Le 15 octobre 1987, la fin d’une brillante révolution.
Trente-quatre ans. Le 15 octobre 1987, c’est une date qui reste dans la mémoire de tous les révolutionnaires et défenseurs du panafricanisme. Alors que le Burkina Faso a réussi sa révolution, Thomas Sankara est assassiné par un commando au siège du conseil national de la révolution au cœur de la capitale burkinabè.
Le gouvernement révolutionnaire est à la tête du pays depuis quatre ans.
Les écoles et les dispensaires se sont multipliés dans le pays. La vaccination s’est développée limitant la mortalité infantile. La lutte écologique contre la désertification est importante. Les femmes deviennent de plus en plus considérées dans une société qui interdit définitivement par ailleurs l’excision et qui permet à certaines d’entre elles d’accéder à des places importantes au sein de l’Etat.
L’économie du Burkina Faso ne s’est jamais aussi bien portée grâce à une politique d’auto-suffisance loin des pays voisins toujours soumis économiquement aux productions des pays européens.
34 ans d’attente pour la justice
Trente-quatre ans, c’est le temps qu’il aura fallu à la justice du pays pour faire comparaître les principaux responsables de cet assassinat devant les tribunaux.
Quatorze accusés dont Blaise Compaoré, ancien président du pays et ancien compagnon d’armes de Sankara qu’il aurait fait exécuter, mais aussi Hyacinthe Kafando, leader de ce commando qui est rentré dans le bâtiment ce jour d’octobre 87 pour mettre un coup d’arrêt définitif à l’idée d’une Afrique qui ne subirait plus l’impérialisme occidental.
Par ailleurs, si l’assassinat de Thomas Sankara a longtemps été relié à une fatigue de la population de la révolution par les instances françaises et burkinabè, c’est en réalité un tout autre enjeu qui a provoqué la fin du leader burkinabè.
Dans une Afrique des années quatre-vingt subissant une domination impérialiste extrêmement importante, endettée auprès des anciens pays colonisateurs, Thomas Sankara tranche clairement avec les autres dirigeants africains.
Sankara est porté par une révolution populaire lassée autant de l’incapacité des anciens dirigeants nationaux à augmenter le niveau de vie de la population que de leur prédisposition à la corruption.
Menant une vie simple, il lutte ardemment contre la corruption au sein du pays en mettant en place une politique de rigueur au service du développement de la société et des classes prolétaires alors particulièrement rare sur le continent africain en mettant en avant la contribution du peuple à tous les étages du pays.
Surtout, il n’hésite pas à tenir tête à l’ancienne puissance colonisatrice du pays, la France, refusant même de rembourser François Mitterrand lors d’une de leur rencontre.
En juillet 87, il ira même plus loin en soulignant l’importance que tous les autres pays africains de ne paient pas leur dette aux pays européens pour pouvoir s’offrir un avenir commun.
Un procès limité par son cadre national
Le procès de l’assassinat du « Che Guevara africain » revient donc à obtenir une forme de justice pour le peuple burkinabè qui a subit vingt-sept ans de règne de Blaise Campaoré, vingt-sept ans d’un retour à la vie d’avant.
Le meurtre n’étant souligné que sous un aspect national, on en oublie l’aspect international, on le balaie sous le tapis comme s’il s’agissait d’une poussière qu’on ne saurait voir, on oublie la participation de l’Etat français impérialiste à la chose.
Un Etat français qui avait évidemment intérêt à éviter qu’un élan de panafricanisme ne saisisse toute l’ancienne Afrique française sur lequel le colonialisme s’exerçait et s’exerce encore. Le procès s’est ouvert à quelques jours du vingt-huitième sommet France-Afrique, à Montpellier, lieu de résidence de la veuve de Thomas Sankara, présidé par le président Emmanuel Macron.
On oublie aussi le soutien des dirigeants des pays africains voisins, dont la Côte d’Ivoire qui protège encore aujourd’hui Compaoré, corrompus qui voyaient d’un mauvais œil le risque du développement d’une révolution similaire dans leur pays.
Il y a trente-quatre ans, le 15 octobre 1987, Thomas Sankara rejoignait Patrice Lumumba, Felix-Roland Moumié, Barthélemy Boganda ou encore Ruben Um Nyobe à la longue liste des figures mythiques de cette Afrique qui lutte contre l’impérialisme pour trouver son propre chemin.