Un risque « France Télécom » à la Banque de France ? 

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Un risque « France Télécom » à la Banque de France ? 

Le suicide de deux agents du fiduciaire pose question sur l’état du secteur. 

Au cours du mois de juin 2023, deux salariés de la Banque de France ont mis fin à leurs jours. L’un d’eux explique dans une lettre que son geste était motivé par la dégradation des conditions de travail dans l’institution. Les deux agents travaillaient dans la filière du fiduciaire (en charge de la gestion des billets et des pièces), un secteur sous tension depuis de nombreuses années. 

Fermeture de caisses, suppressions de postes… Le secteur du fiduciaire dans l’incertitude

En janvier 2021, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a annoncé la fermeture progressive de 13 caisses de tri des billets sur les 37 restantes en France. Leur nombre avait déjà été divisé par deux depuis 2010. C’est un coup dur de plus pour les agents du fiduciaire, en pleine réforme des retraites, alors que la suppression du régime spécial de la Banque de France est également actée. 

Ainsi, pas moins de 130 postes devraient être supprimés en France avec ces nouvelles fermetures, sans compter une cinquantaine d’autres affectés aux opérations et contrôle de ces caisses, selon l’intersyndicale. 

En tout, la Banque de France a réduit de 25 % son effectif depuis 2015. Une situation d’incertitude pour les salariés de l’institution. Un rapport de 2021 affirme que quatre salariés sur dix indiquaient être en situation de stress dû à la dégradation des conditions de travail. 

À cela, s’ajoute le report incessant par la direction du projet « Refondation », pour la modernisation de l’imprimerie de billets de la Banque de France, actuellement située dans une usine vétuste et dangereuse, comme l’a prouvé son incendie de février 2022. 

Une situation et des conditions insupportables pour les salariés, qui se sont mobilisés depuis plusieurs mois, notamment fin juin à Paris, en présence, entre autres, du député communiste André Chassaigne. 

L’horizon inquiétant d’une vision néolibérale

Avec l’excuse de l’abandon des billets par la population, la Banque de France offre en réalité la sous-traitance du stockage et du tri des billets aux entreprises privées Brink’s et Loomis. 

Ainsi, pour une caisse Banque de France fermée à Brest, deux centres forts privés ouvrent en Bretagne. Un système que la direction de l’institution souhaite poursuivre, avec de nouvelles fermetures en prévision. Concrètement, ce sont les missions régaliennes d’une banque centrale qui se retrouvent dans les mains du secteur privé, avec seulement un droit de contrôle et non plus d’exécution. 

Dans un communiqué de presse unitaire, l’intersyndicale rappelle que « la monnaie est un bien commun qui doit être géré par une institution publique dans le cadre d’un service public en pleine capacité de répondre aux besoins de nos concitoyens, quelles que soient leurs préférences en matière de moyens de paiement ou leur situation financière propre. ». 

Elle rappelle donc les enjeux de la souveraineté et de la stabilité économique, en opposition aux règles communautaires de l’Union européenne qui tendent à séparer les banques centrales des pouvoirs publics, dans un contexte de crise économique qui rappelle la fragilité de cette institution. 


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