Nombreux sont ceux à s’être indignés suite à l’annonce de la participation du Rassemblement national à la marche contre l’antisémitisme le dimanche 12 novembre dernier. Et pour cause, il semble déplacé – et c’est peu de le dire – pour le parti d’extrême-droite, fondé par d’anciens collaborateurs (comme François Brigneau et Gabriel Jeantet) et même combattants de la Waffen-SS (comme Pierre Bousquet et Léon Gaultier), dirigé pendant quarante ans par un homme (Jean-Marie Lepen) qui qualifia les chambres à gaz de « détail de l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale », d’oser marcher aujourd’hui contre la persécution galopante des Juifs.
Pour justifier la présence du RN à la marche, Jordan Bardella, eurodéputé et président du parti depuis 2022, se laissa affirmer à plusieurs reprises que Jean-Marie Lepen « n’était pas antisémite » avant de revenir sur ses propos.
Revenons aujourd’hui sur le parcours de ce jeune eurodéputé, propulsé à vitesse grand V au sein des instances du RN dont il est aujourd’hui à la tête, et qui sera une fois de plus en première position sur la liste du parti aux élections européennes de 2024.
Jeunesse et premiers engagements
Jordan Bardella naît le 13 septembre 1995 à Drancy en Seine-Saint-Denis. Il grandit dans une famille d’origine italienne par sa mère, et un peu algérienne par son père en cité HLM. Cependant, le petit Jordan est bien moins à plaindre qu’il se prête fièrement à le faire croire. Fils unique d’un patron de PME et d’une agente territoriale, il est scolarisé au lycée privé Jean-Baptiste-de-la-Salle à Saint-Denis.
Jeune, il entretient pendant un temps une relation amoureuse avec Kerridwen Chatillon, fille de Frédéric Chatillon, ancien président de l’organisation néonazie qu’est le GUD, proche de longue date de Marine Le Pen et mis en examen pour le financement frauduleux des campagnes électorales du RN depuis 2011 …
Suite à l’obtention de son baccalauréat général, économique et social, avec la mention très bien, Jordan Bardella entame une licence de géographie à l’université Paris-Sorbonne. Il milite au cours de cette période au sein de l’Union nationale inter-universitaire (UNI), syndicat étudiant de droite radicale.
Montée rapide au FN
Le jeune Séquano-Dionysien adhère au Front national en 2012, alors qu’il n’a que 17 ans. Il prend très vite la tête du parti dans le 93 et devient assistant parlementaire du député européen, accusé de négationnisme et ayant commémoré la mort de Pétain, François Jalkh. En 2015, il est élu conseiller régional d’Île-de-France sur la liste conduite par le catholique traditionaliste Wallerand de Saint-Just.
En 2018, Jordan Bardella devient porte-parole du parti, accède au bureau national et à la tête de Génération nation, le mouvement de jeunesse du Rassemblement national. En 2019, il est nommé premier vice-président du parti. Il accède au parlement européen après avoir été désigné chef de file de la liste RN qui arrive en tête des élections européennes. Il est réélu conseiller régional en 2021 puis accède à la présidence du parti avec près de 85 % des scrutins lors du XVIIIe congrès du Rassemblement national en 2022.
Cette montée rapide au sein des instances du parti, Jordan Bardella la doit à l’image qu’il renvoie : il est jeune, éloquent et fidèle aux Le Pen. Si fidèle qu’il rend public en 2020 sa relation avec Nolwenn Olivier, la nièce de Marine. Beaucoup accusent le fonctionnement dynastique du RN, qui en dit long sur la manière dont le parti règnerait, pardon, gouvernerait, s’il était au pouvoir.
Aventure strasbourgeoise
La liste conduite par Jordan Bardella aux élections européennes de 2019 obtint 23,34 % des scrutins. Cependant, Jordan semble mener la politique de la chaise vide à Strasbourg.
Depuis sa prise de fonction en 2019, il n’a rédigé aucun rapport, n’a contribué que 52 fois en plénière et n’a surtout rédigé que 21 amendements (contre plus de 2000 pour Raphaël Glucksmann de Place publique, 1200 pour François-Xavier Bellamy et près de 3500 pour Manon Aubry).
Début octobre, Jordan Bardella était évidemment absent à Strasbourg pour voter une résolution sur la situation au Haut-Karabakh. Sujet pourtant d’importance capitale aux vues des liens économiques qu’entretient l’Europe avec Bakou.
Cela étant dit, Jordan Bardella s’investit toujours infiniment plus au Parlement européen qu’il ne le fait au Conseil régional d’Ile-de-France. Facile : il ne met jamais un pied dans ce dernier. Au premier semestre de 2022, le taux d’absence de Jordan Bardella était de 100 % au sein de l’assemblée.
Mises en cause judiciaire
En 2019, Challenges puis Le Canard enchaîné révèlent que l’emploi d’assistant parlementaire de Jordan Bardella aux côtés de François Jalkh en 2015 est soupçonné d’être fictif par l’Office européen de lutte antifraude. Malgré sa très faible activité sur place, il n’est cependant pas inquiété dans l’affaire des assistants parlementaires au Parlement européen qui déchire le Front national depuis près de dix ans.
Suite à la réélection, en 2021, d’Ali Rabeh, maire Génération.s de Trappes, Jordan Bardella publie un communiqué dans lequel il réclame sa révocation et la mise sous tutelle de la commune yvelinoise. Il annonce en février 2022 être mis en examen à la suite d’une plainte pour diffamation déposée par Monsieur Rabeh, visant tout particulièrement cette phrase du dit-communiqué : « Alors que le gouvernement reste passif devant la constitution de Républiques islamiques en miniature, il est urgent d’interrompre cette conquête de nos territoires ».
Jordan le réhabilitateur ?
Au sein du RN, Jordan Bardella est surtout l’un des grands noms de la dédiabolisation, entamée par Marine Le Pen depuis 2015. Jeune, issu de la banlieue, calme et éloquent, il n’a jamais connu la présidence du parti par le père de cette dernière. ll tend à redorer le blason du parti, dont il essaie de renvoyer une image respectable et républicaine. Pourtant, le RN entend toujours inscrire la « préférence nationale » en tant que loi constitutionnelle s’il accédait au pouvoir. L’image plus policée qu’il renvoie ne doit pas berner les travailleurs.
Jordan Bardella s’est lui-même, entre autres, opposé au mariage pour tous et a soutenu le groupuscule suprémaciste Génération identitaire sur les réseaux sociaux suite à l’annonce de sa dissolution en 2021 par Gérald Darmanin, conduisant à la suspension de son compte Facebook.
Jordan Bardella sera le chef de file de la liste du Rassemblement national aux élections européennes de 2024. Il est pressenti une fois de plus en première position des sondages. Face à lui, il trouvera une liste communiste menée par Léon Deffontaines, ancien secrétaire général du Mouvement jeunes communistes de France, du même âge, mais dont le projet sera aux antipodes, avec comme priorités : la paix, le travail et le climat.