Maxime Boyer, président du Genepi et responsable de l’action en détention a accepté de répondre à nos questions après l’annonce du non-renouvellement de la convention qui liait l’association étudiante à l’administration pénitentiaire.
Quelles sont les missions du Genepi ?
Le Genepi est une association nationale forte de 900 étudiants présents dans 39 villes différentes. Nous développons trois types d’actions.
L’action en détention est la première d’entre elle. Il faut savoir que quand nous intervenons en détention, nous aimons à respecter certaines conditions et principes, comme par exemple le droit et le devoir de témoignage. Nous nous engageons à recueillir la parole sur les conditions de détention et à la diffuser à l’extérieur des murs.
Le deuxième type d’action c’est l’information publique. Ces actions peuvent prendre différentes formes : des conférences, des interventions dans les collèges et lycées, des expositions photographiques… chacune d’entre elles ayant le même objectif, soit conscientiser tout type de public sur le milieu carcéral.
Notre troisième type d’action est la formation de nos bénévoles d’abord, mais également de toute personne intéressée par le sujet. Ces formations permettent d’une part l’acquisition de connaissances sur la sphère prison-justice, et d’autre part une réflexion sur le système carcéral et l’enfermement sous toutes ses formes.
Quelles sont vos relations avec l’administration pénitentiaire ?
Nos relations avec l’administration pénitentiaire se font à plusieurs échelles. Au niveau national, nous avions des contacts réguliers avec la direction de l’administration pénitentiaire, environ trois fois par an. Cette dernière a manifesté plusieurs fois de l’énervement vis-à-vis de nos prises de positions sur la politique carcérale.
Au niveau régional nous sommes en contact avec les directions inter-régionales auprès desquels nous intervenons en cas de blocage entre une antenne locale de notre association et un établissement. Les liens avec ces derniers sont très aléatoires. Ils sont parfois très bons et d’autres fois moins évidents.
Tandis que le Genepi rencontrait traditionnellement trois fois par an la direction de l’administration pénitentiaire, le seul rendez-vous que nous avons obtenu a eu lieu le 20 septembre, après des mois de sollicitations de notre part. La dernière convention s’est achevée courant avril 2018, nous avions donc besoin d’une rencontre début 2018 pour évoquer l’éventuel renouvellement de la convention. Malgré l’absence de réponse de l’administration pénitentiaire, nous avons poursuivi nos actions depuis avril 2018 sans se douter qu’une telle décision serait prise d’une manière aussi brutale.
Concrètement que signifie la fin de la convention avec l’administration pénitentiaire ?
La convention triennale se renouvelait tous les trois ans depuis 42 ans. Ce texte définissait les actions du Genepi dans les lieux de détention. Sa portée allait bien au-delà du financement associé puisque c’est cette convention qui fixait le cadre des actions que nous menons auprès des personnes détenues.
C’était également un argument de poids face aux administrations pénitentiaires locales pour la mise en place d’activités. On pouvait invoquer cette convention pour faire valoir la légitimité de nos actions en détention. Aujourd’hui c’est notre capacité à intervenir en détention qui est remise en cause par le non-renouvellement de cette convention, puisque depuis le 20 septembre et donc la décision de non-renouvellement de la convention, de nombreux établissements pénitentiaires ferment leurs portes à nos bénévoles, la liste s’allongeant de jour en jour.
Vous dénoncez l’absence de dialogue avant cette décision, y voyez-vous un nouveau signe de durcissement des conditions de détentions ?
Je ne pense pas qu’on puisse faire un lien aussi direct.
Notre dernier contact avec la direction de l’administration pénitentiaire remonte à décembre 2017. À ce moment, il a été dit qu’il y avait un manque de communication entre le Genepi et la direction de l’AP. Suite à cela, on a attendu un rendez-vous pour renouveler la convention pendant huit mois. Ce rendez-vous n’a jamais eu lieu malgré nos multiples sollicitations. Nous ne sommes en réalité plus conventionnés depuis le mois d’avril et nous avons donc appris la décision dernièrement sans le moindre dialogue.
Cependant, le durcissement des conditions de détentions a eu des impacts sur notre activité. Les dispositifs de sécurités de plus en plus nombreux compliquent fortement notre action en détention. Lorsque les services pénitentiaires sont débordés il est difficile de mettre en place de nouvelles activités à destination des personnes détenues. Parfois les conditions n’étaient pas réunies pour que nous puissions intervenir. Les ateliers étaient surveillés, filmés, écoutés. Nous avons même eu le cas où les participants aux ateliers étaient fouillés à nu avant et après chaque atelier…
Comment voyez-vous l’avenir de votre association sans convention ?
L’avenir s’annonce obscur. Premièrement, le non-renouvellement de la convention s’accompagne d’une perte de subvention de 50 000€ que nous n’apprenons que maintenant. Lors de la construction de notre budget pour cette année, nous comptions sur cet argent. C’est donc un trou de 50 000 € qu’il nous faut combler à une date où la plupart des procédures de demande de subvention sont fermées.
L’absence de convention va également grandement compliquer notre action en détention. Comme je le disais, c’était un argument de poids pour faire valoir notre légitimité à intervenir. Nous avons d’ailleurs vu depuis septembre 2018 de nombreux établissements nous refuser l’accès en l’absence de cette convention.
Cette difficulté à intervenir en détention va également menacer d’autres subventions que nous percevions pour ces activités. Si nous ne pouvons plus intervenir en détention, c’est donc d’autres sources de financements qui vont disparaître. À cela va s’ajouter une perte de ce qui fait vivre l’association, les bénévoles. Le coeur de notre activité étant menacé, le sens pour les étudiants à s’engager au Genepi l’est également.