SAM : Renault condamne la fonderie, le gouvernement fait l’autruche

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SAM : Renault condamne la fonderie, le gouvernement fait l’autruche

Le 18 juillet, le groupe lotois MH industries qui projetait de reprendre la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) a annoncé son retrait. Après des années de mobilisation, c’est « retour à la case départ » pour les 333 salariés licenciés. Que s’est-il passé ? 

Quatre ans de désillusion

Si la SAM créée en 1973 fait beaucoup parler d’elle ces derniers mois, le dossier est pourtant vieux de plusieurs années. Après la liquidation du groupe français Arche dirigé par Patrick Bellity, ex-propriétaire de la fonderie, cette dernière a été reprise par le groupe chinois Jinjiang le 22 décembre 2017 prévoyant près de 18 milliards d’euros d’investissements sur 3 ans. Censée symboliser la fin d’une inquiétude pour les salariés, cette date symbolise finalement le début d’une longue vague de mobilisation… Et de désillusion. 

Le nombre trop faible de commandes garanti par le constructeur automobile français Renault et le manque à peine caché d’engagement de l’État qui en est le principal actionnaire ont mené l’entreprise dans une situation de plus en plus délicate. La SAM est finalement placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Toulouse en 2019. Ce dernier est chargé d’étudier les offres de reprises et de trouver une solution pour poursuivre l’activité de la fonderie. Les délais passants, celle-ci se trouve dans la situation qu’on lui connaît aujourd’hui. 

Quatre ans de mobilisation

Pour autant, depuis 2017, les salariés luttent sans répit pour la sauvegarde de leurs emplois et la préservation de cet outil industriel : blocage de la fonderie, occupation du site pendant 154 jours, interpellation des pouvoirs publics… Les mobilisations audacieuses sont multiples. À l’appel de la Confédération générale du Travail (CGT), 8000 personnes se sont réunies sur le site à Decazeville le 1er décembre 2021 pour soutenir les salariés. L’engagement des élus communistes a permis de créer un écho médiatique inattendu autour du dossier. 

C’est cette mobilisation qui a convaincu la présidente socialiste de la région Occitanie de l’utilité de la fonderie en matière de souveraineté industrielle. Après négociation, un deal semble être trouvé : la région acquiert l’usine, et la PME lotoise MH industries s’engage à racheter les outils de production. Good deal! Non seulement les salariés pourraient de nouveau forger l’aluminium en fusion et la SAM pourrait, à terme, élargir son adresse en produisant des pièces pour le ferroviaire ou l’aéronautique. 

Des repreneurs confrontés à la malédiction du site ?

Malheureusement, le bassin de Viviez et ses salariés semblent maudits : le 18 juillet, le groupe annonce son retrait du projet. Mais alors, comment peut-on expliquer la situation dans laquelle se trouve la fonderie malgré les quatre projets de reprise depuis 2019 ? La raison est double : la (non) politique industrielle de l’État, et la volonté capitaliste d’envisager seulement la réalisation de profits à court terme. 

Selon Matthieu Hede, président de MH industries, deux choses ont fait sauter le projet : « la position de Renault et la période électorale qui a fait que pendant deux mois nous n’avons plus eu de son ni d’image du gouvernement ». 

Pour autant, les demandes du groupe industriel ne sont pas exorbitantes : MH industries veut simplement s’assurer qu’une activité minimale de la SAM rendra viable son plan de reprise. Il est donc demandé à Renault de garantir un certain nombre de commandes de pièces pendant une période de deux ou trois ans maximum, équivalant à 8 millions d’euros d’investissement. Non soucieux de l’avenir du territoire, de sa fonderie et encore moins de ses salariés, Renault a refusé la demande.

Le gouvernement fait l’autruche

Pour autant, la nécessité de sauver cette industrie fait consensus parmi les acteurs locaux, pour ne citer qu’eux : François Marty, maire de Decazeville et président de la communauté de communes, Carole Delga, présidente de la région Occitanie, Laurent Alexandre, député de la circonscription et bien sûr Pascal Mazet, conseiller régional communiste, soutien de la SAM et de ses salariés depuis les premières heures. 

Interpellé sur l’inaction du gouvernement par le député Laurent Alexandre, le ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure, répond sobrement que la faute provient d’une « relation client-fournisseur dégradée » et affirme son « refus de voir des entreprises privées toucher des subventions publiques », une pirouette remarquable. Derrière ces efforts rhétoriques se cache une vaine réalité : l’État, principal actionnaire de Renault, refuse de s’engager, pire, soutient le constructeur automobile dans son entreprise de destruction du fleuron industriel français. 

La SAM n’est pas un cas isolé

En juin 2021, M.B.F. Aluminium, une fonderie du Jura (280 salariés) est placée en liquidation judiciaire. À la même période en Meurthe-et-Moselle, FVM Villers-La-Montagne (127 salariés) connaît le même sort. Le 30 juin 2022, la Fonderie du Poitou Alu (290 salariés) fermait définitivement la porte. En Bretagne, l’Usine du Caudan – Fonderie de Bretagne (276 salariés) est cédée au fond d’investissement allemand Callista Private Equity, dont les objectifs de court terme inquiètent sur l’avenir du site. Toutes sont des usines de sous-traitance pour Renault et il ne semble pas que la construction automobile soit en perte de vitesse. 

Les délocalisations massives et la politique de désindustrialisation menée par les gouvernements pro-capitalistes successifs ont sacrifié des territoires entiers et des milliers d’emplois, comme celui du bassin industriel de Viviez. Un drame pour ces 333 salariés qui se sont battus corps et âme pour pouvoir « travailler au pays ». 

Pour ce qui est de la SAM, la région Occitanie prolonge son soutien et souhaite finaliser son rachat de l’ancien site pour le dédier à un ou plusieurs projets industriels. Cependant, la mise en œuvre de tels projets sera longue et périlleuse.

Rebâtir des filières industrielles

Contrairement à ce que répètent en boucle les ministres chargés de l’industrie se succédant, cette situation n’est pas une fatalité, c’est le résultat de choix politiques. Pourtant, il y a un enjeu fort à mettre en place des leviers permettant de stopper cette entreprise de destruction massive de l’emploi et des territoires, et de changer complètement notre modèle de développement et de production afin de retrouver une souveraineté industrielle. 

Nos industries et leurs salariés sont des acteurs essentiels du développement de notre pays et permettent de répondre aux besoins de notre société. Il y a urgence à relocaliser la production de ce qui est essentiel au pays, et de bâtir une industrie nouvelle, sur la base de critères de production sociaux et écologiques autour des filières stratégiques. 

Comme ils l’ont porté lors de la campagne présidentielle, les communistes revendiquent la mise en place de nouveaux droits pour les salariés et leurs représentants, notamment un droit d’alerte permettant de dénoncer les projets de délocalisation, de suppression et de précarisation des emplois.


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