Dimanches 23 avril et 7 mai, les Français auront à se prononcer sur le choix du prochain Président de la République. Magistrature suprême du pays, le Président bénéficie de nombreux pouvoir. Depuis maintenant plusieurs mois les candidats s’opposent et s’affrontent en développant chacun la vision propre et singulière qu’ils souhaitent pour l’avenir du pays. Économie, éducation, international, les sujets ne manquent pas pour trouver des divergences profondes. Mais avant tout ils souhaitent tous devenir Président, mais quel cadre démocratique proposent-ils pour exercer leur mandat ?
La République et la Constitution
Le premier cadre, et le plus important, qui régit la vie démocratique du pays est la Constitution. Elle est le texte fondamental qui fixe les principes d’organisation de l’Etat.
Emmanuel Macron (En Marche !) et François Fillon (Les Républicains) se placent dans la continuité de la Ve République et ne proposent ni de changer de constitution ni d’y apporter une réforme. François Fillon l’a répété à de nombreuses reprises lors de ses prises de positions publiques, il souhaite se placer dans l’héritage direct de la tradition gaullienne et conserver la Ve République en l’état. Emmanuel Macron, s’il ne fait pas référence au général dans toutes les deux phrases, ne souhaite pas non plus la remettre en cause, il propose simplement que le Président de la République ait à présenter son bilan national et européen tous les ans devant le Congrès (réunion de l’Assemblée Nationale et du Sénat). Cette proposition qui vise à présenter une envie de contrôle du pouvoir du Président est aussi la preuve que, pour le candidat d’En Marche!, le Président doit rester le responsable de la politique menée dans le pays.
Marine Le Pen (Front National) ne plaide pas non plus pour un changement de République, cependant elle souhaite introduire une révision constitutionnelle proposant de replacer la durée du mandat présidentielle à 7 ans (au lieu de 5 actuellement) et de le rendre non-renouvelable.
Benoît Hamon (Parti Socialiste) souhaite enclencher le passage à une VIe République sans pour autant développer la vision qu’il en a et les principes démocratiques qui la constitueraient. Enfin Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France Insoumise soutenu par le Parti Communiste Français, plaide lui aussi depuis maintenant de longues années pour une VIe République. Il dénonce fermement le système actuel en parlant de « monarchie présidentielle » et de confiscation du pouvoir citoyen. Contrairement à Benoît Hamon, le projet d’une nouvelle République est mûri de longue date et opérationnelle.
Il défend l’idée d’une République où le peuple retrouverait un pouvoir d’intervention politique central en pouvant contrôler et révoquer les élus, où l’Assemblée Nationale, émanation de la volonté populaire, serait la responsable de la politique à mener et où les pouvoirs de tutelle du Président sur la politique nationale seraient réduits.
La démocratie
Au-delà de la simple, mais centrale, question de l’organisation constitutionnelle, les candidats développent des approches diamétralement opposées de l’exercice démocratique dans le pays.
La droite fidèle à elle même
François Fillon, dans la droite ligne des gouvernements de droite, proposent d’accentuer la décentralisation pour donner toujours plus de pouvoir aux régions et aux métropoles, ces superstructures qui éloignent toujours plus le pouvoir de décision des citoyens. Ils proposent aussi, dans un souci d’austérité économique, de réduire le nombre de parlementaire tout en se gardant de parler d’un contrôle citoyen et déontologique de l’utilisation de l’argent public.
Le candidat d’En Marche! prône lui une « moralisation » de la vie publique en encadrant les activités des parlementaires. Comme François Fillon il propose de réduire le nombre de parlementaires. Mais surtout il souhaite modifier le fonctionnement de l’Assemblée en limitant les débats afin « d’accélérer le travail parlementaire », ce qui revient à réduire l’expression de la parole citoyenne que représente les députés mais aussi à empêcher les citoyens de s’emparer des débats en cours à l’Assemblée en faisant voter les lois si vite que la société civile n’aura pas le temps d’en débattre. Une proposition en profonde contradiction avec la volonté affichée à chaque discours de Macron de favoriser « l’irruption de la société civile ».
La candidate du Front National, quant-à-elle, souhaite revenir sur la réforme territoriale en ne conservant que 3 strates administratives : l’État, le département et la commune. Une proposition opportuniste quand on sait que les sénateurs FN (dont le directeur de campagne de Marine Le Pen) n’avaient même pas daigné prendre part au vote pour s’opposer à la loi NOTRe instaurant les nouvelles régions et métropoles. Sa révision constitutionnelle proposera aussi de créer un référendum d’initiative populaire sur un projet de loi ayant recueilli 500.000 signatures. Cependant Le Pen prône aussi un président fort, qui ne doit pas être soumis aux demandes de la rue.
En bref en façade c’est : redonner du pouvoir au peuple, en arrière-boutique c’est : de toute façon moi présidente je déciderai quel que soit votre avis.
La gauche veut innover
Benoît Hamon est encore une fois le moins disert et précis sur ses propositions. A noter sa volonté de créer un « 49.3 citoyens », de reconnaître le vote blanc et de mettre en place un budget participatif national (encore une fois sans en développer les modalités). On notera l’idée de « démocratie participative » qui rappelle étrangement les propositions de Ségolène Royal en 2007 et son action en tant que présidente de région dans le Poitou-Charentes. Enfin il propose d’étendre le droit de vote aux étrangers extra-européens pour les élections locales, proposition récurrente du Parti Socialiste depuis 30 ans et malheureusement qu’ils ont toujours abandonné en arrivant au pouvoir.
Enfin Jean-Luc Mélenchon dans le sillage de sa proposition de VIe République, met en avant la nécessité de replacer le pouvoir de décisions aux mains des citoyens. En plus de contrôle des élus par le référendum révocatoire, il souhaite que les traités internationaux et les modifications de la Constitution soient obligatoirement soumis à un référendum afin de ne plus voir la volonté populaire bafouée comme après le référendum de 2005. Il propose aussi que l’Assemblée Nationale soit élue à la proportionnelle intégrale afin de renforcer la représentation plurielle du peuple et de lutter contre la création de baronnies locales. Cette Assemblée serait le cœur du pouvoir politique du pays et le pouvoir exécutif (le gouvernement).
Il développe l’idée que la Constitution doit garantir des droits pour les citoyens, comme le droit au travail, au logement mais aussi la protection de biens dits communs comme l’eau, l’air ou l’alimentation qui bénéficieraient d’une gestion démocratique.
Au final l’offre est large est diverse. On voit les candidats de droite de Macron à Le Pen s’inscrire dans la droite ligne de la Ve République, qui refuse de remettre en cause l’hyper centralisation des pouvoirs aux mains du Président de la République, manière déguisée d’assumer un autoritarisme réactionnaire et un mépris particulier de l’intelligence et des potentialités décisives des citoyens. A gauche c’est l’idée d’une nécessaire refonte institutionnelle qui s’impose. Malheureusement le programme de Benoit Hamon manque encore une fois de précision mais il semble ici s’inscrire dans la lignée réformiste de ses prédécesseurs tout en tentant de se réapproprier la proposition de Jean-Luc Mélenchon d’une VIe République. C’est donc du côté du candidat de la France Insoumise et du PCF qu’il faut regarder pour trouver un contenu précis et réellement de gauche sur le sujet, un projet où le citoyen retrouve toute sa place dans la direction du pays, sur le plan politique mais aussi en développant son pouvoir d’intervention dans les entreprises, les territoires où les services publics. Directement inspiré du programme du Conseil National de la Résistance c’est donc une nouvelle République Sociale qui est proposée afin de commencer les jours heureux.