Quand la ville de Lyon devient une marque

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Quand la ville de Lyon devient une marque

L’enquête de l’INSEE sur la démographie dans la capitale des Gaules est tombée : Lyon va perdre son statut de 3e ville de France, dépassée par Toulouse. La ville perd 1400 habitants en 2024, et nous devons réinscrire cette perte dans une perspective plus large.

Puisque si la ville décroît démographiquement, la métropole continue de voir sa population augmenter. Comment expliquer ce paradoxe ?  Comment la globalisation, l’accroissement des flux de production et la financiarisation de l’économie déterminent en partie les mouvements de population dans la métropole de Lyon ?

Les agendas locaux sont aujourd’hui très clairs : tous les territoires doivent se distinguer, s’inventer une image de marque comme la ville de Lyon qui dispose aujourd’hui d’une marque déposée. Ces labels sont des images renvoyant tant une charge symbolique, un sentiment de commun, d’appartenance à un territoire, qu’une valorisation financière. Lyon offre désormais de plus en plus de parts de marché, se vend pour attirer des capitaux, permettant aux capitalistes d’investir dans le privé, mais aussi dans le public.

Cette politique a un effet direct sur l’accroissement des investissements du privé dans les infrastructures comme les aéroports, les gares (la Gare Part Dieu est progressivement devenue un prolongement du centre commercial), mais aussi l’éducation, puisque quantité d’écoles privées pullule à Lyon et les intrusions du privé dans les universités publiques sont de plus en plus importantes. Ces flux favorisent, en centre-ville, ce qu’on appelle les secteurs à « haute valeur ajoutée », en d’autres termes une production très profitable, très rentable : comme le marché du luxe, de l’immobilier, des services « haut de gamme », les commerces chers.

Deux conséquences sont à tirer de cette politique de territorialisation des flux de capitaux : l’espace de plus en plus distancié entre les clients de ces services et les habitants de la ville (la majorité des clients sont de passage, en transit) ; deuxièmement, un marché de l’immobilier toujours plus cher, que ce soit pour les logements ou pour les locaux, reléguant les classes populaires et les petites entreprises à faible valeur capitalistique en banlieues ou dans les espaces périurbains.

Cette valorisation quasi boursière de la ville de Lyon comprend donc les catégories de population qui y vivent : le niveau de vie des populations est pris en compte dans cette mesure de l’attraction d’une ville ; ce qui a notamment pour conséquence l’homogénéisation sociale toujours plus importante des métropoles : les riches vivent avec les riches dans les centres, les pauvres vivent avec les pauvres, en zones périurbaines (excepté pour Marseille) ! Dans un système d’accumulation des capitaux et de reproduction des inégalités, les métropoles, nouvelles vitrines du capitalisme globalisé, appliquent des politiques de ségrégation sociale. Cette généralité vaut pour les jeunes puisque les étudiants issus des classes populaires auront tendanciellement moins accès aux logements proches des universités, ce qui se traduit par un plus long trajet en transports, une moins grande marge de manœuvre, bref ce qui garantit, malheureusement, l’exclusion.


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