Palestine : l’indignation sélective des puissances occidentales

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Palestine : l’indignation sélective des puissances occidentales

Samedi dernier, le Hamas a lancé une attaque meurtrière sur le territoire israélien, ciblant notamment des civils dont les morts se comptent désormais par centaines. Cette offensive a suscité, de par le monde occidental et ses partis, nombre de réactions, de l’émotion à l’indignation, un soutien régulier au peuple israélien, et souvent en Israël lui-même, masquant la trame de fond coloniale sur laquelle le conflit vient de s’accentuer violemment.

Les vies civiles comptent. Toujours.

Au sein de la gauche française, le malaise est palpable quand il s’agit de qualifier les actes perpétrés par le Hamas. Une partie de l’extrême gauche a même cru bon d’apporter son soutien à la “résistance palestinienne” tandis que des civils étaient visés massivement et pris en otages. 

Il n’y a pourtant pas à tergiverser : lorsque des crimes de masse sont commis par une organisation islamiste à l’encontre de populations civiles, cela doit porter le nom d’acte terroriste. S’en enthousiasmer est, dans le meilleur des cas, l’expression de la bêtise la plus crasse, et dans le pire des cas, un amalgame abject entre le Hamas (parti pour le moins réactionnaire ô combien opposé aux idées de progrès censées être incarnées par cette gauche) et la population palestinienne dans son ensemble, au mépris des contradictions internes qui la traversent. 

Un tel raisonnement essentialisant le peuple palestinien ne peut d’ailleurs aller que dans le sens de la politique du gouvernement israélien, qui s’apprête à opérer un carnage à l’encontre de la population gazaouie. Dans le chaos politicien, l’étrange obstination de la France Insoumise à ne pas vouloir qualifier de terroriste l’attitude du Hamas a d’ailleurs suscité une réaction en chaîne dont le parti de Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas à s’extraire.

Les vies civiles comptent. Toujours ?

Si le massacre de civils indigne à juste titre, nos dirigeants se sont montrés bien discrets quand, au cours des dernières années, c’était le sang des Palestiniens qui était versé. On dénombre, d’après les sources de l’ONU, un total de 5 590 victimes palestiniennes pour 251 victimes israéliennes entre 2008 et 2020, du fait du conflit israélo-palestinien. À ce chiffre s’ajoutent des dizaines de milliers de blessés, en plus des victimes de l’arbitraire quotidien qu’implique la situation d’apartheid subi par le peuple palestinien. 

La France, comme la plupart des puissances occidentales, a, au travers de son silence, laissé se perpétuer une situation de domination coloniale d’une extrême violence, qui ne pouvait elle-même déboucher que sur davantage de violence. 

Et d’année en année, ce sont les civils palestiniens qui en ont payé le prix, sans qu’on s’attarde sur leur sort malgré les avertissements récurrents et la dénonciation régulièrement documentée de crimes de guerre commis par l’armée israélienne.

Florilège de déni et de bellicisme

En France donc, les éléments de langage de la droite se sont accumulés dès dimanche, faisant bien souvent fi de la situation de domination coloniale dans laquelle est pourtant plongée le pays. 

Chez Renaissance, on appelle à un soutien en Israël, parfois au peuple israélien. Chez Les Républicains, c’est un “soutien inconditionnel” à l’État d’Israël qui est revendiqué, avec une demande de couper les aides en direction de la Palestine. Derrière une façade de nuance, le Rassemblement National a affiché un soutien d’Israël qui vient légitimer une réponse militaire d’Israël. Chez Reconquête, c’est le fantasme civilisationnel qui a été redémarré pour l’occasion. 

Alors que la paix s’éloigne là-bas, l’indignité s’installe ici, sans considération pour les nombreuses victimes palestiniennes que la réaction d’Israël a déjà commencé à provoquer. La réaction des grandes puissances occidentales n’est pas beaucoup plus réjouissante : les États-Unis, comme à leur habitude, ont apporté un “soutien sans faille”, allant même jusqu’à accepter une réponse “très musclée”. Dans un communiqué commun, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et les États-Unis ont malgré tout tenu à “[reconnaître] toutes les aspirations légitimes du peuple palestinien et [à soutenir] des mesures égales de justice et de liberté pour les Israéliens et les Palestiniens”. Par pudeur sans doute, on ne parle pas de paix, à laquelle on préfère le droit vertical d’Israël à se défendre, le contexte n’ayant naturellement rien de colonial.

L’Union européenne, par la voix de son chef de la diplomatie s’oppose au blocus, illégal au regard du droit international humanitaire, que l’État d’Israël a imposé à Gaza, coupant également l’accès à l’eau, à l’électricité et au gaz. La France d’Emmanuel Macron, fidèle à son habitude, reste quant à elle bien silencieuse depuis le début du siège. Quoi qu’il arrive, l’opposition (insuffisante à souhait, quand c’est un cessez-le-feu qu’il faudrait demander) arrive bien tard. 

Après des décennies à piétiner le droit international en toute impunité, à bafouer les accords d’Oslo et à commettre des crimes de guerre documentés par les Nations Unies sans être inquiété, les dirigeants d’Israël se sentent désormais libres d’entreprendre une expédition vengeresse ne pouvant déboucher que sur le massacre de populations civiles, comme cela a déjà été le cas par le passé. 

L’Europe et la France, soutiens (complices ?) historiques des gouvernements les plus réactionnaires d’Israël, ont perdu leur crédibilité diplomatique pour accompagner une paix juste et durable en Palestine. Et si c’est le drapeau israélien que nous voyons aujourd’hui fleurir sur certains de nos monuments et bâtiments publics, le drapeau palestinien aurait dû y figurer de longue date.


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