5 citations de Jaurès sur la paix et la fraternité entre les peuples

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5 citations de Jaurès sur la paix et la fraternité entre les peuples

Le 31 juillet 1914, Jean Jaurès est abattu au Café du Croissant dans le 2ᵉ arrondissement de Paris. En tirant à deux reprises sur le dirigeant socialiste depuis la rue Montmartre, Raoul Villain accéléra à n’en pas douter la marche vers la guerre, déclarée seulement trois jours plus tard, le 3 août 1914. 

L’engagement pacifiste de Jaurès, prédicateur jusqu’à son dernier souffle de l’unité prolétarienne internationale, l’a exposé à la vindicte du nationalisme ambiant.

À l’occasion des 110 ans de son assassinat, L’Avant-Garde revient aujourd’hui sur cinq citations de la figure historique de la gauche française en faveur de la paix et de la fraternité entre les peuples. Des mots qui résonnent encore aujourd’hui, alors qu’on entend toujours gronder l’orage aux quatre coins du globe.

Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage.

Il s’agit sans doute de l’une des citations les plus connues de Jean Jaurès. Tirée de l’un de ses grands discours devant la Chambre des députés, daté du 7 mars 1895, elle exprime précisément que, par sa nature même, le système capitaliste conduit irrémédiablement au conflit armé. 

L’ordre bourgeois ne repose sur autre chose que sur la compétition à mort des possédants, notamment dans le cadre d’ouvertures sur de nouveaux marchés, ne pouvant aboutir qu’à  la brutalité de l’affrontement. Ce sont pourtant toujours les travailleurs qui paient les peaux cassées de cette concurrence bourgeoise internationalisée. Ce sont 20 millions de travailleurs qui s’entretuèrent de 1914 à 1918, et ce, dans le seul intérêt de la classe dominante.

Il n’y a plus qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes, et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.

Cette citation de Jaurès est tirée de sa toute dernière intervention publique, le 25 juillet 1914 dans la salle Vaise à Lyon, où il était venu soutenir Maurice Moutet, candidat socialiste à une législative partielle. Il exprime ici sa lucidité, sa clairvoyance quant à l’approche du conflit mondial à venir, mais aussi quant à son ampleur puisqu’il le qualifie déjà d’“horrible cauchemar”. Jaurès estime que seule la fraternité des peuples pourra empêcher la guerre d’advenir.

Il n’est de loi de la guerre qu’aucune action prolétarienne ne peut fléchir.

Le 9 juillet 1905, Jaurès était censé s’exprimer à Berlin, devant les socialistes allemands. Il comptait alors prôner la solidarité internationale de la classe travailleuse et des peuples frères, afin d’enrayer la machine de guerre en marche et le jeu mortifère des alliances militaires. 

Cependant, il lui est interdit en dernière minute de franchir le Rhin. Son discours, jamais prononcé, fut publié dans L’Humanité. Pour Jaurès, seule la fraternité des travailleurs peut à terme les empêcher de s’entretuer sur le front. Les jours qui précédèrent son assassinat, Jaurès prévoyait d’ailleurs d’impulser une grève générale des prolétaires internationaux face à la guerre et aux bourgeoisies nationales belliqueuses. 

La solidarité ouvrière permet toujours d’endiguer les conflits. Le 6 novembre 2023, les dockers catalans de l’OEPB, syndicat majoritaire sur le port de Barcelone, ont par exemple décidé de bloquer toute activité liée au transport de matériel de guerre à destination d’Israël.

C’est qu’au fond, il n’y a qu’une seule race : l’humanité.

Extraite de son discours prononcé lors du Congrès socialiste international à Amsterdam en 1904, cette grande citation de Jaurès s’oppose frontalement au concept de race, souvent utilisé pour justifier la violence, la discrimination et la guerre. Pour lui, les travailleurs de tous les pays forment un tout, une “humanité” (nom que le député du Tarn choisit de donner à son quotidien). Une phrase forte qui, une fois de plus, plaide en faveur de la fraternité des peuples, et fait largement échos à l’engagement de Jaurès contre la colonisation, un sujet qui clivait pourtant beaucoup à gauche. La grande figure du socialisme français était également l’un des plus ardents défenseurs du capitaine Dreyfus au cours de l’affaire (1894-1906) qui révéla un antisémitisme infusé dans toutes les couches de la Nation française.

Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène.

Tirée de son discours prononcé devant la Chambre des députés le 30 juin 1903, cette citation de Jaurès tend à réconcilier deux notions qui paraissent souvent antagonistes : d’une part l’attachement à la Nation, à la République française, sociale et bientôt laïque (et Jaurès n’y sera d’ailleurs pas pour rien), et d’autre part à la solidarité internationale, prolétarienne. 

Il s’inscrit dans une continuité jacobine tendant à revêtir à la Nation un caractère profondément progressiste, révolutionnaire. Jaurès se fait ici le défenseur d’un patriotisme éclairé, solidaire de tous les peuples, pacifiste. C’est parce que Jaurès aime la France et l’idée qu’il se fait de la République qu’il ne veut pas voir les travailleurs français et européens se déchirer. 

Pour lui, l’internationalisme n’est pas une négation de la Nation, bien au contraire, l’internationalisme réel reconnaît la valeur des Nations, travaille à leur coopération et à la paix. Historien de la Révolution française, Jaurès est attaché à une conception universaliste de la République. Pour lui, la Patrie n’est pas une couleur de peau ou une religion, c’est un indéfectible attachement aux valeurs révolutionnaires de Liberté, d’Égalité, de Fraternité des peuples et de justice sociale.


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