Télétravail : quels avantages et pour qui ?

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Télétravail : quels avantages et pour qui ?

Ce mardi 12 mars, l’association pour la formation et l’emploi des cadres (Apec) a publié une étude qui révèle que 45 % des sondés démissionneraient si le télétravail était supprimé. L’essor de cette pratique, généralisée avec la pandémie de Covid-19, semble convenir à une large partie des salariés.  

Des avantages clairs…

Le télétravail présente des avantages majeurs, a fortiori pour les salariés vivant loin de leur lieu de travail. Compte tenu de l’offre de transport, qui tend à se dégrader, et des loyers qui flambent dans les grands centres urbains, avoir un ou deux jours dans la semaine sans avoir à se déplacer est alléchant. Aussi, pour des tâches individuelles ne nécessitant qu’un ordinateur et une connexion internet, pouvant donc être réalisées chez soi, se rendre au bureau présente un intérêt moindre, et une éventuelle perte de temps sur la journée. L’étude réalisée par la CGT va dans ce sens : 92 % des salariés interrogés vivent bien ou très bien leur télétravail. 82 % invoquent les motifs de la recherche d’un meilleur équilibre vie pro/perso, et 72 % la recherche d’une meilleure concentration. Le télétravail semble ainsi participer à une amélioration des conditions de travail.

… mais une pratique à encadrer

Néanmoins, la même étude révèle que les salariés pointent des limites au télétravail. Ainsi, près de la moitié des sondés estime que cette pratique freine l’intégration des nouvelles et nouveaux salariés, et 40 % y voient un brouillage entre vie professionnelle et vie personnelle.

L’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens (UGICT, fédération syndicale des cadres de la CGT) a ainsi créé un observatoire du télétravail en janvier 2023. Les résultats de sa première étude parue en décembre sont édifiants : 55 % déclarent qu’il n’y a pas de dispositif d’évaluation du temps de travail, et plus des trois-quarts n’ont pas de droit à la déconnexion. Les salariés peuvent ainsi être dérangés sur leur temps libre par leur entreprise. Il est donc urgent d’encadrer la pratique du télétravail pour que la journée de travail soit effectivement limitée aux horaires prévus par les contrats.

Une pratique majoritairement féminine

Le même rapport de l’UGICT-CGT dévoile le profil type du salarié en télétravail : il s’agit d’une salariée, âgée de 30 à 39 ans. Avec une majorité nette, s’élevant à 57 %, les femmes sont les premières à recourir au télétravail. Ce chiffre doit être observé dans un contexte où le travail domestique est encore très largement assuré par les femmes, dont plus de la moitié consacrent au moins deux heures par jour aux tâches domestiques, contre 20 % des hommes.

De la même manière, le temps consacré aux enfants est bien plus important pour les femmes que pour les hommes. Dans ces circonstances, la pratique majoritairement féminine du télétravail peut correspondre à un prolongement des inégalités femmes-hommes liées à la répartition des tâches au sein du foyer.

Un impact sur le lien social ?

Puisque les métiers éligibles au télétravail sont surtout des tâches de direction et d’administration (on ne répare pas une caténaire depuis son canapé), les salarié.es dont la présence physique est nécessaire se retrouvent sans interlocuteur pour régler des problèmes. La direction s’éloigne de l’exécution, les liens se distendent.

Pour les métiers de cadres et d’administratifs, le télétravail individualise la production. Le salarié est seul face à son ordinateur, seul pour exécuter ses tâches, et loin de collègues susceptibles de lui apporter conseils et soutien. Le travail en tant que vecteur de liens sociaux est ainsi fragilisé.

Par ailleurs, le rapport de l’APEC pointe le fait que l’intégration des nouvelles et nouveaux salariés est plus compliquée du fait du télétravail. Avec des lieux de travail éclatés, la discussion et le tissage de liens sont freinés, ce qui n’est pas sans conséquences non plus pour le travail syndical. Il est ainsi plus compliqué pour les représentants syndicaux de maintenir le lien avec des salariés qui ne sont pas physiquement présents dans les locaux de l’entreprise. Selon le rapport de la CGT, 65 % des syndiqués déclarent peiner à garder le lien avec les salariés en télétravail. Cela participe d’une destruction des corps intermédiaires mettant le salarié seul face au patron.

Se prémunir des risques

L’encadrement du télétravail doit donc devenir une priorité, tant le phénomène s’ancre durablement dans la pratique. Le droit à la déconnexion doit être respecté, de même que la durée de la journée de travail. Il faut également prendre toutes les mesures incitatives possibles pour que les hommes assument leur part du travail domestique afin que le télétravail ne soit pas l’occasion d’inégalités et d’exploitations supplémentaires pour les femmes. Le télétravail doit, par ailleurs, toujours émaner de la volonté du salarié, car tout le monde ne bénéficie pas d’un foyer propice au travail, que ce soit du fait d’un environnement bruyant ou d’un manque de matériel. Enfin, il ne doit pas être un prétexte pour supprimer les espaces de convivialité qui participent du bien-être au travail. 


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