On s’embourbe dans SnowRunner

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On s’embourbe dans SnowRunner

Le jeu vidéo est quand même un drôle de média. Avec SnowRunner j’ai passé des dizaines d’heures à piloter des semi-remorques traçant hors route avec une vitesse moyenne d’au moins 15 km/h, parfois je me tapais des pointes à 50 km/h sur le bitume. Vous devez vous dire qu’il n’y a rien de folichon dans la proposition d’incarner un camionneur : mon Dieu que vous avez tort. J’y ai passé près d’une centaine d’heures sur ce jeu sans voir le temps passer.

Snowrunner est un open world se déroulant dans trois grandes zones (toutes trois divisées en quatre grandes cartes, sans compter les DLC) : le Michigan, l’Alaska et le Taïmyr en Russie. L’ensemble du terrain de jeu est disponible après un court tutoriel… Enfin théoriquement, car si vous vous mettez en tête d’attaquer la carte de l’Alaska sans avoir débloqué les pneus neige, vous n’irez pas très loin.

Car le jeu ne comporte que des cartes aux terrains difficiles : le bitume est très mal entretenu quand il est existant, certaines routes sont inondées ou recouvertes de plus d’un mètre de boue ou de neige, parfois il n’y aura même pas de route et on vous demandera de traverser des marécages boueux, ou de vous frayez un chemin sur des terrains avec plus d’un mètre de neige. Le titre de Saber Interactive fait partie d’un genre de niche bien à lui : la simulation de transports de l’extrême.

La proposition de gameplay est assez inédite : elle ressemble un peu à celle de la dernière superproduction d’Hideo Kojima Death Stranding, mais aussi à celle de Farming Simulator. Ici il n’y a pas de scénario ni de dirigisme : vous découvrez les cartes et les missions petit à petit et choisissez de faire les missions proposées sur la carte dans l’ordre que vous voulez. Déroutant d’être lâché dans la nature après un court tutoriel.

On y trouve pourtant vite ces marques et comprend rapidement les mécaniques, surtout que l’on est accompagné ponctuellement d’une boîte d’aide contextuelle venant donner des indications lorsque nécessaire. Les missions qui vous seront proposées vont du transport de marchandises au remorquage de véhicule. Le défi sera de vous faufiler sur des terrains accidentés et quasi impraticables. Il faudra jouer sur la précision des accélérations et du pilotage, sur les réglages de la boîte de vitesses automatique et le blocage de différentiel. On pourra également utiliser un treuil pour remorquer son véhicule lorsque celui-ci se retrouve à patiner dans la boue.

Le plaisir du pilotage est là, sauf qu’à la différence d’un jeu de course qui met l’accent sur la vitesse et où il faut optimiser son pilotage pour grappiller quelques dixièmes de seconde à chaque virage, il faut ici juste arriver à bon port en évitant de faire tomber sa cargaison ou de renverser son 33 tonnes. C’est tout aussi technique, mais c’est bien plus lent et ça demande plus de patience.

Parfois il faudra réfléchir en amont sur la façon dont on effectuera le transport, et user de débrouillardise lorsque votre véhicule se mettra à méchamment patiner dans la neige.

Chaque véhicule a une utilité particulière, les 4×4 vous permettront d’explorer les cartes du jeu et de récupérer les pièces d’équipement qui y sont parsemés, différents camions équipés de remorques ou de grues seront spécialisés dans des tâches bien précises : conduite hors route, destinée à des opérations de remorquages de véhicules, ou destinée à transporter des objets massifs.

Les véhicules sont largement modifiables et améliorables, les améliorations se débloquant au fur et à mesure des missions effectuées. Les améliorations permettent de débloquer de nouvelles possibilités pour vos véhicules : des parties de la cartes, constant en de vastes étendues de boue, seront pratiquement impraticable sans avoir débloqué les pneus boue. Il est donc important de bien équiper son véhicule en fonction des terrains que l’on va traverser.
Car le jeu est doté d’une gestion de dégâts, et vos véhicules brûlent à vitesse grand V. Les premières cartes ont des stations à essence et des garages facilement accessibles, mais il faudra parfois penser à amener des camions ou une semi-remorque de fuel ou des camions de réparations dans les lieux les plus reculés de la carte pour pouvoir assurer la maintenance des véhicules directement sur le terrain.

Le système de caméra est très soigné, les développeurs ayant compris qu’un mauvais système de caméra pouvait être particulièrement rageant dans ce type de jeu. La caméra extérieure, finement réglable, se place toujours au bon endroit, et elle reste plus collée à la route qu’au véhicule. La vue intérieure dispose de cockpits bien modélisés, et de rétroviseurs fonctionnels, et lorsqu’on l’oriente vers la gauche notre personnage sort la tête de la fenêtre et oriente son regard vers l’arrière du véhicule. Vous ne pourrez pas réalistiquement jouer totalement en vue intérieure, car certaines manœuvres sont trop délicates pour être faites depuis le cockpit, mais vous pourrez y passer 80 % du temps. Seul défaut, le pilote s’excite sur le volant à chaque virage, et ça peut devenir désagréable, surtout sur un jeu qui met tant l’emphase sur un rythme lent. Si la conduite des véhicules est réaliste, le vrai problème vient d’un moteur physique parfois un peu cassé sans que ça soit dramatique.

Le tout est parfaitement jouable en solo. Lorsque vous aurez besoin de deux chauffeurs, typiquement lorsque vous devez remorquer un véhicule, il sera plus simple en profitant de la force motrice de deux moteurs — un chauffeur virtuel se chargera de copier vos mouvements sur le second véhicule. C’est simple et ça suffit pour faire l’intégralité du jeu seul. Mais cela n’empêche pas d’y jouer en multijoueur, parce que le jeu s’adonne parfaitement à la coopération en ligne, et c’est une excellente façon d’en profiter. Vous effectuerez vos missions plus vite et avec plus de facilité à plusieurs. Le seul désavantage : vous ne pourrez pas passer les nuits comme dans le mode coopératif, alors que le manque de visibilité la nuit rend le jeu plus corsé.

SnowRunner est une réussite, et un excellent divertissement. Une réussite dans sa proposition de gameplay, disposant en prime d’une durée de vie et d’un contenu gargantuesque. Le jeu va à contre pied de ce qui se fait habituellement dans l’industrie, ça peut être déroutant, notamment le rythme du jeu qui est particulièrement lent. Pour ma part j’ai apprécié le jeu en y arrêtant la musique (des musiques aux accents country pas désagréables, mais avec très peu de morceaux, malheureusement) et en écoutant un album de mon choix, un podcast ou une vidéo. Mais il est clair que sa proposition radicale pourra vous rebuter : si l’idée de parcourir les campagnes les plus inhospitalières d’Alaska et de Russie vous paraît être une bonne idée, que vous n’avez pas peur de chercher pendant des dizaines de minutes comment traverser un marais sans noyer le moteur de votre véhicule, jetez-vous dessus. En revanche si vous vous demandez comment on s’amuse sur un tel jeu, même après la lecture de cet article, alors peut-être que vous êtes définitivement allergique à cette formule.


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