Migrants : Montebourg pathétique, Mélenchon à côté

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Migrants : Montebourg pathétique, Mélenchon à côté

La pathétique sortie d’Arnaud Montebourg sur les migrants a provoqué une réponse bien curieuse de Jean-Luc Mélenchon. Un échange bien loin de la hauteur nécessaire sur l’enjeu migratoire.

Le plus patron des socialistes toujours un peu plus perdu

Le cirque médiatique ne favorise pas la parole mesurée. L’outrance est largement récompensée sur des plateaux télé à l’animation défaillante et la problématisation inexistante. L’audience des chaînes d’information en continu étant de toute façon relativement faible, l’objectif est davantage de produire une séquence polémique qui sera reprise sur le web (et par le reste des médias). 

L’ancien ministre au Redressement productif de François Hollande l’a bien compris. Il a donc probablement préparé avec soin son propos sur les migrants, thème qui a l’avantage de produire des réactions épidermiques dans tous les camps politiques. Il aurait pu se parer d’humanité et proposer un accueil inconditionnel, dénoncer Frontex (le programme policier européen de surveillance des frontières) ou fustiger les discours racistes. Il a préféré sortir une proposition particulièrement injuste et peu inspirée. 

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Premièrement, on peine à comprendre la logique derrière de telles sanctions. La proposition s’inscrit dans une surenchère d’une mesure gouvernementale visant à limiter le nombre de visas accordés aux citoyens des pays du Maghreb qui ne joueraient pas le jeu. En réalité, le petit jeu diplomatique autour des laissez-passer consulaires (nécessaires pour le retour au pays d’origine d’un ressortissant expulsé) est un phénomène marginal. Selon une infographie de l’AFP, on comptait 15 000 OQTF (obligations de quitter le territoire français) prononcées contre des ressortissants du Maghreb (environ 100 000 au total, 0.0015% de la population). Le nombre est déjà faible, mais en plus on ignore combien de ces OQTF ont donné lieu à une demande de laissez-passer.

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Les sanctions économiques à l’échelle internationale sont des armes qui paupérisent les populations et entraînent rarement des avancées diplomatiques. Les cas de l’Iran et de la Corée du Nord le montrent. Déclencher une attaque contre un pays dans l’espoir que sa population fera pression sur son gouvernement, en plus d’être moralement très contestable, aboutit souvent au résultat inverse. 

Sur ce sujet ça paraît particulièrement compliqué, on imagine assez mal une population dont le niveau de vie dépend des transferts de sa diaspora demander à une coopération de son gouvernement pour l’expulsion d’une partie de cette diaspora…

Deuxièmement, il se trouve que nous sommes en 2021. Dans cette amorce de la troisième décennie du premier siècle du deuxième millénaire, les transferts monétaires internationaux sont largement démocratisés (#internet). Sans réfléchir bien longtemps on imagine aisément les nombreux contournements d’un tel blocage : 

  • Envoyer l’argent dans un pays intermédiaire (risqué selon l’intermédiaire)
  • Envoyer du cash par pli postal (illégal et dangereux)
  • Utiliser n’importe quelle cryptomonnaie
  • Envoyer un substitut physique à la monnaie (or, argent, etc.)

On imagine aussi les nombreux réseaux d’intermédiaires illégaux qui se mettraient en place sur ce nouveau marché. 

La proposition semble tout à la fois inutile, injuste, inefficace et dangereuse. On espère pour ses salariés qu’Arnaud Montebourg est un meilleur patron qu’homme politique.

La curieuse réponse de Jean-Luc Mélenchon

La sortie du candidat de la « remontada » a largement rempli son objectif. Elle a été conspuée à gauche, reprise par toute la presse et agitée les twittos dominicaux. Jean-Luc Mélenchon a justement dénoncé la « cruauté » et la « stupidité » de la proposition de son ancien camarade du parti socialiste. 

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Deux éléments de son argumentaire sont problématiques. 

Premièrement pour le député des Bouches-du-Rhône, si les transferts issus de l’émigration cessent, une nouvelle émigration aura lieu. 

