Procès des attentats de janvier 2015 : des peines à perpétuité requises

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Procès des attentats de janvier 2015 : des peines à perpétuité requises

Le procès a repris la semaine dernière et a permis un réquisitoire du ministère demandant des peines à perpétuité et des peines lourdes. Le verdict est attendu le 16 décembre. 

La reprise du procès

Après plus d’un mois d’interruption, le procès a pu reprendre mercredi 2 décembre. Interrompu à cause de la contamination de plusieurs accusés au covid-19, la suspension avait dû être prolongée plusieurs fois par la cour d’assises en raison de l’état de santé du principal accusé.

Ali Riza Polat avait été reconnu par un expert médical comme n’étant pas en état d’assister à son procès, rendant la poursuite de celui-ci impossible.

Le gouvernement a alors tenté d’adopter un décret permettant d’imposer la vidéoconférence aux accusés qui ne pourraient pas assister à leur procès. Un décret qui semblait taillé sur mesure pour celui-ci.

L’ensemble des avocats de la défense et la très grande majorité de ceux des avocats civiles avaient vivement dénoncé le recours à cette possibilité, obtenant une nouvelle suspension. Une réaction bien inspirée puisque le Conseil d’État a finalement suspendu la mesure. 

Le cirque d’Ali Riza Polat

Reconnu apte à comparaître, Ali Riza Polat était présent dans son box le 2 décembre. Déjà apparu comme étant particulièrement vindicatif tout au long de la durée du procès, la maladie ne semble pas l’avoir calmé. 

Toujours pris de vomissements, suite à sa contamination par le Covid-19, il a refusé les anti-vomitifs prescrits par les médecins. Il s’est employé durant toute la durée de cette première journée de reprise du procès à vomir le plus bruyamment possible dans une poubelle mise à sa disposition.

Multipliant les interventions intempestives pour se plaindre, coupant les plaidoiries des parties civiles, le principal accusé a fini par s’allonger par terre. Poussant finalement à bout le président de la cour d’assises, ce dernier a pris la décision de l’expulser. Hospitalisé brièvement, il reprend finalement place sur le banc des accusés de façon plus sereine le jour suivant. 

Les plaidoiries des parties civiles

Les plaidoiries des parties civiles sont un exercice difficile. Paradoxalement, malgré la place grandissante accordée aux victimes dans le traitement médiatique des affaires pénales, le rôle de ces dernières dans le procès est limité. La justice pénale est une justice publique, il ne s’agit pas de régler un différend entre deux personnes privées, mais bien d’apprécier des faits au regard d’un droit qualifié d’ordre public. 

Il n’appartient donc pas aux parties civiles de demander la condamnation des accusés, d’exiger une peine, ni même de qualifier les infractions subies.

Leur parole vient cependant rappeler la réalité des crimes commis, que parfois la technicité des débats peut faire perdre. La cour d’assises spéciale ne juge pas une trace ADN ou un relevé téléphonique, mais les actes qui ont rendu possibles 17 assassinats au mois de janvier 2015.

La plus médiatisée de ces plaidoiries est celle de Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo. Il est revenu sur les différents moments qui ont conduit à la publicité mondiale du journal satirique français, au faible soutien politique accordé aux caricaturistes jusqu’au massacre. Pour sa conclusion Richard Malka a déclaré qu’on « ne peut pas tuer une idée » et que désormais « Charlie Hebdo est devenu une idée».

Le réquisitoire du ministère public

Sans surprise, le ministère public a requis la perpétuité contre Ali Riza Polat pour complicité d’attentat terroriste. 

La même peine, pour le même chef d’accusation, a été demandée pour Mohamed Belhoucine, jugé en son absence alors qu’il est réputé être mort en Syrie. 

Également absente, Hayat Boumeddiene fait face à une demande de 30 ans de prison avec une peine de sûreté de 20 ans. Elle serait en fuite, probablement en Syrie. 

L’accusation a également requis 20 ans de prison contre Mehdi Belhoucine, le frère de Mohamed, pour sa participation au départ en Syrie de Hayat Boumeddiene. Il est également réputé mort en Syrie.

Deux accusés échappent à une demande de condamnation pour terrorisme

L’accusé général n’a pas demandé la qualification terroriste pour deux accusés. 

Christophe Raumel, pour lequel l’instruction avait déjà écarté la qualification terroriste, et Mohamed Fares échappent ainsi aux peines les plus lourdes. Contre le premier, l’avocat général a requis 5 ans de prison pour participation à association de malfaiteurs en vue de commettre un crime de droit commun. Il avait accompagné Willy Prévost pour des achats en armurerie destinés à Amedy Coulibaly. 

Mohamed Fares est un trafiquant de drogue lillois, dénoncé par une lettre anonyme, au moins une arme utilisée par Coulibaly a transité par son réseau mafieux et familial. L’avocat général a toutefois estimé que le doute persistait sur la connaissance de Mohamed Fares de la destination de l’arme pour abandonner la qualification terroriste. Une peine de 7 ans de prison a été demandée.

Des peines lourdes pour une procédure d’exception

Pas de surprise pour l’ensemble des autres accusés, contre lesquels des peines très lourdes ont été requises. 

Les peines requises sont les suivantes : 18 ans pour Willy Prévost, 20 ans pour Michael Nezar Pastor Alwatik, 17 ans pour Amar Ramdani, 13 ans pour Saïd Makhlouf, 18 ans pour Abelaziz Abbad, 15 ans pour Miguel Martinez, 15 ans pour Meltin Karasular accompagné d’une interdiction définitive du territoire — il est belge —, 15 ans également pour son compatriote Michel Cutino.

Au-delà des peines, l’accusation a dû reconnaître un certain échec des débats à faire la lumière sur les zones laissées dans l’ombre par l’enquête. Un doute qui ne doit pas faire obstacle à une condamnation pour le ministère public, invoquant l’intime conviction des juges comme le regard des citoyens français sur la décision qui sera prise.

Les juges de la cour d’assises ne sont pas tenus par ces réquisitions.

Le temps est désormais aux plaidoiries de la défense pour un verdict qui est attendu le 16 décembre.


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