public. Renforcer les moyens de la justice et la formation des magistrats serait une véritable voie d’action pour lutter, pour le respect de l’État de droit. 

A ceux qui opposent, abstraitement, la démocratie au droit, il s’agit de répondre que le second constitue l’une des conditions de la première. L’État de droit a été consacré, en premier lieu, par le peuple lui-même, qui a su reconnaître en lui le garant de sa souveraineté. 


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