La Révolution russe (1/3) : Avant octobre, la révolution de février

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La Révolution russe (1/3) : Avant octobre, la révolution de février

 

La Russie, colosse aux pieds d’argile

De prime abord, en ce début de XXème siècle, la Russie des tsars apparaît comme une puissance considérable.  Son vaste territoire en fait le plus grand pays du monde. L’armée russe est également la première au monde, par le nombre d’hommes qu’elle peut mobiliser : on parle du « rouleau compresseur russe ». Enfin, le pays s’industrialise à toute vitesse (notamment grâce aux capitaux français) et affiche fièrement une croissance annuelle de 5%.

Pourtant, il s’agit d’un colosse aux pieds d’argile. L’importante croissance économique n’a pas suffit à rattraper le retard accumulé depuis des décennies, l’agriculture reste archaïque avec une masse de paysans pauvres dont la situation ne s’est guère améliorée depuis l’abolition du servage en 1861, et la défaite militaire contre le Japon en 1905 a montré les carences de l’armée russe.

Une première révolution en 1905 avait contraint le tsar à quelques concessions, comme la création d’une assemblée représentative : la Douma. Mais la Douma n’était qu’une assemblée sans réel pouvoir et la Russie restait un État quasi-féodal où le tsar Nicolas II régnait en monarque absolu.

Une guerre catastrophique

Lorsque la guerre éclate en 1914, la confiance est de mise. Les russes parient sur un conflit de courte durée, et presque tous les partis politiques (même les groupes révolutionnaires) soutiennent la guerre. Seuls les bolcheviks et une partie des mencheviks s’opposent à cette guerre.

Le conflit va rapidement tourner au désastre pour la Russie. À partir de la bataille de Tannenberg (26-30 août 1914), les défaites vont s’enchaîner pour l’armée russe qui doit reculer. Une partie du territoire est désormais occupée par les armées allemandes et austro-hongroises. Les pertes sont énormes : deux millions de mort dès 1915.

L’armée russe n’avait prévu des réserves que pour trois mois. Elle manque de matériel moderne, de munitions et n’arrive pas à ravitailler correctement ses soldats. Les usines doivent se reconvertir afin de produire pour l’armée, et les denrées alimentaires sont envoyées en priorité au front. Le pouvoir tsariste semble complètement dépassé par la situation, l’économie est désorganisée, l’inflation et la pénurie s’installent durablement.

La révolution de février

La situation catastrophique sur le front et les difficultés économiques à l’intérieur du pays rendent la situation explosive. Les actes de désobéissance se multiplient et la désertion devient un phénomène de masse (un million de déserteurs en février 1917).

Les événements se précipitent à partir de la seconde moitié du mois de février 1917 du calendrier russe (c’est-à-dire le mois de mars de notre calendrier). Le 19 février, l’annonce de la mise en place de cartes de ravitaillement à Petrograd (la capitale, aujourd’hui appelée Saint-Pétersbourg) provoque la colère de la population.

Le 23 février (8 mars de notre calendrier), la journée internationale des droits des femmes est l’occasion d’une manifestation de masse. Les ouvrières se sont mises massivement en grève. Dans la manifestation, elles crient « Du pain ! » mais aussi « A bas le tsar ! ». La contestation sociale devient une contestation politique.

Le lendemain, les femmes sont rejointes par 150 000 ouvriers qui se mettent à leur tour en grève. Le 25 février, c’est la grève générale. Les slogans anti-tsaristes prennent de plus en plus d’importance et l’on commence à entendre des slogans contre la guerre.

Paradoxalement, les groupes révolutionnaires ne croient pas que le mouvement de protestation puisse l’emporter. Le bolchevik Alexandre Chliapnikov déclare « Donnez aux ouvriers une livre de pain et la grève s’arrêtera ».

Au soir du 25 février, le tsar Nicolas II ordonne de faire cesser « les désordres » par la force. Le lendemain, les mitrailleuses tirent sur les manifestants. Le bilan est de 150 morts, le mouvement semble brisé. Le 27 février est une journée décisive. Les soldats, choqués par les événements de la veille, se mutinent et fraternisent avec les ouvriers. Ils distribuent les fusils à la foule, l’insurrection triomphe. Petrograd tombe aux mains des insurgés.

La fin du régime tsariste

Le soir même, les groupes révolutionnaires (bolcheviks, mencheviks, socialistes-révolutionnaires, travaillistes…) se concertent et appellent à la convocation d’un soviet, c’est-à-dire un conseil réunissant les délégués ouvriers de la ville. Des représentants du soviet sont élus dans les usines mais aussi dans les casernes.

À côté de ce pouvoir populaire qu’incarne le soviet, la bourgeoisie libérale s’organise. Les députés de la Douma forment un « comité temporaire pour le rétablissement de l’ordre et des rapports avec les institutions et les personnalités ». Ayant besoin d’un appui populaire, le comité temporaire conclu le 2 mars un accord avec le soviet de Petrograd : le soviet s’engage à reconnaître la légitimité d’un « gouvernement provisoire » à dominante libérale, qui a pour mission de mettre en œuvre un programme démocratique, le temps qu’une assemblée constituante soit convoquée.

La victoire de l’insurrection de Petrograd et l’accord entre le soviet et le comité provisoire placent le tsar Nicolas II dans une situation impossible. Le 2 mars, Nicolas II abdique en faveur de son frère Michel. Celui-ci refuse le trône jugeant la situation incontrôlable. C’est la fin de la monarchie tsariste mais la révolution russe ne fait que commencer.

Lire la suite : La Révolution russe (2/3) : De février à octobre : la Russie à la croisée des chemins


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