Que l’on aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ou pas du tout le football, difficile d’avoir passé la période estivale sans avoir entendu parler, ou bien souvent participé à une discussion, à propos des transferts aux prix exorbitants de cet été, avec comme exemple majeur, celui du prodige brésilien Neymar.
Et oui, la une de L’Equipe de votre voisin dans le train, les comparaisons en nombre de baguettes de la boulangère, les “tout ça pour courir derrière un ballon !” parfumés d’anis, de bière ou de menthe à l’eau à la terrasse d’un bar, tout le monde a eu un avis sur le sujet et impossible d’y échapper. Mais au fond, que nous révèle la période que nous venons de passer ?
Du recrutement sportif à l’investissement financier
La première constatation que nous pouvons faire réside dans le fait que désormais, depuis quelques temps maintenant, les joueurs de foot ne représentent plus la même chose pour les clubs. Lorsqu’on achetait un Michel Platini dans les années 80, on achetait un joueur de valeur capable de briller sur le terrain et d’aider le club à remporter des titres.
Bien sûr on attend également cela de Neymar, Mbappé ou Dembele mais désormais, un joueur est un véritable investissement commercial destiné à rapporter énormément d’argent. C’est une des principales raisons de l’envolée des prix sur le marché des transferts.
Quand Platini ou Van Basten rapportaient de l’argent grâce aux trophées remportés, à une augmentation relative des droits télés et à quelques maillots vendus Neymar, Cristiano Ronaldo, Pogba et les autres sont dans une autre dimension. Le maillot jaune floqué Neymar du Paris Saint Germain se vendra à des millions d’exemplaires, des touristes feront halte au Parc des princes à des prix exorbitants entre une visite de Montmartre et de la Tour Eiffel, les médias augmenteront les droits TV pour pouvoir diffuser Dembele et Messi face à CR7, les jeux vidéos sortiront le chéquier pour les placer sur la pochette, les équipementiers en feront des égéries, etc..
Nous sommes donc dans une toute autre dimension que l’on avait déjà constatée en France avec l’arrivée de Beckham au PSG, qui ferait presque relativiser le montant de ces transferts rapport à l’argent généré en retour…
Le Fair Play financier dribblé sans pression
Cet été est également révélateur des limites des systèmes mis en place pour tenter de réguler à minima les dérives de l’argent roi dans le football. Le meilleur exemple est celui du fair-play financier. Si l’idée est intéressante à la base et représentait une avancée non négligeable, on en voit désormais toutes les limites. Les clubs surpuissants en argent et en services juridiques mettent tout en oeuvre pour contourner les contraintes de l’UEFA. Et au vu des empires sportifs – financiers – médiatiques – industriels- que représentent les clubs les leviers sont à disposition.
Un joueur trop cher ? Un montage financier peut permettre de lui faire parvenir de l’argent afin qu’il rachète lui même sa clause libératoire et qu’il devienne gratuit.
Trop de budget investi la même année ? Il suffit de négocier un prêt avec option d’achat quasi garantie (cf Mbappé) permettant de ne payer que l’année suivante.
Risque d’interdiction de recrutement ? Au pire avec un recrutement surdimensionner cette année, ne pas recruter pendant 1 an ou 2 devient anecdotique…
Il semblerait que les auteurs de ces dispositifs se heurtent aux mêmes difficultés que d’autres à lutter contre les puissants, autrement dit, le football fait de nouveau la démonstration qu’il est impossible de “moraliser” ou de “réguler” le capitalisme.
Le football amateur et la majorité des footballeurs sur le banc
Derrière cette montagne de sommes invraisemblables et de flux financiers spectaculaires permettant à un petit réseau de s’en mettre plein les poches, il y a le monde amateur et la majorité des professionnels.
Loin des 1€ par seconde touchés par Neymar le salaire moyen du club de Guingamp est d’à peine 30 000 euros par mois. Certes c’est bien plus que nous tous qui lisons cet article mais il est important de prendre en compte cette différence pour voir la disparité. Le montant du salaire peut faire débat mais nous parlons de carrières de sportifs qui sont de très courte durée et les reconversions loin d’être accessibles à tout le monde, les efforts physiques et sacrifices du métier sont également très durs à encaisser pour l’organisme. Au delà même de ce débat la question de fond reste la même : l’écart des salaires est indécent et surtout… que touche un joueur par rapport à ce qu’il rapporte ? C’est pourtant bien sa force de travail qui crée les bénéfices…
Le football amateur ne tire que trop peu de profits de ces sommes mirobolantes et de l’argent perçu. C’est peut être la priorité que devraient se donner les instances du football français, premières à se réjouir de voir tous ces joueurs arrivés en France. En clair quelle réforme des institutions et quelle intervention des pouvoirs publics pour une meilleure répartition des richesses dans le football ?
Une belle saison en perspective
Une fois tout cela dit nous serions mauvaise langue de ne pas se dire que la saison qui s’annonce, en Ligue 1 comme dans tous les grands championnats, sera de haute qualité et d’ores et déjà spectaculaire. Au fond, quels amateurs et amatrices de football ne se réjouiraient pas de voir sur la pelouse de tout le pays des Neymar, Balotelli, Sneijder, Dante, Depay, Falcao, etc. ? De même nous aurons la chance de voir sur nos pelouses nombre de nos internationaux tricolores à l’image de Mbappé, Payet, Mandanda, Fekir, Rabiot, Lemar, etc.
En attendant les chocs européens qui nous annoncent une Ligue des Champions qui devrait tenir toutes ses promesses et qui verra les meilleurs joueurs du monde s’affronter sous l’oeil de spectateurs dans les stades, les bars, les appartements qui loin des millions en jeu partageront surtout des rires, colères et moments de liens autour d’un passement de jambes ou d’une lucarne.