Scandale pour les eaux en bouteille

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Scandale pour les eaux en bouteille

A priori rien n’est plus anodin qu’une eau en bouteille : idéale pour s’hydrater, malgré leur coût, elles sont réputées être plus saines que l’eau du robinet. Néanmoins depuis plusieurs mois un scandale éclabousse les principales entreprises du milieu. Un scandale qui a culminé la semaine dernière quand l’ARS d’Occitanie a découvert des bactéries pathogènes dans le Perrier. Cette annonce pourrait conduire à la disparition de la marque et la fermeture de son usine de mille salariés, dans une affaire impliquant directement l’Élysée

Trois types d’eaux, trois réglementations

Pour bien comprendre ce qui a provoqué cette situation il faut présenter les trois catégories d’eaux en bouteille : eaux rendues potables par traitement, eaux minérales naturelles et eaux de source.

Les eaux rendues potables par traitement sont des eaux provenant de ressources souterraines et superficielles subissant le même traitement de désinfection de l’eau du robinet mais mise en bouteilles. Elles sont en théorie assez rares sur le marché français, on peut citer la Capès-Dolé.

À l’inverse, les eaux de source et les eaux minérales sont des eaux obligatoirement originaires de sources souterraines. Leur différence tient au fait que les secondes ont une composition minérale stable. La plupart du temps captées via un forage, et non via une vraie source elles doivent être naturellement saines. 

À ce titre, pour bénéficier d’une de ces deux appellations, les eaux en bouteille ne peuvent subir que quelques traitements excluant les traitements de désinfection. Dans ce cas ce sont des eaux rendues potables. 

La plupart des eaux en bouteille vendues en France sont donc en théorie des eaux minérales ou de sources. Elles mettent souvent en avant leur aspect non désinfecté pour justifier un prix nettement plus élevé. En moyenne cent fois plus cher par rapport à l’eau du robinet, supposée être moins saine. 

Des traitements interdits utilisés en secret

Le marché est dominé par trois grands acteurs : le groupe Nestlé qui comprend Vittel, Contrex, Hépar et Perrier. Le groupe Alma regroupe une trentaine d’eaux en bouteille dont Cristaline, Saint-Yorre et Vichy-Célestins. Et le groupe Danone avec Evian, Salvetat, Badoit et Volvic.

Néanmoins depuis plusieurs années les eaux de source et eaux minérales font face à un défi : la pression humaine croissante sur les nappes souterraines. Cette pression cause de la pollution chimique et contamine, ce qui met en péril leur statut. 

Des mesures sont parfois prises pour protéger les aquifères des eaux. Nous pouvons citer la déclaration d’intérêt public du territoire de la source, ou encore la mise en place de structures associatives. Par exemple l’APIEME, qui regroupe la société Evian ainsi que 13 communes dans le but de limiter la pollution dans la zone.

En 2020, la répression des fraudes découvre qu’Alma et Nestlé figurent dans la liste des clients d’entreprises produisant des filtres à UV et à charbon actif, pourtant interdit dans le traitement des eaux de source et minérales. 

De nombreuses nappes souterraines exploitées, comme celles de Perrier, ont alors perdu leur pureté originelle qui justifiait leur prix. Insistons sur un point : à ce stade l’affaire ne relevait pas de problématiques sanitaires. Les eaux étant justement traitées pour rester potables. Mais cela relevait de la tromperie commerciale puisque des eaux rendues potables étaient vendues sous l’appellation d’eaux de source ou d’eaux minérales naturelles.

Le gouvernement complice malgré les alertes

Durant cette enquête Nestlé sollicite une réunion informelle auprès du gouvernement, à Bercy, lors de laquelle il reconnaît ses pratiques illégales et demande l’autorisation du gouvernement pour les continuer. 

Ce dernier se prête alors illégalement au jeu des négociations. Le groupe Nestlé finit par abandonner ses filtres pour les remplacer par des filtres à 0,2 µm, la limite autorisée pour les traitements était alors au plus petit de 0,8 µm. En échange, l’Etat fournit, contre l’avis de l’IGAS et de la direction de la santé, une dérogation à Nestlé pour utiliser ces filtres. 

Le problème ? Contrairement aux filtres précédents, les filtres à 0,2 µm ne permettent pas de traiter efficacement les eaux et causent un risque sanitaire de contamination par des virus, voire des bactéries pathogènes.

Nous sommes alors dans une situation où, des bactéries pathogènes de l’intestin sont trouvées dans les bouteilles de Perrier. L’ARS d’Occitanie a demandé au préfet de retirer à Perrier son label “eau minérale naturelle“, mettant ainsi dos au mur, l’usine de Vergèze dans le Gard et ses mille employés.

Cette affaire révèle donc la nécessité de protéger nos aquifères de la pollution pour préserver l’emploi et l’environnement.


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