Dans le but de flatter le patronat, Marine Le Pen présentait le jeudi 29 février, dans les colonnes des Échos, son nouveau plan électoral en vue des élections européennes de juin.
Jordan Bardella, célèbre eurodéputé pourtant invisible à Strasbourg, et que la plupart des sondeurs classent en tête des intentions de vote, a affiné cette ébauche de programme libéral et xénophobe lors du premier grand meeting de campagne du RN à Marseille le 3 mars dernier.
Entre vide social et plein libéral
La « stratégie tricolore » a vocation, selon Jordan Bardella, « à tout régler sans rien détruire », et certainement pas l’Europe libérale, qui ne profite qu’à la classe dominante, et de plus en plus particulièrement aux marchands de canons. Si le parti prétend aspirer à la souveraineté énergétique et s’oppose à l’élargissement de l’Union, il ne formule toujours, en réalité, aucune opposition au marché unique, qui facilite la fuite de notre industrie et le dumping social.
Le plan du RN est par ailleurs vide de toute mesure sociale. Il ne reste aucune trace du vernis que constituait l’engagement de façade de Marine Le Pen pour nos retraites. Elle affirmait pourtant en 2021 qu’elle continuerait de défendre le départ à taux plein à 60 ans et les 40 annuités.
Ce pseudo-programme fustige tout du long la dette publique et le « quoiqu’il en coûte » d’Emmanuel Macron, s’appropriant volontiers une rhétorique libérale comme jamais Marine Le Pen n’était allée jusqu’à le faire auparavant.
Diviser les travailleurs pour mieux les exploiter
Le plan présenté par le parti passe par une « stratégie tricolore », s’inspirant directement de la logique des feux de circulation. Ainsi, certains dossiers européens sont désignés comme « verts », n’étant pas à réformer, « orange » si les conditions sont à revoir et « rouge » lorsqu’ils nécessiteraient une véritable remise en cause.
Le RN, qui osait déjeuner avec l’extrême-droite allemande le jour même de la panthéonisation du résistant communiste et étranger Missak Manouchian, tombé sous les balles nazies en 1944, classe notamment parmi ces « dossiers rouges » la question de l’immigration, en remettant en cause la libre circulation des individus au sein même des États membres et de Frontex, l’agence européenne chargée de la gestion des frontières extérieures de l’espace Schengen. Rien de neuf, donc.
La « stratégie tricolore » prétend même vouloir « lutter contre les plaies que constituent dans nos dépenses l’immigration massive et la fraude sociale », accablant les plus précaires, indépendamment de leur nationalité. Aucun mot sur la fraude fiscale, qui vide les caisses de l’État (la fraude fiscale étant jusqu’à vingt fois plus coûteuse pour les collectivités publiques que la fraude sociale, selon la Cour des comptes en 2019).
En finalité, ce plan libéral et xénophobe, s’il venait à être appliqué en Europe, favoriserait davantage encore la classe dominante au détriment des travailleurs, immigrés comme français. Ainsi, ni les ouvriers en proie à la désindustrialisation, ni les agriculteurs (dont les suicides étaient moqués par le député RN Julien Odoul en 2019), tous victimes du libre-échange et de l’austérité, n’ont intérêt à une victoire du parti.
De « l’antisystème » à la main tendue vers la bourgeoisie
Le véritable visage du parti n’est pas nouveau. Nous savons que les députés RN ont déjà voté à l’Assemblée pour la baisse des cotisations sociales qui financent notre protection, mais aussi contre l’augmentation du SMIC, la hausse des salaires, le blocage des prix, la taxation du capital (nous en passons et des meilleures).
La nouveauté est cette « stratégie tricolore » qui s’assume pleinement, rompt avec la symbolique « antisystème » dont jouait Marine Le Pen jusqu’à présent, au profit d’une nouvelle image plus policée, garantissant déjà les intérêts du grand patronat en vue de sa volonté d’accéder à la présidence en 2027.
Face à un libéralisme « traditionnel » affaibli par son bellicisme et les crises successives qu’il a lui-même provoqué au cours des dernières années, l’extrême droite française occupe de plus en plus l’espace en donnant des gages à la classe dominante.
Aujourd’hui, l’importance prise par le groupe « Identité et démocratie » (extrême droite) au Parlement européen se conjugue avec l’acceptation des élites européennes de l’émergence d’une force réactionnaire et libérale. Qu’importe la guerre menée par les gouvernements de Meloni et d’Orban contre les droits des travailleurs, des femmes, des étrangers et des minorités sexuelles, pourvu que le carcan libéral et bourgeois de l’Union européenne soit sauvegardé.
Le RN s’inscrit dans cette internationale réactionnaire, autoproclamée anti-système, mais progressant sous le regard approbateur de la Commission et de la BCE, rassurées par leur adhésion à la guerre de classe menée par la bourgeoisie européenne.
Il reste aux travailleurs la tâche de s’organiser pour éviter le pire, et d’opposer le socialisme à la barbarie.