« Si […] l’argent ne retourne pas au pays, dans les familles, alors d’autres gens partiront. »

Cette affirmation paraît un peu rapide. D’abord, l’existence d’importants flux financiers en provenance de la diaspora ne tarit pas nécessairement l’émigration. Au contraire, de nombreuses personnes font le choix d’émigrer dans l’espoir de pouvoir aider leur famille. Inversement, ceux qui restent n’aspirent pas à rester dépendants de proches expatriés. Enfin, ce propos vient quelque peu justifier la diplomatie européenne du chèque contre les mouvements migratoires.

Deuxièmement, le leader de la France Insoumise met en avant la part conséquente de ces flux financiers dans les PIB de certains pays. Il rappelle que cet argent est « considéré comme l’aide la plus efficace ». Le candidat à la présidentielle souligne que cette aide arrive directement aux familles et est moins susceptible d’être captée par des réseaux de corruption.

Il est vrai que le reste de l’aide internationale est parfois constitué de prêts et qu’une part conséquente ne profite pas vraiment aux populations. 

Peut-on cependant considérer que les flux financiers de la diaspora sont une alternative acceptable à l’aide au développement ? Probablement pas. Déjà, le coût humain des flux migratoires est bien trop élevé. Les flux migratoires rendus illégaux nourrissent des réseaux de trafic humains extrêmement violents. On peut mentionner les marchés d’esclaves en Libye, les noyés de la Méditerranée, ceux des Alpes ou des Pyrénées ou encore plus récemment ceux percutés par des trains en France en fuyant les contrôles policiers. On peut aussi rappeler la situation à Calais ou la ville est désormais couverte de barbelés, où les migrants errent de démantèlement en démantèlement jusqu’à tenter une hasardeuse traversée de la Manche aux mains de passeurs criminels. Difficile de parler d’efficacité.

Enfin, cette immigration constitue également un enjeu dans le pays d’accueil. Les travailleurs immigrés sont à cause de lois de criminalisation privés de droits, contraints à du travail informel et dangereux.

De plus, les flux financiers de la diaspora sont mobilisés pour une consommation immédiate qui nourrit des échanges commerciaux inégaux. Ces sommes importantes par rapport aux PIB de certains pays ne viennent en réalité pas développer le pays, mais s’inscrivent dans une même continuité de domination économique des pays riches sur les pays pauvres.

Difficile de qualifier d’efficace cette situation. 

Le consensus d’humanité à gauche

Derrière la réponse maladroite de Mélenchon, on trouve pourtant des positions bien plus intéressantes dans son programme l’avenir en commun. Le fascicule souvent mis en avant dans la communication de la France Insoumise possède un point sur les enjeux migratoires : 

On trouve ainsi dans le chapitre 5, de la version de novembre 2020 du programme de la FI, une entrée au numéro 49 dressant les grandes lignes de politiques plus humaines et réalistes sur les migrations. 

Le droit d’asile y est réaffirmé, la criminalisation du parcours migratoire dénoncé et la volonté de trouver une solution globale à l’échelle internationale notamment en révisant les rapports économiques clairement posés. 

On trouve des propositions sensiblement identiques dans le livret du PCF Pour une France hospitalière et fraternelle paru en avril 2018. 

Le parti de la place du colonel Fabien va encore plus loin en énonçant :

« Nous considérons que la liberté d’installation et de circulation est une perspective crédible dans un monde marqué par la mobilité et les déplacements. »

La décriminalisation du parcours migratoire est également mise en avant avec un focus particulier sur le cas de mineurs non accompagnés. 

Ce livret revendicatif se conclut sur la question des aides au développement où le retard de la France est dénoncé. 

Tous ces exemples montrent que la gauche n’est pas démunie sur les enjeux migratoires et n’a pas besoin de courir après l’extrême droite ni de se perdre dans des considérations laborieuses. Même en période électorale et donc d’une certaine adversité, l’humanité doit rester la boussole.


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